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Vacher à tête brune.

Pleins feux sur… les œufs de vacher à tête brune

Connais-tu l’expression : « Il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier »? On peut dire que je l’applique à la lettre, ou presque. Ce comportement me vaut d’ailleurs toute une réputation. Laissez-moi donc vous expliquer le fin fond de l’histoire. Après tout, on ne fait pas une omelette sans casser des œufs!

Répartition et habitat du vacher à tête brune (Molothrus ater)

Localisation des ravages de cerfs de Virginie au Québec.

Carte de répartition du vacher à tête brune. © Environnement Canada.

Je suis originaire du Mexique. Je me suis répandu dans l’ouest des États-Unis où je suivais les grands troupeaux de bisons dans les prairies. On m’appelait d’ailleurs « Buffalo Bird ». Je capturais les insectes qu’ils soulevaient du sol lors de leurs déplacements. J’ai profité du défrichement des terres pour m’établir au Québec au début du XXe siècle. Je préfère les milieux agricoles et j’ai conservé mes bonnes vieilles habitudes. Je recherche encore la compagnie des bestiaux, d’où mon nom de : vacher à tête brune (ou Brown-headed cowbird en anglais).

En plus de rechercher la présence du bétail, j’aime m’entourer de mes semblables. Je suis une espèce grégaire. On m’observe facilement dans les champs alors que nous fouillons le sol à la recherche d’insectes et de graines. Lors des migrations du printemps et de l’automne, je forme de grands groupes avec les autres « oiseaux noirs », tels que le quiscale bronzé (Quiscalus quiscula) et le carouge à épaulettes (Agelaius phoeniceus). La nuit, nous nous regroupons en immenses dortoirs dans les arbres.

La séduction et la reproduction chez le vacher à tête brune

Vacher à tête brune.

Vacher à tête brune.
© Richard Prévost.

« glouglougliiiii  ». Le mâle ébouriffe ses plumes, se penche vers l’avant, déploie ses ailes et sa queue. Il exécute ce mouvement face à un autre mâle pour l’intimider ou devant moi pour me faire la cour.

La cour se pratique de multiples façons. Le mâle a parfois une seule partenaire, parfois plusieurs. De mon côté, je peux m’accoupler avec plusieurs mâles, ou encore je pratique la promiscuité. Nos mœurs sexuelles varient selon le rapport des sexes et la quantité de nids disponibles dans le territoire que nous occupons. Chez nous, aucun des partenaires ne s’affaire à construire un nid. Par contre, c’est à moi qu’incombe la tâche de trouver les nids de mes hôtes.

En milieu agricole, je parcours de grandes distances à la recherche de nids et, lorsque je suis prête à m’accoupler et à pondre, je fais des avances au mâle dominant présent dans la région. Par contre, en milieu forestier, ce sont les mâles qui s’activent pour nous trouver, car nous sommes occupées à la défense d’un territoire. Une fois qu’il a trouvé une femelle, le mâle tente de la garder en repoussant les autres prétendants. Une femelle peut s’accoupler avec n’importe quel mâle qui s’approche d’elle.

Le vacher à tête brune est un oiseau parasite

Nous avons développé une technique particulière qui nous permet de dépenser le moins d’énergie possible. Fini la construction du nid, la couvaison et l’élevage des oisillons. Nous laissons ces tâches à d’autres oiseaux. Je ponds mes œufs directement dans le nid des autres espèces. Nous pratiquons le parasitisme, nous sommes considérés comme des parasites obligatoires, alors que d’autres espèces sont des parasites facultatifs.

Jeune vacher à tête brune se faisant nourrir par un cardinal rouge femelle.

Jeune vacher à tête brune se faisant nourrir par un cardinal rouge femelle. © Jim Webber.

Le parasitisme se rencontre chez 1 % de toutes les espèces d’oiseaux du monde, soit environ une centaine d’espèces. On trouve principalement les oiseaux parasites dans les cinq familles suivantes : Anatidae (hétéronette à tête noire, Heteronetta atricapilla) en Afrique, Cuculidae (coucou gris, Cuculus canorus), Indicatoridae (grand indicateur, Indicator indicator), Icteridae (vacher à tête brune et autres espèces de vachers) et Ploceidae. Je suis la seule espèce parasitoïde en Amérique du Nord.

Chez les Cuculidae, qui comptent 130 espèces, 50 espèces sont des parasites. La plupart des autres espèces sont dans la famille des Indicatoridae.

Une stratégie efficace contre les prédateurs

Quand un prédateur trouve un nid, habituellement, il mange tous les œufs. Pondre plusieurs œufs dans différents nids augmente ainsi les chances de survie des jeunes. Comme je dépense moins d’énergie à construire un nid, à couver les œufs et à élever les petits, je peux consacrer toute cette énergie à pondre plus d’œufs. Un vacher femelle peut pondre jusqu’à une quarantaine d’œufs par année. Mais… seulement deux ou trois parviendront à maturité.

Après la ponte, que se passe-t-il?

Œuf de vacher à tête brune dans un nid de moucherolle phébi.

Œuf de vacher à tête brune dans un nid de moucherolle phébi. © Galawebdesign, CC3.

C’est moi qui trouve les nids et qui les choisis. Je préfère ceux des parulines, des viréos, des moucherolles et des roselins. J’ai plus d’un tour dans mon sac pour repérer un nid. Du haut des airs, j’observe les oiseaux. Je circule dans les buissons. Je fais du bruit en battant des ailes pour déranger les oiseaux qui, effarouchés, quittent les lieux et me dévoilent l’emplacement du nid.

Je ponds une fois que l’espèce hôte a commencé sa ponte, mais il arrive que mes œufs soient les premiers. Je profite de l’absence de mon hôte pour pondre un œuf en un temps éclair, quelques secondes à peine! C’est tout un exploit, chez les oies et les dindes, la ponte dure près de 60 minutes! Je ponds une série de un à sept œufs à raison d’un œuf par jour, je prends une pause de quelques jours et le cycle recommence.

Mes œufs sont blanchâtres marqués de mouchetures et d’éclaboussures brunes sur presque toute leur surface. Avant de pondre, il m’arrive de manger l’un des œufs de mon hôte. Je dépose un œuf par nid, pour éviter la compétition entre mes rejetons. En milieu agricole, il arrive que plus d’un vacher femelle ponde dans le même nid.

L’incubation dure 10 à 13 jours, ce qui est plus court que le temps requis par mon hôte. En général, mon œuf est le premier à éclore. La croissance de mon oisillon est extrêmement rapide. Il devient vite beaucoup plus gros que les autres, il obtient plus de nourriture de la part de ses parents adoptifs et, parfois, il expulse carrément les autres oisillons du nid.

Le plus spectaculaire cas de parasitisme est celui du coucou gris, une espèce que l’on trouve surtout en Europe et en Asie. L’oisillon possède une zone sensible sur le dos qui le pousse à jeter par-dessus bord tout ce qui touche cette zone. Il se retrouve donc seul dans le nid. De plus, la taille et la couleur des œufs du coucou sont semblables aux œufs de son hôte. Ce n’est pas le cas chez moi et je ne jette pas systématiquement tous les autres oisillons par-dessus bord.

Paruline masquée en train de nourrir un jeune vacher à tête brune.

Paruline masquée en train de nourrir un jeune vacher à tête brune. © Agathman, CC4.

Seulement un faible pourcentage de mes œufs, environ 5 %, parviendra à maturité. C’est que les hôtes réagissent! Certaines espèces, telles que le merle d’Amérique (Turdus migratorius) et les moqueurs, reconnaissent l’intrus et le retirent du nid. D’autres abandonnent le nid. Les parulines jaunes (Setophaga petechia) construisent souvent un autre nid par-dessus. Mais dans la plupart des cas, mon hôte accepte l’œuf étranger et élève mon oisillon comme un des siens.

Le parasitisme que j’exerce met en danger certaines espèces telles que la paruline de Kirtland (Setophaga kirtlandii), au Michigan, et le viréo de Bell (Vireo bellii), en Californie.

Vacher à tête brune.

Vacher à tête brune. © Éric Bégin, CC2.

Jusqu’à tout récemment, les biologistes s’interrogeaient… comment les petits vachers à tête brune, une fois adultes, reconnaissent-ils leurs congénères alors qu’ils ont été élevés par des oiseaux d’une autre espèce? Des chercheurs ont récemment découvert que le vacher à tête brune utilise un « appel de bavardage ». Cet appel permet aux adultes matures de signaler aux jeunes qu’ils doivent être attentifs afin d’apprendre les chants typiques utilisés par l’espèce pour séduire et se reconnaître. C’est comme une espèce de code secret qui est universel, peu importe le lieu ou la saison, et qui est reconnu instinctivement chez tous les jeunes vachers à tête brune.

Il paraît que…

  • En Amérique du Nord, le vacher à tête brune peut parasiter les nids de près de 220 espèces d’oiseaux.
  • Il est interdit de collectionner les œufs et les nids en vertu de la Loi sur les oiseaux migrateurs et de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune.
  • Il est essentiel de ne pas déranger les oiseaux durant la nidification.

Pour en savoir plus…

Cornell Lab of Ornithology

Animal diversity web (ADW)