Conure veuve (Myiopsitta monachus)

Statut de l’espèce

Espèce exotique préoccupante (ou potentiellement préoccupante) aux portes du Québec.

Description

© Chris Lorenz

La conure veuve est un petit perroquet vert appartenant à la famille des Psittacidés. Comme les autres membres de sa famille, son bec est court et massif et ses pattes sont fortes. Une bande chamois colore son ventre, tandis que sa tête, sa gorge, son cou et sa poitrine sont gris. Elle fait environ 30 cm de longueur et l’envergure de ses ailes atteint 53 cm. Il n’y a pas de différence marquée entre les deux sexes. Le plumage des jeunes est d’un vert plus brillant que celui des adultes. La conure veuve est souvent observée en groupe et on peut la reconnaître par les cris rauques qu’elle pousse continuellement.

Espèces similaires

La tête et la poitrine grises permettent de différencier la conure veuve des autres espèces de perroquets introduites en Amérique du Nord. La perruche ondulée et le toui à ailes variées sont des espèces exotiques au plumage vert qui peuvent toutefois présenter des similitudes avec la conure veuve. La perruche ondulée est cependant deux fois plus petite que la conure veuve, tandis que le toui à ailes variées est marqué d’une tache jaune distinctive sur les ailes qui est particulièrement évidente en vol. Ces deux espèces sont absentes du Canada, mais elles sont établies aux États-Unis.

Habitat

Au Québec, les habitats favorables pour la conure veuve sont principalement les milieux ouverts des zones urbanisées, y compris les fermes, les jardins, les terrains de golf, les vergers et les champs cultivés. Ce petit perroquet se nourrit de graines de chardon, de baies, de gros insectes, de maïs et de fruits. Il fréquente également les mangeoires qui offrent du tournesol. À l’hiver, les nids utilisés pour la reproduction servent de dortoirs et sont réutilisés d’année en année. C’est précisément l’utilisation de nids communaux qui permet à ce perroquet de réduire les coûts de la thermorégulation et de s’adapter au climat plus froid. En Europe, le succès d’établissement de l’espèce semble cependant limité lorsque le gel dure plus de 50 jours par année. Les hivers rigoureux du Québec limitent donc pour l’instant l’établissement de la conure veuve malgré la disponibilité d’habitats favorables. En plus du climat, la densité de population est un autre facteur qui favorise le succès d’établissement de l’espèce, laissant supposer une bonne tolérance aux habitats créés par l’humain et une capacité d’exploitation de ces derniers, notamment des parcs urbains. En plus de l’abondance de nourriture, les villes densément peuplées comportent parfois des îlots de chaleur limitant l’effet du gel.

Reproduction et croissance

Dès qu’elle a établi son territoire, la conure veuve amorce la construction de son nid, peu importe la saison. En Amérique du Nord où l’espèce est introduite, la reproduction a lieu au printemps. La première ponte se fait à l’âge de deux ou trois ans. Les nids sont presque toujours situés à au moins 10 m au-dessus du sol. Le sommet des arbres, les poteaux de téléphone et d’autres structures aménagées par l’humain, situées en hauteur, constituent des sites potentiels pour supporter le nid de la conure veuve.

Le nid, constitué de branches et de brindilles, est gros, large et prend la forme d’une sphère ou d’un dôme. Habituellement, il comporte plusieurs chambres avec entrée privée orientée vers le bas, pouvant accueillir plusieurs couples. Dans son habitat d’origine en Amérique du Sud, la conure veuve peut construire un nid contenant jusqu’à 20 compartiments desservant chacun un couple monogame. Son diamètre peut atteindre 1 m et sert à l’élevage de 5 à 8 jeunes qui sont nourris au nid pendant une quarantaine de jours. Près de la moitié des jeunes ne survivront pas jusqu’à l’envol. Ce perroquet est le seul représentant de sa famille qui construit un nid au lieu de nicher dans une cavité.

Historique de l’introduction et principaux vecteurs de propagation

L’espèce est originaire d’Amérique du Sud. Au Québec, elle est utilisée comme oiseau de compagnie. Les individus trouvés dans la nature y ont été relâchés volontairement ou se sont échappés de captivité. En effet, certains propriétaires peuvent parfois se lasser de cet oiseau au cri bruyant et décident de lui rendre sa liberté. De 1968 à 1972, les États-Unis ont importé plus de 64 000 oiseaux, dont certains ont été libérés ou se sont échappés des animaleries, des jardins zoologiques ou des lieux de résidence.

On a observé l’espèce nicher pour la première fois en Amérique du Nord en 1967 à New York, puis à Chicago en 1968 et à Miami en 1969. L’espèce s’est ensuite rapidement propagée et un programme de contrôle actif a été mis en place en 1972 afin de limiter sa propagation. Le programme de contrôle a été interrompu en 1975 et la population a de nouveau rapidement augmenté. De 1976 à 2004, la population a doublé tous les six ans et les efforts de contrôle ont été jugés trop exigeants pour limiter la population. En effet, il faudrait éliminer 50 % des adultes ou bien détruire 20 % des nids chaque année pour réduire la taille de la population.

Au Québec, la première mention de conure veuve vivant en liberté remonte à mai 1980, dans la région de Montréal. Il s’agissait de la mention la plus nordique pour cette espèce. À la suite du lâcher de six individus à Dollard-des-Ormeaux en 1984, l’espèce a été observée dans la région de Montréal, mais elle n’aurait jamais réussi à nicher. C’est en mai 1987, à Laval, que la première mention de nidification de la conure veuve a été rapportée au Canada. Un individu a été observé à Aylmer en novembre 1990 et un autre à Tadoussac, en juin 1991.

Distribution connue

Les populations de conures veuves se distribuent naturellement de la Bolivie à l’Argentine, dans la partie méridionale de l’Amérique du Sud. Elle a été introduite dans plusieurs pays, dont les États-Unis, l’Angleterre, la Hollande, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, la Grèce et Israël. La limite nordique de sa distribution est influencée par la température hivernale et les changements climatiques devraient permettre à la conure veuve d’étendre sa distribution vers le nord.

Impacts de son introduction

Dans son aire de répartition naturelle, l’espèce est reconnue pour causer des dommages aux cultures. En Argentine, elle provoque des pertes agricoles estimées à 1 milliard de dollars chaque année. Toutefois, dans les régions où elle a été introduite, cette problématique ne s’est pas encore présentée et sa présence n’a pas causé d’impacts négatifs sur les communautés fauniques locales. Par contre, l’augmentation rapide de plusieurs populations introduites laisse présager que la compétition avec la conure veuve pourrait devenir néfaste pour la faune.

Les préoccupations associées à son introduction concernent plutôt la construction de son nid. Les conures veuves peuvent bâtir de gros nids sur les tours de communication et sur les structures servant au transport électrique. Les nids situés sur ces structures peuvent provoquer des coupures de courant et des feux, ce qui peut entraîner des dépenses considérables.

La conure veuve possède également un fort potentiel de propagation de la pseudopeste aviaire, qui est une maladie des volailles, souvent épidémique et provoquée par un paramyxovirus. Chez l’humain, elle peut provoquer une conjonctivite aiguë.

Jusqu’à présent, aucun impact n’a été observé au Québec.

Prévention et contrôle

En Amérique du Nord, il n’existe pas de politique nationale en lien avec le contrôle de cette espèce. Il existe cependant des lois et des accords, tels que le Wild Bird Conservation Act (1992), qui limitent l’importation des oiseaux exotiques sauvages comme la conure veuve. Elle fait également partie des espèces de perroquets de la CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction). Au Canada, cette convention stipule que les spécimens à importer au pays doivent être accompagnés d’un permis d’exportation CITES du pays exportateur.

En Argentine, où l’espèce est indigène, différentes méthodes utilisées pour tenter de limiter les populations se sont avérées inefficaces (abattage, piégeage, capture par filet, destruction des nids et empoisonnement).

La prévention constituerait donc le meilleur moyen d’empêcher sa propagation. Jusqu’à présent, la menace que représente l’espèce au Québec serait faible. Les populations fréquentant le Québec sont petites et elles ont un faible succès de reproduction à cause des hivers rigoureux. Toutefois, les changements climatiques créeront des conditions plus favorables à leur survie, surtout dans certains milieux urbains, et il demeure important de ne pas relâcher de conures veuves dans la nature.