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Musaraigne de Gaspé. © Nature Press.

Pleins feux sur… le monde des musaraignes!

Comment le plus petit mammifère du Québec se prépare-t-il à passer l’hiver? Connais-tu cet animal qui pèse à peine plus qu’une pièce de 1 cent et qui vit de 1 à 2 ans? Il s’agit d’une espèce de musaraigne!
Le mot musaraigne provient du latin mus-araneus (en français souris-araignée) en raison, semble-t-il, de la croyance répandue que moi, animal à la forme d’une souris, infligeais une morsure venimeuse comme celle de l’araignée. Sornette… ou réalité?

Une présentation s’impose!

Je suis un mammifère qui appartient à l’ordre des Soricomorphes, car j’ai la forme d’une souris. Au Québec, on trouve deux familles : les Soricidae, qui comptent huit espèces de musaraignes, et les Talpidae qui comprennent deux espèces de taupes. Il n’y a pas si longtemps, nous faisions tous partie de l’ordre des Insectivores. Que voulez-vous, la science évolue…! Quant à nous, apparues il y a plus de 100 millions d’années, les insectes constituent encore une bonne partie de notre régime alimentaire. Certaines espèces se régalent aussi d’autres invertébrés et parfois même de petits mammifères.

Arcade zygomatique absente chez les musaraignes et présente chez les taupes. © MELCCFP.

 
Confrontation entre deux grandes musaraignes.

Confrontation entre deux grandes musaraignes. © Jamie McCarthy, Animal Diversity Web.

Les pattes des taupes et des musaraignes sont munies de cinq doigts avec des griffes. Les taupes ont des griffes robustes pour creuser; ce sont des animaux fouisseurs. Nous sommes aussi armées de griffes, mais elles sont plus petites et ne nous permettent pas toujours de creuser des tunnels comme nos cousines. C’est pourquoi plusieurs d’entre nous utilisent les tunnels creusés par d’autres espèces de musaraignes ou par les campagnols. Une autre caractéristique nous distingue des taupes : notre crâne ne possède pas d’arcade zygomatiqueArcade zygomatique : arc osseux formé par la jonction de deux os situés sous chacune des deux tempes. Cet arc forme la pommette.. Les biologistes utilisent les mesures de notre crâne et de notre dentition pour nous identifier. La pointe de nos dents est colorée de brun rougeâtre.

Chez certaines d’entre nous, les sens de la vue et de l’odorat sont bien développés, tandis que chez d’autres, ce sont plutôt les sens de l’ouïe et du toucher qui sont les plus importants. Quelques-unes ont recours à l’écholocationÉcholocation : faculté des animaux d’émettre de brèves impulsions sonores qui vont heurter les objets ou les proies situés sur leurs parcours et dont ils perçoivent l’écho. L’écho renseigne l’animal sur la direction, la distance et la vitesse des objets ou des proies, ainsi que sur leurs dimensions et leur nature. La majorité des sons émis sont trop aigus pour que l’oreille humaine puisse les percevoir, ce sont des ultrasons. Les chauves-souris, les cétacés, les musaraignes et quelques oiseaux possèdent la faculté d’utiliser l’écholocation., pour se déplacer rapidement lors de situations d’urgence. Souvent solitaires, nous adoptons des comportements agressifs envers nos congénères…

La plus abondante!

Musaraigne cendrée.

Musaraigne cendrée. © Phil Myers.

Je m’appelle cendrée, musaraigne cendrée (Sorex cinereus). Je suis l’espèce de musaraigne la plus abondante au Québec. Je me régale, entre autres, des cocons de la mouche-à-scie, un insecte qui peut causer des dommages importants aux forêts et aux plantes cultivées. En hiver, je chasse dans les terriers sous la neige. Lorsqu’il est plus difficile de trouver des insectes, les graines de conifères peuvent composer la majeure partie de mon régime alimentaire. Des glandes odoriférantes sur mes flancs dégagent une odeur caractéristique, voire nauséabonde. Gare à toi si tu oses m’approcher!

Une petite discrète!

Musaraigne pygmée.

Musaraigne pygmée. © Liam Ryan, Animal Diversity Web.

Même si elle se trouve presque partout au Québec, il est rare d’apercevoir une musaraigne pygmée (Sorex hoyi). Elle me ressemble beaucoup, mais sa queue est plus courte et, comme son nom l’indique, elle est petite. Malgré sa petite taille, elle est vorace. Elle mange toutes sortes d’insectes, d’autres invertébrés et d’animaux morts. En hiver, elle consomme des noix de pin gris.

La grande venimeuse!

Grande musaraigne.

Grande musaraigne. © Phil Myers.

La grande musaraigne (Blarina brevicauda)  possède une salive venimeuse qui paralyse ses victimes. Le venin n’est pas dangereux pour les humains, mais la morsure est douloureuse pendant quelques jours. La grande musaraigne peut ainsi attaquer des proies aussi grosses que de jeunes lièvres. Elle entrepose dans des tunnels ses proies qui sont paralysées pour les manger plus tard. N’étant pas mortes, ses victimes ne se décomposent pas immédiatement. La grande musaraigne est fouisseuse et construit des réseaux de galerie dans la neige et sous la couche de neige à la surface du sol. Elle aussi dégage une odeur répugnante.

Une nageuse professionnelle!

Musaraigne palustre.  © Utilisée avec la permission d'Emily S. Damstra.

Musaraigne palustre. © Utilisée avec la permission d’Emily S. Damstra.

Son nom signifiant musaraigne qui vit dans les marais, la musaraigne palustre (Sorex palustris) fréquente les cours d’eau. Même l’hiver, elle nage sous la glace. Brrr. Ses pattes postérieures palmées font d’elle une excellente nageuse. Sa grande queue lui assure une étonnante flottabilité. Afin d’augmenter ce phénomène, elle emprisonne des bulles d’air sous ses pattes et dans son pelage dense. À l’opposé, si elle veut plonger et rester immergée, elle doit toujours être en mouvement. Elle peut rester environ 45 secondes dans l’eau. Lorsqu’elle sort, elle mange sa proie – insectes aquatiques, escargots, limaces, petits poissons – et se fait sécher.

La plus sociable!

L’hiver, la musaraigne fuligineuse (Sorex fumeus) consomme des pupes et des insectes en état de dormance hivernale. Elle vit en petites colonies, c’est bien la seule qui tolère la proximité des autres! Lorsqu’elle se fait déranger, elle se jette sur le dos en battant l’air avec ses pattes et émet un cri d’alarme très aigu.

Musaraigne fuligineuse. © Phil Myers.

Musaraigne arctique.

Musaraigne arctique. © Phil Myers.

Plusieurs couleurs!

La musaraigne arctique (Sorex arcticus), qui habite la forêt boréale, aurait pu être appelée la musaraigne tricolore, car elle est brun foncé, brun pâle et gris.

La plus rare du groupe!

Il y a aussi la musaraigne de Gaspé (Sorex gaspensis), la plus rare des musaraignes et la moins bien connue. Elle ne vit qu’au Canada, en terrains rocheux, montagneux et accidentés, dans la région de la Gaspésie, au Nouveau-Brunswick et à l’Île du Cap-Breton.

Musaraigne de Gaspé.

Musaraigne de Gaspé. © Nature Press.

Musaraigne longicaude.

Musaraigne longicaude. © Dr. Kerry S. Kilburn.

Regardez bien entre les rochers!

La musaraigne longicaude (Sorex dispar), qui ressemble beaucoup à la musaraigne de Gaspé, habite les crevasses et les espaces entre les pierres en terrain accidenté.

Comment combattre le froid en hiver?

Les mammifères sont des endothermes, c’est-à-dire que leur température interne est maintenue constante par certains mécanismes, elle ne change pas selon la température extérieure comme c’est le cas pour les amphibiens. Le corps produit de la chaleur certes, mais il peut aussi en perdre. Tes glandes sudoripares évacuent la chaleur et abaissent la température de ta peau. Le chien qui halète est en plein travail de refroidissement de son organisme, car il ne possède pas de telles glandes, tout comme nous! Les poils qui couvrent la peau protègent du froid. Il s’agit donc d’un équilibre entre la production et la perte de chaleur.

Tunnel dans la neige par la grande musaraigne.

Tunnel dans la neige par la grande musaraigne. © Phil Myers.

Comment affronte-t-on l’hiver, mes consœurs musaraignes et moi? Je dois utiliser différentes stratégies pour parvenir à me tenir au chaud et en vie tout l’hiver. Plusieurs facteurs sont déterminants : la quantité de neige, le froid, la radiation provenant du soleil, l’énergie (production de chaleur par le corps) et le vent.

Ma fourrure est plus dense et plus longue lorsque les jours froids arrivent, mais ce n’est pas suffisant. Vivre sous la neige m’assure une protection contre le froid, les écarts de température et le vent. Plus la couche de neige est importante, plus l’effet d’isolation est efficace. La fabrication d’un nid me permet de conserver ma chaleur et de réduire les pertes d’énergie. Tu n’as qu’à penser à ta « doudoune » en duvet qui te garde au chaud. Alors, les musaraignes construisent des nids « doudoune » avec divers matériaux : feuilles, poils, herbes, etc. La musaraigne fuligineuse partage son nid pour conserver la chaleur; certainement pas moi!

Mon activité principale : manger!

Je peux résister au froid ou à la chaleur, mais pas à la privation de nourriture. En effet, je dois manger toutes les 2 à 3 heures, sinon je meurs. Faire des provisions, pas pratique, cela me demanderait trop d’énergie à défendre et à entasser. Chaque jour, je mange des centaines d’insectes et d’autres invertébrés. J’opte donc pour la défense d’un territoire dans lequel se trouve de la nourriture en quantité suffisante pour assurer ma survie durant l’hiver.

Comme je dois manger sans cesse, je suis active presque toute la journée, avec de courts moments de repos.

Un métabolisme élevé!

Animaux de petite taille, nous sommes reconnues pour avoir un métabolisme élevé. Le métabolisme de base est l’énergie nécessaire pour entretenir l’organisme au repos. Je possède un taux métabolique de base de trois à cinq fois supérieur à celui de la plupart des petits mammifères. Ce taux métabolique est plus élevé en automne et en hiver en réponse au stress causé par le froid. Pour comparer le métabolisme de différentes espèces, on peut utiliser la quantité d’oxygène consommée par heure selon le poids de l’animal au repos. Mais, comme je bouge tout le temps, il est difficile d’obtenir ces données. Si on construit un graphique à l’aide de ces données, on se rend compte que plus l’animal est petit, plus son métabolisme est élevé. Pour un homme de 25 ans qui pèse 70 kg et qui mesure 1,80 m, le métabolisme de base quotidien est de 2 180 kcal ou 31 kcal/kg. Connais-tu le tien?

Taux métabolique de différentes espèces.

Taux métabolique de différentes espèces. © MELCCFP.

D’une façon générale, chez les mammifères, les petites espèces au métabolisme plus élevé vivent moins longtemps que les grandes; la durée de vie d’une musaraigne n’excède pas 23 mois, tandis que celle d’un éléphant peut atteindre 60 ans.

Grande musaraigne.

Grande musaraigne. © Gilles Gonthier, Emme Interactive.

Contrairement aux ours et aux marmottes qui accumulent des réserves de graisse, certaines espèces de musaraignes font un régime minceur. Il y a une combinaison de changements physiologiques et morphologiques qui affectent le corps, tels que la diminution de la taille du squelette, entre autres du crâne (résorption des os pariétaux et occipitaux) et de certains organes internes. Il s’ensuit une baisse de la taille et du poids de l’animal. Il s’agit de l’effet Dehnel, en l’honneur du zoologiste polonais qui a étudié ce phénomène en Europe chez Sorex araneus. Il a découvert que la taille du crâne diminuait entre octobre et janvier et augmentait à partir de juillet, pour ensuite diminuer à nouveau à la fin de la vie de la musaraigne. Ce changement est assez important pour causer une perte de poids durant l’hiver. Si on est plus petit, on peut donc moins manger. On a donc moins d’énergie à dépenser pour trouver sa nourriture.

En Finlande, des chercheurs ont enregistré une baisse de poids de 35 % et une diminution de la taille de 7 % chez des musaraignes! Mais il y a tout de même une limite à rapetisser! Il faut aussi penser aux pertes de chaleur du corps. Plus on est petit, plus on perd de la chaleur. C’est une question de surface et de volume par rapport à sa taille.

Les animaux les plus grands ont, par unité de masse corporelle, un métabolisme plus faible que ceux de petite taille : leur surface corporelle proportionnellement moins importante (le rapport surface/volume diminuant avec la taille) se traduit par des pertes d’énergie relativement moindres.

Rapport surface/volume.

Rapport surface/volume. © MELCCFP.

Un éléphant d’Afrique (Loxodonta africana) de 4 000 kg ne dépense ainsi que 10,3 kcal/kg chaque jour, tandis qu’une musaraigne de 10 g dépense 256 kcal/kg/jour. Pour ce faire, l’éléphant d’Afrique ingère chaque jour environ 300 kg de nourriture, soit moins du dixième de sa masse corporelle, alors même qu’il s’agit d’un herbivore consommant une alimentation fibreuse peu énergétique. La musaraigne dévore quotidiennement 10 g de nourriture carnée très énergétique, soit une masse égale à son propre poids!

Musaraigne cendrée.

Musaraigne cendrée. © Phil Myers.

Les musaraignes possèdent tout de même des réserves de graisse, mais ce ne sont pas des réserves accumulées en absorbant davantage de nourriture avant l’arrivée de la saison froide, comme le font les ours. Il s’agit plutôt de tissus adipeux bruns qui se situent près des principaux organes et qui peuvent composer jusqu’à 20 % de la masse corporelle. La fonction du tissu adipeux brun est de produire de la chaleur pour maintenir la température du corps à 37 °C. Toi aussi, tu as déjà eu du tissu adipeux brun; il s’agissait de ta graisse de bébé! Cet hiver, que feras-tu pour te protéger du froid?

Il paraît que…

Empreintes dans la neige par une grande musaraigne.

Empreintes dans la neige par une grande musaraigne. © Phil Myers.

  • Lorsque dérangées ou forcées de quitter le nid, les jeunes musaraignes cendrées se déplacent à la file indienne en mettant leur museau dans la fourrure de celle qui la précède. C’est le comportement de la caravane.
  • Comme un chien, la musaraigne pygmée dort les pattes repliées sous le corps.
  • Lorsque les musaraignes marchent sur la neige, elles ne laissent que de minuscules empreintes de pattes, leur queue est tenue bien droite à l’horizontale.
  • Malgré leur capacité à affronter l’hiver, les musaraignes sont considérées comme des animaux chioneuphores, c’est-à-dire qu’elles tolèrent les conditions hivernales, sans plus. Elles ne présentent pas d’adaptations particulières à l’hiver contrairement aux chionophiles, comme le lièvre d’Amérique, le caribou et les lagopèdes par exemple, qui possèdent des caractéristiques physiques les avantageant spécifiquement l’hiver venu : pattes facilitant les déplacements sur la neige, pelage blanc en hiver, etc. Il y a également les chionophobes qui ne tolèrent pas l’hiver; ils partent pour l’éviter ou meurent…
  • Les musaraignes respirent environ 850 fois par minute!!!
  • Contrairement à d’autres espèces de musaraigne, la musaraigne arctique et la musaraigne palustre creusent elles-mêmes leurs tunnels.
  • Au Québec, la plus petite musaraigne mesure environ 8 cm, incluant la queue.
  • En tenant compte de la longueur du corps sans la queue, la grande musaraigne est la plus longue.
  • En tenant compte de la longueur totale du corps et de la queue, la musaraigne palustre est la plus longue des musaraignes.
Longueurs moyennes.

Longueurs moyennes. © MELCCFP.

 

Pour en savoir plus…

Ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) 

Enseignants et enseignantes