Cygne tuberculé (Cygnus olor)

Statut de l’espèce

Espèce exotique potentiellement préoccupante et présente au Québec

Description

Cygne tuberculé photographié dans un zoo en Chine. Son tubercule caractéristique est bien visible (encerclé en blanc)
© David Blank, 2006

Le cygne tuberculé, avec un poids pouvant atteindre de 11 à 16 kg, est l’un des plus gros oiseaux volants au monde. À ailes déployées, il peut atteindre une envergure dépassant les 2 m.

L’adulte a un plumage blanc. Il est reconnaissable par son bec orangé et son lore noir (partie située entre le bec et les yeux). Cette espèce possède une bosse noire caractéristique qui orne le haut de son bec; il s’agit du tubercule. Le cygne tuberculé est reconnu pour son comportement agressif envers les autres espèces d’oiseaux et même envers l’humain.

Les cygneaux ont un plumage gris blanc qu’ils garderont jusqu’à l’âge de deux ans avant de développer leur plumage blanc caractéristique. Le tubercule n’est pas encore développé chez les jeunes.

Espèces similaires

En plus du cygne tuberculé, on trouve deux autres espèces de cygnes au Canada, soit le cygne siffleur et le cygne trompette. Cependant, il est peu fréquent d’observer l’une ou l’autre de ces espèces au Québec méridional. En effet, ces cygnes nichent surtout dans les régions arctiques de l’Amérique du Nord et passent principalement sur la côte ouest américaine lors de la migration. Le cygne siffleur peut également utiliser la côte est américaine lors de ses déplacements migratoires. Par ailleurs, une quatrième espèce de cygne d’origine inconnue a déjà été observée au Québec, soit le cygne chanteur.

Habitat

Le cygne tuberculé utilise les berges des lacs, des étangs, des marais ainsi que d’autres plans d’eau comme sites de reproduction, de nidification et d’alimentation. Il possède un territoire assez vaste pouvant s’étendre sur 5 ha. Les populations de cygnes tuberculés d’Amérique du Nord établies près du Québec, dans la région des Grands Lacs, ne sont pas migratrices.

L’alimentation des mâles et des femelles du cygne tuberculé est étonnamment différente. Les mâles ont une préférence pour l’élodée commune alors que les femelles préfèrent les potamots. Ils peuvent aussi consommer des insectes, des mollusques et des amphibiens, particulièrement durant leur période de mue.

Reproduction et croissance

Cygneaux tuberculés. On peut remarquer leur plumage gris clair. ©Markus Krötzsch

Le cygne tuberculé est une espèce généralement monogame. L’accouplement a lieu en mars ou en avril et débute lors de la deuxième ou de la troisième année de vie. La femelle pond de 5 à 8 œufs blancs tachetés de vert ou de bleu. Le nid est construit à l’aide de résidus de plantes aquatiques ou d’autres herbes. La femelle couve ses œufs pendant environ cinq semaines au cours desquelles le mâle surveille étroitement le nid. Ce dernier n’hésitera pas à adopter un comportement agressif si un intrus s’en approche trop. Les petits demeurent auprès de leurs parents pour les quatre ou cinq premiers mois de leur vie.

Historique de l’introduction et principaux vecteurs de propagation

Originaire d’Asie, le cygne tuberculé a été introduit dans plusieurs pays européens, en Afrique du Sud, en Nouvelle-Zélande, en Australie et au Japon. Il a été introduit en Amérique du Nord vers la fin des années 1800 dans des zoos et des parcs de certaines villes, pour des raisons esthétiques. Au début des années 1900, le relâchement accidentel ou volontaire de l’animal en pleine nature a mené à une expansion rapide de son effectif qui est devenu difficilement gérable. Une population de cygnes tuberculés peut croître très rapidement. Par exemple, dans la baie de Chesapeake, au Maryland, la population est passée de 5 cygnes, relâchés en 1962, à près de 4 500 cygnes en 2001.

En 1984, quatre cygnes tuberculés ont été aperçus à Long Point, sur la rive nord du lac Érié. Il s’agissait de la première observation de l’oiseau dans la région des Grands Lacs.

Distribution connue

Des populations de cygnes tuberculés sont établies partout le long des côtes est et ouest des États-Unis. Depuis le début des années 1980, on le trouve aussi dans la moitié inférieure du bassin des Grands Lacs. Le nombre de cygnes y est demeuré relativement bas jusqu’au début des années 1990, alors que les populations ont littéralement explosé. En 2000, on comptait 203 cygnes dans cette région. Les populations croissent maintenant à un rythme d’environ 10 % par année, ce qui fait doubler la population tous les 7 ou 8 ans. Au Québec, il existe plusieurs mentions isolées de cygnes tuberculés dans la vallée du Saint-Laurent, mais aussi au Saguenay-Lac-Saint-Jean et en Abitibi-Témiscamingue. Par contre, aucune information ne permet de croire, pour l’instant, à l’existence d’une population bien établie au Québec. La présence du cygne tuberculé dans les régions nordiques de la Norvège suggère que ce n’est pas le climat qui limite l’établissement de l’espèce au Québec.

Impacts de son introduction

La superficie des berges des Grands Lacs offrant des habitats favorables aux oiseaux aquatiques a considérablement diminué au cours du dernier siècle, et ce, en raison de l’installation de réseaux de drainage et du développement industriel et urbain. On estime que le lac Ontario possède aujourd’hui de 20 à 25 % des berges naturelles qu’il possédait originellement, et ce nombre est estimé à 5 % pour le lac Érié. Cette diminution d’habitat a eu pour effet de concentrer les populations des différentes espèces d’oiseaux aquatiques sur les berges encore habitables. Étant reconnu comme un oiseau extrêmement agressif, le cygne tuberculé est particulièrement avantagé pour occuper ce territoire et il représente une menace pour les oiseaux aquatiques indigènes dont il a envahi l’habitat. Il n’est pas rare de le voir s’attaquer aux canards ou aux oies, pouvant même aller jusqu’à les tuer. De plus, il peut ingérer jusqu’à 4 kg de plantes aquatiques quotidiennement, ce qui réduit la disponibilité de nourriture pour les espèces indigènes. De fortes concentrations de cygnes tuberculés peuvent brouter à l’excès la végétation et causer la disparition régionale de certaines espèces de plantes. Les populations de cygnes tuberculés étant en pleine croissance, les sites de nidification qu’ils utilisent risquent d’empiéter de plus en plus sur les habitats de nidification des autres espèces. Le caractère agressif du cygne tuberculé ne fait pas de dommages qu’aux espèces animales. Il s’attaque également fréquemment aux humains qui le dérangent en pénétrant sur son territoire.

Les excréments des oiseaux contribuent à l’eutrophisation des cours d’eau (accumulation excessive de matières nutritives conduisant à la dégradation de la qualité de l’eau), et les cygnes tuberculés tolèrent bien les milieux eutrophiques. Si les populations de cygnes tuberculés continuent de croître à un rythme aussi élevé, cette problématique pourrait prendre de l’ampleur.

Prévention et contrôle

Le cygne tuberculé étant une espèce protégée par la Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs du Canada, il est difficile d’envisager une méthode létale pour équilibrer les populations. Cependant, il semble que ce serait la méthode la plus efficace pour éliminer la menace qu’il représente. La destruction des œufs est une méthode qui peut aider le contrôle des populations sans pour autant les éliminer. La destruction des œufs requiert beaucoup d’effort et n’est appropriée que pour de petites populations localisées. À ce jour, il n’y a que quatre États américains qui ont un programme de contrôle des cygnes tuberculés, soit le Rhode Island, le Delaware, le Maryland et la Virginie.