Cladocère épineux (Bythotrephes longimanus)
Statut
Espèce envahissante préoccupante au Québec.
Description
Le cladocère épineux fait partie de la grande famille du zooplancton, composé de petits organismes animaux en suspension dans l’eau. Il mesure de 1 à 1,5 cm de long environ et sa queue occupe plus de la moitié de sa taille. Cette queue, droite ou légèrement incurvée, est parsemée d’épines sur la longueur. Le cladocère épineux a un gros œil noir et une bande rouge qui parcourt la moitié de sa queue. Des teintes orange, bleues et vertes peuvent être visibles sur son corps. Il pourrait cependant être laborieux de distinguer ces caractéristiques sans un microscope. Une poche, en forme de ballon, se trouve sur le dos des femelles et renferme les œufs. Il est facile de noter la présence de cette espèce qui s’agglomère autour des lignes de pêche et des câbles de lests automatique (downrigger).

©J. Lindgren, Minnesota Department of Natural Resources
Sur cette illustration, notez les caractéristiques de cette espèce : son gros œil et sa queue parsemée d’épines. Sur le dos de cette femelle apparaît la poche, en forme de ballon, qui lui permet de transporter ses œufs.
Espèces similaires
Le cladocère épineux peut être confondu avec une autre espèce potentiellement envahissante dans nos eaux, la puce d’eau en hameçon (Cercopagis pengoi) mais cette dernière possède une queue encore plus longue, représentant près de 80 % de la totalité de son corps. Il est aussi possible de distinguer ce petit invertébré des autres espèces indigènes de cladocères, comme les daphnies, qui ont une queue bien plus courte, mesurant environ 25 % de leur longueur totale.
Habitat
De préférence, les cladocères fréquentent de grands lacs profonds avec des eaux fraîches, oxygénées et oligotrophes, c’est-à-dire pauvres en matière organique. Il est cependant possible de les trouver dans des conditions eutrophes qui, à l’inverse, désignent des plans d’eau enrichis en matière organique. Les cladocères peuvent tolérer des variations importantes de salinité (entre 0,04 et 8 %, l’eau de mer étant généralement supérieure à 3 %) et de température de l’eau, de 5 à 30°C. Ils se nourrissent de particules et de micro-organismes herbivores en suspension dans l’eau (le phytoplancton), en se déplaçant dans la colonne d’eau plus en profondeur durant le jour et en migrant à la surface de l’eau pendant la nuit.
Reproduction
Selon les conditions du milieu, les cladocères épineux sont des organismes qui peuvent se reproduire de façon sexuée, qui fait intervenir la fécondation et des gamètes mâle et femelle, ou asexuée, où le matériel génétique de la progéniture est le même que celui de la mère (des clones). Lors de conditions favorables, la femelle se reproduit de façon asexuée et les œufs ainsi produits en un très court laps de temps donnent naissance à des femelles. En été, lorsque l’eau est chaude, une nouvelle génération de clones peut être formée en moins de 2 semaines. En situation environnementale stressante, c’est-à-dire lorsque la température de l’eau est basse ou lorsqu’elles manquent de nourriture, les femelles vont produire une progéniture de mâles qui féconderont les œufs. Ces femelles produisent des œufs qui peuvent être dormants pendant de très longues périodes afin de survivre à l’hiver, à la dessiccation ou même à l’ingestion par des prédateurs. Lorsque les conditions redeviennent favorables au printemps, les œufs dormants éclosent et les femelles amorcent un nouveau cycle. Les femelles portent leur progéniture sur leur dos, dans une poche qui ressemble à un ballon rempli d’embryons en voie de développement ou d’œufs dormants. Cette poche peut atteindre le double de son poids.
Historique d’introduction et vecteur d’introduction et de propagation
Le cladocère épineux, originaire du bassin Ponto-Caspien (de la mer Caspienne), a été introduit en Amérique du Nord, possiblement dans l’eau de lest des transporteurs eurasiens. Il est observé pour la première fois dans le lac Ontario en 1982 et en 1987, et il s’est répandu dans tous les Grands Lacs. Le cladocère épineux a été observé pour la première fois au Québec dans les eaux du Haut-Richelieu au mois d’août 2015.
Le cladocère épineux, comme toute espèce aquatique envahissante, peut se propager selon différents vecteurs naturels et anthropiques, en profitant par exemple de la connectivité hydrographique du bassin versant du plan d’eau dans lequel il s’est introduit. Il peut aussi être introduit dans les mêmes plans d’eau, en plus des plans d’eau intérieurs, sans aucune connectivité avec le plan d’eau infesté, par l’intermédiaire des activités récréatives (bateaux, chaloupes, canots, kayaks, motomarines, plongeurs) et de la pêche (bateaux, équipement de pêche, seaux d’appâts). Les œufs ont la capacité de survivre dans des conditions défavorables, et ce, même lorsque la femelle qui les porte est morte. Les œufs et les adultes peuvent se retrouver dans l’eau contenue à bord d’embarcations en tout genre ou rester accrochés à l’équipement utilisé dans les activités de pêche récréatives et nautiques. On peut donc trouver des cladocères sous forme d’œufs ou adultes dans les viviers à bord des embarcations de pêche, dans l’eau des moteurs, ou encore dans les caissons des kayaks, accrochés aux fils ou aux filets de pêche, aux câbles de lest automatique et aux cordes. Les œufs peuvent aussi survivre au tractus digestif d’un poisson qui s’est nourri de cladocères femelles. Ainsi, un poisson qui est transféré d’un plan d’eau à un autre peut être le vecteur d’introduction et de propagation du cladocère épineux.
Distribution
Cette espèce s’est établie dans les lacs à l’intérieur de la province de l’Ontario et dans les Grands Lacs, occupant désormais près de 100 lacs et cours d’eau. Tout récemment, en septembre 2014, l’espèce a été documentée dans les eaux du lac Champlain, dans l’État du Vermont, tout près des frontières du Québec. Le cladocère a été observé pour la première fois dans les eaux du Haut-Richelieu en août 2015. Un échantillonnage étendu et systématique des communautés de zooplancton établies dans plusieurs autres régions de la province jugées sensibles à l’introduction de cet envahisseur permettrait de déterminer si l’espèce s’y trouve ou non.
Impacts de son introduction
Le cladocère épineux, aussi petit soit-il, a la capacité de modifier profondément et rapidement les communautés de zooplancton, en entraînant, par la prédation, des diminutions dans son abondance, sa richesse et sa biomasse, voire en causant la disparition de certaines espèces. Son introduction dans un nouveau plan d’eau amène des effets en cascade négatifs pour la communauté d’organismes qui composent un écosystème aquatique. Par exemple, certaines espèces de poissons indigènes, au stade adulte, peuvent se nourrir de cladocères épineux, mais les études n’ont pas encore démontrées les impacts possibles sur la survie et les taux de croissance et de reproduction de ces espèces, lorsque ces dernières font face à une modification de leur diète, essentiellement composée de cladocères épineux. Toutefois, il a été démontré que les petites espèces de poissons et plusieurs stades juvéniles de plus grosses espèces ont vu leur taux de croissance et leur survie affectés par une diète strictement composée de ce cladocère épineux. Les épines sur la queue du cladocère épineux rebutent toutefois les juvéniles et plusieurs espèces de petits poissons. Ceux-ci ne se nourrissent plus adéquatement, ce qui influence négativement leur croissance, leur survie et finalement la pérennité des populations de poissons indigènes se nourrissant de zooplancton.
Comme toute bonne espèce aquatique envahissante, cet envahisseur compte peu de prédateurs, sa longue queue épineuse dissuadant un grand nombre d’entre eux. Il exerce pour sa part une prédation vorace sur les toutes petites proies (zooplancton) dont il s’alimente. Cette pression intense a entraîné un changement dans les écosystèmes aquatiques des Grands Lacs, laissant place à des espèces plus grandes. Les autres espèces indigènes sont donc directement touchées par cette compétition pour la nourriture, ou indirectement en raison du changement progressif de proies disponibles. Le cladocère épineux peut altérer l’équilibre qui existe entre le taux de production du phytoplancton et le taux de consommation de celui-ci par les organismes zooplanctoniques herbivores. Si la diversité et la densité du zooplancton herbivore diminuent, il y a des risques que le taux de phytoplancton dans le plan d’eau soit plus important, et même en surabondance, ce qui peut favoriser la surproduction d’algues microscopiques et une eutrophisation du plan d’eau.
De plus, le potentiel reproducteur du cladocère lui procure un caractère réellement menaçant comme envahisseur de nos eaux. Finalement, les cladocères épineux incommodent les activités de pêche récréative et commerciale en se fixant aux lignes et aux filets de pêche.
Prévention et contrôle
Comme il n’existe aucun moyen de lutte efficace contre ce tout petit organisme, la prévention représente le meilleur moyen d’empêcher sa propagation. Des spécimens de cladocère, œufs et adultes, peuvent se trouver dans les équipements de bateaux et de pêche. Il est encore temps de protéger les plans d’eau intérieurs qui n’ont aucune connectivité hydrographique avec le plan d’eau envahi par le cladocère.
Pour cela, il est fortement recommandé de nettoyer les embarcations et tout l’équipement utilisé dans les activités de pêche récréative et nautiques. Suivez les étapes de nettoyage indiquées dans la page Méthodes de prévention et de contrôle.
Vous pouvez contribuer à prévenir l’envahissement de cette espèce nuisible en appliquant les méthodes de prévention et de contrôle qui s’imposent pendant les activités de pêche et de loisir.
Documentation complémentaire
Dépliant
(Version imprimable à 3 volets, sur papier de format 8,5 x 14 po)