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Oiceoptoma inaequale se nourrissant. © Jane Wyche.

Pleins feux sur… l’Halloween et les insectes nécrophages

Oiceoptoma inaequale sur un crâne de cerf.

Oiceoptoma inaequale sur un crâne de cerf. © Stephen Cresswell.

Halloween rime avec peur, frissons, sorcières et potions. La fabrication des potions fait souvent appel à des ingrédients plutôt dégoûtants, tels que de la bave de crapaud , des pattes d’araignée, des yeux de chauve-souris, des champignons et des silphes. Il faut ensuite se débrouiller pour obtenir ces ingrédients. Trouver des silphes, juste à y penser, j’en ai des haut-le-coeur… Fouiller les cadavres, quelle horreur! Bienvenue dans le monde des nécrophages!

Les silphes sont des insectes!

Les silphes ont donc six pattes et leur corps est divisé en trois parties : tête, thorax et abdomen. Ils font partie de l’ordre des coléoptères. Ils possèdent une carapace qui recouvre leur abdomen. Il s’agit en fait d’une paire d’ailes modifiées appelées « élytres » qui protègent les ailes membraneuses en dessous. 

Silphe d’Amérique.

Silphe d’Amérique. © Michael K. Oliver.

Les silphes sont de la famille des silphidés… Pas original, mais facile à retenir, non? Cette famille comprend 18 espèces au Québec. La famille se divise en deux sous-familles, les silphinés (huit espèces) et les nicrophorinés (dix espèces). Jusque-là, rien de spécial, que de la classification. Mais, si je te dis que ces bestioles sont des nécrophagesNécrophage: qui se nourrit d’organismes morts, de cadavres. et des coprophagesCoprophage: qui se nourrit d’excréments

Chez les silphinés, l’espèce la plus commune est le silphe d’Amérique (Necrophila americana). Mâles et femelles se rencontrent sur une carcasse. La femelle y pond ses œufs et les larves ont immédiatement quelque chose à se mettre sous la dent! Les parents ne prodiguent pas de soins à leur progéniture; chacun pour soi. Toutefois, les adultes s’attaquent aux mouches qui veulent aussi leur place sur le cadavre pour y pondre leurs œufs. Il y a là une féroce compétition et, souvent, les silphes sont surpassés en nombre par les mouches qui affluent de partout!

Les silphidés ont des alliés!

Nécrophore au thorax tomenteux infesté de mites.

Nécrophore au thorax tomenteux infesté de mites (Nicrophorus tomentosus). © Stephen Cresswell.

Mais tout n’est pas perdu, les silphidés ont des alliés! Observe bien l’image ci-contre : les points minuscules sont des mites. Elles dévorent les œufs et les larves des mouches, au profit des larves de silphidés qui ont ainsi plus d’espace et de nourriture. Les silphidés adultes, en retour, vont permettre aux mites de se rendre au prochain banquet. Les mites sont transportées d’un cadavre à l’autre sur le dos des silphidés. Il s’agit de la phorésie, une forme spéciale d’association entre deux animaux d’espèces et de dimensions différentes, le plus grand (le silphidé) transportant le plus petit (les mites). Cela permet la diffusion de certaines espèces incapables de se déplacer loin par leurs propres moyens.

Accouplement de silphes marginés.

Accouplement de silphes marginés (Oiceoptoma noveboracense).
© Stephen Cresswell.

Chez les nécrophorinés, les premiers individus de chaque sexe qui arrivent près d’une carcasse se dépêchent d’éliminer la concurrence et de s’accoupler! Insectes nocturnes, ils se glissent sous l’animal (oiseau, souris, taupe, etc.) qu’ils enterrent rapidement. Ils ont conçu cette stratégie pour soustraire le cadavre aux autres décomposeurs et offrir à leurs larves un milieu propice à leur développement. Les adultes prennent d’ailleurs grand soin de leur progéniture, ce qui est exceptionnel chez les insectes. Normalement, ce sont les insectes dits sociaux, comme les abeilles, les guêpes et les fourmis, qui s’occupent de leurs petits.

Les silphidés jouent plusieurs rôles essentiels!

Insectes nécrophages qui s’alimentent sur un cadavre.

Insectes nécrophages qui s’alimentent sur un cadavre. © Jim McClarin.

Les silphidés sont des coléoptères indispensables dans les écosystèmes forestiers et agricoles. En se nourrissant de cadavres, ils interviennent dans les cycles du carbone et de l’azote. Sur la planète, il existe plusieurs éléments chimiques différents : l’oxygène, le carbone, l’azote, le fer, le mercure, etc. Les êtres vivants utilisent une quarantaine d’éléments chimiques pour se maintenir en vie. Ces éléments sont en quelque sorte des matériaux. Ils sont en quantité limitée sur la Terre et le travail de décomposition réalisé par les silphidés permet de les recycler et de les remettre en circulation pour être utilisés à nouveau. Ce sont les cycles biogéochimiques qui comprennent, en plus du cycle du carbone et de l’azote, celui de l’eau avec lequel tu es sans doute plus familier.

Et ce n’est pas tout. Les silphidés peuvent être des alliés précieux pour les policiers qui cherchent à obtenir des indices sur les circonstances de la mort d’un individu. Ils font partie des « escouades d’entomologie criminelle »! Selon le climat, cinq à sept escouades d’insectes se succèdent dans le temps. Ils agissent selon une chronologie bien définie. Chaque type d’insecte apparaît à un moment bien précis. Cela permet de déterminer depuis quand le cadavre se trouve là où il a été découvert.

Déjà au XIIIe siècle, les insectes jouaient des tours aux meurtriers. Un paysan chinois qui avait commis un meurtre fut démasqué par des mouches. Un homme avait été retrouvé mort poignardé dans une rizière. L’enquêteur se rendit sur les lieux et demanda aux ouvriers de déposer leurs faucilles devant lui. Les mouches se dirigèrent vers une faucille en particulier. Même s’il avait nettoyé le sang sur sa lame, le coupable ne réussit pas à tromper les mouches. Il fut arrêté.

De plus, les insectes sont de véritables éponges! Ils absorbent tout ce que la victime a absorbé. Les policiers peuvent détecter les traces de drogue dans le corps des victimes. Dans les années 1970, le squelette d’une femme fut découvert. Le dernier jour où elle avait été vue, le pharmacien lui avait vendu un somnifère. Ce même somnifère fut retrouvé dans les larves des mouches qui entouraient son squelette. L’enquête conclut au suicide.

Il paraît que…

  • Liquide sécrété par le nécrophore pustuleux.

    Liquide sécrété par le nécrophore pustuleux (Nicrophorus pustulatus). © Joyce Gross.

    En anglais, on les nomme « carrion beetles », ce qui pourrait être traduit par « coléoptères charognards ».
  • Une heure après sa mort, un cadavre situé jusqu’à trois kilomètres de distance sera détecté par les antennes du nécrophore. Le sens de l’odorat se trouve sur les antennes.
  • Les nécrophores sécrètent un liquide qui, selon certains, serait un moyen de défense vaporisé dans l’air. Pour d’autres, il servirait à ralentir la décomposition des carcasses.
  • Les larves de la mouche Protophormia terraenovae nourrissent de tissus putréfiés. Les médecins les utilisent parfois pour nettoyer les plaies, car elles ne détruisent pas les tissus sains.
  • Le nécrophore d’Amérique (Nicrophorus americanus)autrefois présent dans plus de 35 États américains, ne se retrouve plus que dans six États aujourd’hui. Cet insecte figure dans la liste officielle des espèces de coléoptères du Québec, mais l’avez-vous vu dernièrement?
Nécrophore d’Amérique.

Nécrophore d’Amérique. © Aaron Goodwin.

Pour en savoir plus…

Les insectes du Québec