Crevette rouge sang (Hemimysis anomala)

Statut

Petite crevette rouge sang,
©Steven Pothoven,
Great Lakes Environmental Research Laboratory

Espèce exotique envahissante et préoccupante, présente au Québec.

Description

La crevette rouge sang est un petit crustacé de la famille des mysidacés. Contrairement à ce que son nom indique, elle est de couleur blanc crème pigmentée de taches rouges caractéristiques de l’espèce, mais elle peut arborer une coloration plus foncée si elle se trouve dans un environnement ombragé. En fait, la teinte de la crevette rouge sang varie en fonction de la luminosité et de la température de l’eau. La robe des juvéniles est toutefois plus translucide que celle des adultes.

Espèces similaires

Comparativement aux autres organismes qui composent le zooplancton, ce crustacé est plutôt de grande taille. En effet, les adultes peuvent mesurer de 8 à 17 mm. Cependant, les individus adultes trouvés dans le fleuve Saint-Laurent et dans le lac Michigan sont de plus petite taille, soit de 5 à 8 mm. On peut généralement reconnaître cette espèce grâce à son comportement d’essaimage qui la distingue des autres mysidacés. Les essaims peuvent être formés de plusieurs centaines d’organismes et ressemblent à des nuages rougeâtres flottant dans la colonne d’eau, à l’ombre de rochers ou de quais. La seule espèce qui pourrait être confondue avec la crevette rouge sang est la crevette opossum (Mysis relicta), mais celle-ci se retrouve seulement dans les Grands Lacs.

Habitat

La crevette rouge sang se trouve généralement à proximité des surfaces solides, comme les quais, les roches et les coquilles de mollusques. Pour cette raison elle est souvent associée aux structures humaines. Dans son milieu naturel, dans la mer Baltique, on la trouve jusqu’à une profondeur de 50 mètres, mais dans les Grands Lacs elle préfère les zones peu profondes. Elle semble préférer les eaux calmes, mais elle a déjà été observée sur des rivages rocheux exposés aux vagues. L’espèce semble éviter la lumière du jour et voyagerait dans la colonne d’eau surtout la nuit. Cette espèce vit en eau douce et tolère l’eau salée jusqu’à une salinité de 18 ppm.

Reproduction

La crevette rouge sang se reproduit sexuellement durant la période d’avril à septembre-octobre. La température de l’eau peut limiter le nombre de reproductions entre 2 et 4 dans les régions plus froides, car la production d’oeufs ne se fait pas sous 8 – 9°C . Les femelles portent leurs œufs dans une poche, avec un nombre moyen de 2 à 70 œufs par portée. Le développement des jeunes suit différents stades qui sont différenciés en fonction de la longueur du corps. Après 45 jours, les juvéniles atteignent la maturité sexuelle. Comme tous les arthropodes, l’espèce a une carapace de chitine et mue durant la croissance. Une étude suggère que l’espèce pourrait possiblement changer de sexe (au stade juvénile) en fonction du rapport des sexes dans la population.

Historique d’introduction et vecteur d’introduction et de propagation

Cette espèce provient originalement de la région Ponto-Caspienne. L’introduction intentionnelle de cette espèce a débuté en Europe vers la fin des années 1940, dans le but d’augmenter la productivité des populations de poissons, mais cela aurait plutôt eu l’effet inverse. Ces introductions ont pris fin vers les années 1980, mais le trafic maritime a continué à favoriser la dispersion de l’espèce à travers le reste de l’Europe.

En Amérique du Nord, la crevette rouge sang a été découverte pour la première fois dans le bassin des Grands Lacs en 2006, plus précisément dans les lacs Ontario et Michigan. Elle a vraisemblablement été transportée par les eaux de leste de navires transocéaniques. Au Québec, sa découverte s’est faite en 2008 dans le fleuve Saint-Laurent, à Châteauguay, près de Montréal.

Parmi les quelques individus analysés, des chercheurs de l’université McGill ont trouvé des femelles gravides (portant des œufs) ainsi que des juvéniles, ce qui permettait déjà de croire qu’un groupe s’était reproduit entre Châteauguay et la population la plus proche (portion est du lac Ontario).

La crevette rouge sang pourrait également être transportée par tout autre vecteur transportant de l’eau provenant des secteurs où l’espèce est présente.

Distribution

L’espèce a été observée dans les régions côtières des mers Caspienne, Noire et Azov, dans la lagune et jusqu’à 50 m en amont de certaines rivières. Avant l’intervention humaine, la crevette rouge sang était majoritairement répartie dans les estuaires. De nos jours, l’espèce est présente dans plusieurs pays d’Europe et en Amérique du Nord. Au Québec, elle a été répertoriée seulement dans le fleuve Saint-Laurent jusqu’à maintenant. L’espèce est particulièrement abondante dans la région du port de Montréal et elle a été récemment répertoriée dans le port de Québec.

Impacts de son introduction

Il est encore prématuré de prédire les conséquences de l’introduction de la crevette rouge sang au Québec. Les études disponibles en Europe ne donnent pas suffisamment d’information pour en conclure sur les risques posés par le crustacé dans un fleuve tel que le Saint-Laurent. Toutefois, les informations que l’on possède à son sujet rendent la crevette rouge sang tout de même préoccupante. Comme elle se nourrit en grande partie de zooplancton, elle pourrait diminuer la quantité de nourriture disponible pour les poissons. Éventuellement, l’établissement de ce nouveau prédateur pourrait faire diminuer la taille et l’abondance des populations de poissons et donc perturber les pêches sportives et commerciales.

Prévention et contrôle

Comme il n’existe pas de méthodes efficaces de contrôle de ce petit organisme, la prévention représente le meilleur moyen d’empêcher sa propagation.

Vous pouvez contribuer à prévenir l’envahissement de cette espèce nuisible en appliquant les méthodes de prévention et de contrôle  qui s’imposent pendant les activités de pêche et de loisir.