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Bombyx du mûrier. © Zivya.

Pleins feux sur… la Saint-Valentin et les phéromones

Nez.

Séduire, ce n’est pas une mince affaire. Comment attirer l’attention du partenaire?

Dans le monde animal, certaines espèces envoient des messages chimiques appelés phéromones. Ce sont de véritables molécules de l’amour! Inutile de te précipiter pour acheter LE parfum aphrodisiaque qui te rendra irrésistible. Chez les humains, la conquête ne passe pas que par le nez! La question de phéromones humaines demeure…

 

C’est quoi au juste, une phéromone?

Le mot phéromone est formé du grec phérô, transporter, et ormaô, exciter. Mais il y a aussi tous ces synonymes : phérormone, phéro-hormone, ectohormone. Peu importe le mot, dans tous les cas, il s’agit d’une molécule :

  • organique, c’est-à-dire qu’elle contient des atomes de carbone;
  • sécrétée par un organisme vivant, un animal ou une plante;
  • diffusée dans l’environnement immédiat, c’est-à-dire dans l’air ou dans l’eau;
  • qui entraîne une réponse spécifique de la part des espèces congénères qui la reçoivent.

Il faut bien distinguer les hormones des phéromones. Les hormones sont aussi des molécules, et elles sont produites par les glandes endocrines. Elles sont transportées par le sang et elles agissent sur un organe, ou sur un autre tissu, situé à distance. Par exemple, le pancréas produit l’insuline qui régule le taux de sucre dans l’organisme. Les hormones sont aussi des « messagers » qui, avec le système nerveux, coordonnent l’activité des milliards de cellules du corps humain. La poussée d’adrénaline que tu ressens parfois, c’est une histoire d’hormone!

Il existe différents types de phéromones!

Il existe cinq types de phéromones qui déclenchent des comportements différents :

Les phéromones grégaires maintiennent la structure de la colonie chez les abeilles. Elles permettent à des insectes de se rassembler avant d’entreprendre une migration, comme chez les criquets locustes.
Les phéromones de piste sont utilisées pour se diriger et garder une trace du chemin séparant une source de nourriture de la colonie, par exemple chez les fourmis et les termites.
Les phéromones d’espacement servent à délimiter le territoire. Fido lève la patte… les phéromones sont alors contenues dans l’urine.
Les phéromones d’alarme indiquent aux congénères la présence d’un danger. Chez les plantes, certains arbres, « attaqués » par des prédateurs, maladies ou animaux brouteurs, émettent un signal chimique destiné aux arbres environnants, qui vont alors déclencher la production de molécules désagréables pour les assaillants.
Les phéromones sexuelles servent à attirer ou à repousser des partenaires sexuels. Chez les abeilles, la substance royale, sécrétée par la reine attire les faux bourdons lors du vol nuptial et bloque le développement ovarien des ouvrières.

Accouplement du bombyx du mûrier. © Joyce Gross.

Monsieur Adolf Butenandt, Prix Nobel de chimie en 1939 pour ses travaux sur les hormones sexuelles, a été le premier à isoler chimiquement la phéromone du bombyx du mûrier (Bombyx mori). La larve de ce papillon est le célèbre ver à soie. Butenandt a nommé cette hormone le bombykol en l’honneur du papillon. L’identification de ce composé, obtenue en 1959, a demandé plus de 20 années de recherches. Il lui a fallu utiliser un demi-million d’insectes pour obtenir 12 mg de la précieuse molécule!

 

Des phéromones chez les couleuvres!

Organe « voméronasal » du serpent.
© MELCCFP.

Les phéromones peuvent être émises dans l’air, dans l’eau ou déposées sur le sol. Elles sont volatiles. Chez les serpents, elles sont captées avec leur langue fourchue et déposées au niveau de l’organe « voméronasal » ou organe de Jacobson, du nom de celui qui a découvert son existence. Il s’agit d’une paire de sacs qui contiennent des cellules spéciales qui transmettent des informations chimiques au cerveau. Cet organe est également présent chez les mammifères, dont les cervidés.

 

 

Boule d’accouplement de couleuvres. © Henry Ewert.

Certaines couleuvres mâles sont capables d’imiter les phéromones femelles. Ces individus se font passer pour des femelles et attirent les mâles. Cela crée en quelque sorte une diversion et, durant cette confusion sexuelle, la femelle ainsi devenue libre est prise d’assaut. Il faut dire que, chez les couleuvres, il se forme de véritables boules d’accouplement où des dizaines de mâles tentent de fertiliser une femelle.

 

 

Les phéromones sont utilisées dans la lutte contre les insectes ravageurs

La confusion sexuelle est d’ailleurs une technique mise à profit pour lutter contre les insectes qui ravagent certaines cultures et plantations. Elle consiste à empêcher la reproduction des insectes par l’épandage d’une phéromone synthétique. Les mâles n’arrivent plus à localiser les femelles, ils sont désorientés car il y a trop de phéromones dans l’air! Il n’y a donc pas ou très peu d’accouplement. La nouvelle population de larves étant plus faible, les dommages causés aux arbres diminuent.

Femelle longicorne brun de l’épinette avec ovipositeur déployé. © J. Sweeney, NRCan-CFS.

Cette technique peut également être utilisée dans la lutte contre les insectes ravageurs forestiers. Des chercheurs du Service canadien des forêts (SCF) de Ressources naturelles Canada effectuent des travaux destinés à isoler les phéromones sexuelles et à en déterminer la composition et le mode d’utilisation par les insectes.

Le longicorne brun de l’épinette (LBE), Tetropium fuscum, menace certaines forêts. Il est établi près du port de Halifax, en Nouvelle-Écosse, depuis au moins 1990, mais n’a toutefois été découvert qu’en 1999. Ce coléoptère infeste et tue des épinettes (Picea spp.) mûres en Nouvelle-Écosse. Il risque de se disséminer dans tout le Canada. Sa présence pourrait provoquer une mortalité prématurée de l’épinette et des pertes économiques importantes. Les chercheurs du SCF ont découvert et synthétisé une phéromone produite par le LBE mâle. L’ajout de cette phéromone aux pièges a de beaucoup amélioré leur efficacité pour ce qui est de détecter le LBE, comparativement aux pièges appâtés auparavant avec des produits volatiles (des composés semblables à la térébenthine) dans l’épinette hôte.

Piège Colossus pour capturer le longicorne brun de l’épinette. © J. Gammon.

Ils ont aussi prélevé des substances volatiles émises par des épinettes rouges (Picea rubens) attaquées par le LBE. À partir de l’analyse de leur composition chimique, ils ont « fabriqué » un attractif synthétique (dit « mélange d’épinette »). Les pièges à mélange d’épinette sont utilisés pour détecter le LBE dans les régions de l’Amérique du Nord qui présentent un risque d’introduction accidentelle.

Odeurs ou phéromones? Quelle est la différence?

Que dire des parfums que nous utilisons pour attirer l’autre? Attention, il ne faut pas confondre odeurs et phéromones. Nos odeurs varient selon les individus alors que les phéromones sont identiques pour tous les individus de la même espèce et elles provoquent des comportements automatiques et stéréotypés. Les phéromones sont inodores. Elles sont captées par l’organe voméronasal. La communauté scientifique a longtemps été divisée sur le fonctionnement de ce système olfactif accessoire chez l’humain. Il fut considéré comme un vestige jusqu’en 2001. Qu’en est-il vraiment?

Certains parfums aphrodisiaques prétendent contenir de l’androsténol. L’androsténol serait responsable du phénomène de synchronisation des règles, entre jeunes filles vivant ensemble, mieux connu sous le nom suivant : « le syndrome du pensionnat français ». Il s’agit en fait de la phéromone du cochon. Elle est présente dans l’haleine du mâle qui l’utilise pour attirer la femelle. Les scientifiques ont aussi découvert que l’androsténol est une des composantes de la sueur des hommes. À vous de choisir, pour séduire : suer ou dépenser.

Il paraît que…

  • Mâle du bombyx du mûrier à larges antennes en éventail. © Joyce Gross.

    Les mâles du bombyx du mûrier peuvent détecter les phéromones émises par les femelles jusqu’à 10 km de distance. Ils utilisent leurs larges antennes en forme d’éventail.
  • La femelle du homard américain (Homarus americanus) disperse dans l’eau un mélange d’urine et de phéromones pour attirer le mâle.
  • Le Service canadien des forêts explore aussi la possibilité d’utiliser les phéromones sexuelles afin de lutter contre la tordeuse des bourgeons de l’épinette (Choristoneura fumiferana), un ravageur bien présent au Québec.
  • Le SCF utilise aussi les phéromones afin de détecter plus rapidement l’agrile du frêne (Agrilus planipennis), une espèce exotique envahissante.

Pour en savoir plus…

Ressources naturelles Canada