Pleins feux sur… l’esturgeon jaune et l’âge des poissons
On pourrait facilement me nommer le vénérable des fonds aquatiques. En effet, on me trouve principalement en eau douce dans les grands cours d’eau. J’évolue surtout près des fonds où je me nourris principalement de mollusques grâce à ma bouche en forme de siphon et à mes barbillons sensoriels. En plus, je suis un poisson puissant et combatif. On me doit donc du respect! Et que dire de ma longévité impressionnante pour un poisson! Lis la suite pour en apprendre un peu plus sur moi et sur les méthodes utilisées pour déterminer l’âge des poissons.
L’esturgeon jaune (Acipenser fulvescens), un poisson à l’allure préhistorique
On dit de moi que j’ai une allure préhistorique. C’est peut-être dû à la présence de plaques osseuses qui recouvrent mon corps qui me donnent une allure de fossile vivant. C’est peut-être aussi parce que j’ai conservé certaines caractéristiques primitives. Contrairement à la majorité des poissons, mon squelette n’est pas fait d’os, mais il est principalement cartilagineux.
Peu importe, je suis bien vivant aujourd’hui et l’on me trouve dans plusieurs cours d’eau du Québec. Ce n’était malheureusement pas le cas dans les années 70. À cette époque, la surpêche pour ma chair prisée et mon caviarCaviar : aliment composé d’œufs d’esturgeon. très recherché a fait chuter massivement l’ensemble des populations de notre province. Heureusement, un meilleur suivi des pêches commerciales et sportives et une restriction de la taille et du nombre des prises ont permis à mon espèce de remonter la pente.
Un suivi télémétrique pour comprendre comment bien protéger cette espèce
Le suivi télémétrique de certains individus munis d’émetteur, effectué par les biologistes du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP), a permis d’en apprendre beaucoup plus sur l’emplacement de mes frayères. Étant donné que c’est seulement vers 25 ans en moyenne que je me reproduis la première fois et que je ne fraie pas chaque année, les informations permettant de faire le suivi et de protéger mes frayères sont essentielles.
La population de mon espèce au Québec demeure basse dans certains secteurs du fleuve Saint-Laurent, mais on peut dire que, globalement, je me porte bien. On ne peut pas en dire autant des populations à l’ouest du Québec, ailleurs au Canada. Les barrages et la destruction de mon habitat nuisent beaucoup au rétablissement de mon espèce.
Je suis un poisson de forme allongée avec un long museau pointu. Ma nageoire caudaleCaudale : qui termine le corps du poisson (queue). a une forme caractéristique avec un lobe supérieur plus grand que le lobe inférieur (un peu comme les requins). Je mesure en moyenne de 90 à 140 cm, mais les plus grands spécimens de mon espèce peuvent atteindre jusqu’à deux mètres et demi. À cette taille, je peux atteindre le poids impressionnant de 140 kilos, bien qu’en moyenne, mon poids oscille entre 5 et 35 kilos.
Un grand combattant reconnu pour la pêche sportive
Cela fait de moi un poisson de pêche sportive recherché car, peu importe ma taille, je livre de puissants combats. Les Premières Nations ont un grand respect pour mon espèce : je suis quand même le plus grand poisson d’eau douce que l’on trouve dans nos eaux. D’ailleurs, afin de mieux préserver mon espèce, des limites sur la longueur minimum et la longueur maximum des individus gardés doivent être respectées. Consulte la réglementation sur la pêche sportive au Québec pour en apprendre plus sur les limites de taille associées aux différentes zones de pêche.
Ma caractéristique la plus renversante toutefois est sans aucun doute ma longévité impressionnante. En effet, mon espérance de vie moyenne se situe entre 55 et 80 ans, mais certains individus peuvent atteindre près de 150 ans. Ce qui est très respectable pour un poisson. En comparaison, la longévité de l’omble de fontaine (Salvelinus fontinalis) oscille entre 5 et 7 ans.
Comment fait-on pour connaître l’âge d’un poisson?
La sclérochronologie, est-ce que ça te dit quelque chose?
C’est l’étude des tissus durs des animaux : os, écailles, otolithes, coquilles, etc. Leur analyse permet, entre autres, d’estimer l’âge de l’individu.
Chez les poissons, il y a différentes structures qui sont utilisées pour connaître leur âge. Il s’agit, entre autres, des écailles, des otolithes et des rayons de nageoire.
Les écailles recouvrent le corps de nombreuses espèces de poissons. Elles servent surtout à leur protection. À partir des stries de croissance observées sur les écailles, il est possible de déterminer l’âge des poissons.
Les écailles grandissent par couches successives tout au long de la vie du poisson. Les stries de croissance sont des petits sillons concentriques dont l’espacement varie selon le rythme de vie du poisson. En été, lorsqu’il y a abondance de nourriture, la croissance du poisson est rapide. L’espacement entre les stries de croissance est donc plus grand. En hiver, la nourriture est moins abondante et l’activité des poissons est réduite. À ce moment, les stries de croissance sont plus rapprochées.
L’alternance entre les stries rapprochées (zones sombres) et les stries éloignées (zones claires) permet de suivre les saisons et donc de déterminer l’âge des poissons. Cette méthode s’appelle la scalimétrie. Elle permet de déterminer l’âge des poissons à partir des écailles. Hé oui, c’est un peu le même principe que les anneaux de croissance des arbres!
En ce qui concerne l’esturgeon jaune, c’est plutôt le premier rayon de la nageoire pectorale qui est utilisé pour déterminer son âge. On fait une coupe transversale dans le rayon prélevé et, comme pour les écailles, l’analyse des zones opaques et des zones translucides permettra de déterminer l’âge du poisson.
En plus des écailles et des rayons de nageoire, une autre structure est utilisée pour déterminer l’âge du poisson. Il s’agit de l’otolithe. L’otolithe est une structure minérale qui se situe dans l’oreille interne de certains vertébrés. Il est composé de cristaux de carbonate de calcium. Bien que l’otolithe soit très dur, un peu comme une pierre, ce n’est pas un os. Les otolithes jouent un rôle dans l’équilibre et dans l’audition.
Cette structure est importante chez les poissons osseux. En effet, ces derniers possèdent trois otolithes dans chacune de leurs oreilles. La plus grande des trois paires d’otolithes se nomme saggita. C’est elle qui est utilisée pour déterminer l’âge du poisson. Un peu comme les écailles, la croissance des otolithes est continue tout au long de la vie du poisson. Le comptage des couches qui s’ajoutent chaque année permet d’établir l’âge du poisson.
L’otolithe est un peu comme la mémoire de la vie du poisson. En plus de l’âge du poisson, la lecture des anneaux concentriques des otolithes nous fournit une foule de renseignements intéressants. En effet, les otolithes peuvent nous renseigner sur les évènements marquants de la vie du poisson, du stade larvaire jusqu’au stade adulte. Ils peuvent aussi nous fournir de l’information sur la croissance des poissons en fonction des cycles saisonniers. L’otolithométrie, qui est la mesure de l’âge des poissons à partir de l’étude de leurs otolithes, a donc permis d’en apprendre beaucoup sur la biologie des poissons. Les techniques utilisées sont en constante évolution et sont de plus en plus perfectionnées, ce qui laisse présager que les otolithes pourront nous en apprendre encore plus dans l’avenir.
La connaissance de l’âge des poissons peut être très utile aux biologistes : elle leur permet de suivre la santé des populations de poissons, en plus de leur fournir des informations sur la longévité des espèces.
Il paraît que…
- Les anguilles n’ont pas d’écailles. L’examen de leurs otolithes est donc essentiel à l’acquisition de connaissances sur cette espèce.
- Les lamproies, les requins et les raies sont des poissons cartilagineux et ils sont dépourvus d’otolithes.
- Le mot otolithe signifie littéralement « pierre d’oreille ».