Pleins feux sur… le temps des sucres et les croyances populaires
Bien que la nature nous semble encore endormie en cette fin d’hiver, le temps des sucres est enfin à nos portes. Au printemps, les cycles de gel et de dégel aspirent dans le tronc des érables à sucre une eau sucrée appelée eau d’érable. Cette eau est récoltée au Québec depuis des centaines d’années.
La période durant laquelle on récolte l’eau d’érable est appelée le temps des sucres. Selon l’Office québécois de la langue française, le temps des sucres correspond « aux variations régulières du gel des arbres, la nuit, et de leur dégel, le jour, qui assurent une bonne coulée. Qu’on l’appelle temps des sucres, saison des sucres ou, plus simplement, les sucres, cette courte période qui unit l’hiver adouci au printemps se termine avec la fin du gel et l’apparition d’oiseaux et de papillons saisonniers ». Même si le temps des sucres est variable selon les années et les régions du Québec, le début et la fin de la saison des sucres ont longtemps été associés aux comportements de certains animaux. Ces comportements ont donné naissance à des croyances populaires liées au temps des sucres. Ce mois-ci, la capsule Pleins feux sur… s’intéresse à ces espèces animales qui ont des liens avec la saison des sucres.
Les animaux, de bons indicateurs de l’arrivée des sucres?
Selon l’une de ces croyances, « les premiers cris des corneilles annoncent l’arrivée du temps des sucres ». Il est vrai que la majorité des corneilles d’Amérique (Corvus brachyrhynchos) migrent vers le sud (jusqu’au nord du Mexique pour certaines) à l’automne et sont de retour au Québec en mars. Par contre, de nombreux individus demeurent au Québec durant tout l’hiver. Étant donné que des corneilles sont au Québec toute l’année, leurs premiers cris ne peuvent pas vraiment être utilisés comme un signe fiable du début de la saison des sucres.
Une autre croyance populaire veut que « le temps des sucres coïncide avec le réveil des siffleux (marmottes) et des ours ». En effet, les ours noirs (Ursus americanus) ne sortent pas de leur hivernation avant que le printemps ne soit réellement arrivé. Les ours savent reconnaître et interpréter de nombreux signes comme la longueur du jour, la température ambiante et la pression atmosphérique. Mais est-ce que les critères qui poussent les ours à sortir de leur tanière au printemps sont les mêmes qui indiquent aux acériculteurs qu’il est temps d’entailler? On peut en douter, ou du moins ce n’est pas un indicateur assez précis. De manière générale, on peut dire que le réveil des ours se déroule durant la saison des sucres.
Il est aussi dit que « le moment d’entailler les érables est déterminé par l’apparition de l’oiseau de sucre ». L’oiseau de sucre est le nom familier qui est donné au plectrophane des neiges (Plectrophenax nivalis), anciennement appelé bruant des neiges. À l’automne, cet oiseau arrive chez nous dès octobre. Il passe l’hiver à chercher de la nourriture dans les espaces ouverts d’une grande partie du Québec. Le printemps venu, cette espèce doit repartir vers le Grand Nord afin d’aller s’y reproduire. Ainsi, dès la mi-mars, les mâles se rassemblent en grand groupe afin de se nourrir davantage. Ils accumulent des réserves en vue de leur migration prochaine. Des milliers d’individus peuvent ainsi se regrouper avant le départ, un signe interprété par plusieurs comme l’arrivée du printemps. D’où son nom d’oiseau des sucres.
La fin de la saison des sucres serait annoncée par « les premiers cris d’outarde (nom donné à tort à la bernache du Canada) ». Pas très précis comme signe, mais le cri nasillard et le vol en formation des bernaches du Canada (Branta canadensis) qui migrent vers le nord sont des signes du printemps que tous savent reconnaître.
Des papillons qui aiment se sucrer le bec!
On peut aussi entendre que « la fin de la saison serait annoncée par les papillons de sucres noyés dans les chaudières d’eau d’érable. Il s’agit d’un papillon gris et blanc, qui apparaît à la fin de la saison des sucres ».
Selon les régions, il peut s’agir de plusieurs espèces de papillons différents. Certains sont communément appelés noctuelles, mais la plupart font partie de la famille des noctuidés, une famille qui comprend principalement des papillons de nuit. Ces papillons sont attirés par la sève des arbres, particulièrement celles des érables. Ils sont capables de détecter les composés chimiques dans la sève grâce aux récepteurs olfactifsOlfactif : relatif à l’odorat. sur leurs antennes.
Plusieurs adaptations comportementales et anatomiques permettent à ces papillons d’être actifs aussitôt que les températures sont au-dessus de 0 degré Celsius. Cet exploit demande toutefois beaucoup d’énergie, et c’est dans le sucre contenu dans l’eau d’érable qu’ils vont la trouver. Et ce, même si la composition de l’eau d’érable est majoritairement… de l’eau (environ seulement 2,4 % de sucre). Malgré cela, une toute petite quantité d’eau d’érable peut permettre à ces papillons d’accumuler des réserves pour survivre durant plusieurs jours. Il n’est donc pas surprenant d’en trouver dans les chaudières des acériculteurs. De là à dire qu’ils annoncent la fin de la récolte, c’est une autre histoire!
Les sucres d’hier à aujourd’hui
Les acériculteursAcériculteur : personne qui exploite une érablière. modernes entaillent les érables en général plus tôt que nos ancêtres le faisaient. Les signes (techniques) utilisés aujourd’hui sont plus efficaces pour détecter le début de la saison. Ils permettent donc de profiter pleinement de la totalité de la période des sucres. Il n’en demeure pas moins que les croyances populaires en lien avec la période des sucres nous indiquent que le printemps est bel et bien de retour. À cette période de l’année, nous sommes tous heureux de profiter des belles journées pour… nous sucrer le bec.
Il paraît que…
- L’acériculture est la culture des érables.
- Le Québec fournit environ les 2/3 de la production mondiale de sirop d’érable.
- L’érable est l’emblème arboricole du Canada.
Pour en savoir plus…
Office québécois de la langue française
Chebucto Community Net
- Insectes de cabane à sucre (Sugar shack bugs) (En anglais seulement)