Faisan de Colchide (Phasianus colchicus)
Statut de l’espèce
Espèce exotique potentiellement préoccupante et présente au Québec
Description
Le faisan de Colchide appartient à la famille des Phasianidés. Sa très longue queue effilée est caractéristique de l’espèce. En vol, on peut remarquer ses ailes courtes et arrondies. Cet oiseau brunâtre de taille moyenne peut ressembler à une poule. Les deux sexes sont différents, le mâle étant plus gros et beaucoup plus coloré que la femelle.
Le plumage bronzé du mâle contraste avec le collier blanc de son cou. Des plumes bleu-vert iridescentes ornent chaque côté de sa tête verte ornée de caroncules (protubérances qui se trouvent derrière la tête et le cou) rouge vif. De larges bandes noires colorent sa longue queue pâle. Sa face est rouge, sa poitrine est marron et ses flancs tirent sur l’orangé. Le dessus de ses ailes ainsi que son croupion sont grisâtres.
La femelle, plus terne que le mâle, est tachetée de brun et son dos est marqué de petits points noirs. Elle ne possède pas la tête colorée du mâle. Le juvénile est semblable à la femelle. Les jeunes mâles commencent à ressembler aux adultes à partir de l’âge de deux mois.
Espèces similaires
Le mâle ne ressemble à aucune autre espèce d’oiseau sauvage au Canada. La femelle peut ressembler au tétras à queue fine, mais ce dernier est plus petit, sa queue est plus courte et blanche sur les côtés. De plus, il a des taches blanches sur les ailes et ses tarses sont emplumés.
Habitat
Les prairies, les fermes, les vergers et les parcs résidentiels représentent des habitats potentiels pour le faisan de Colchide. Les champs de plantes fourragères et en culture sont recherchés pour la nidification et l’alimentation. Son régime alimentaire est diversifié. Il se nourrit principalement de matière végétale, de graines, de glands, de baies sauvages et de céréales (tels le maïs et le blé), mais il consomme aussi des souris et des gastéropodes. À l’hiver, les faisans se rassemblent en groupe de 30 à 40 individus et se réfugient dans des étangs à quenouilles ou sur des terrains broussailleux. Le manque de nourriture incite les faisans à s’approcher des pâturages et des postes d’alimentation. Pour répondre à ses besoins en calcium, l’espèce a besoin de sols calcaires. Au Québec, l’épaisseur du couvert de neige est plus limitante pour l’espèce que le froid (voir carte de répartition). En effet, le faisan éprouve de la difficulté à trouver sa nourriture sous un épais couvert de neige et ne pourrait pas survivre dans un milieu recevant plus de 125 cm de neige annuellement. En le nourrissant en hiver, les humains permettent aux oiseaux de combler leurs carences alimentaires. Les changements climatiques devraient contribuer à l’établissement des faisans de Colchide au Québec en réduisant l’épaisseur de la couverture nivale et la durée des épisodes de froids extrêmes.
Reproduction et croissance
C’est en février ou en mars que le mâle commence à s’approprier un territoire pour y attirer des femelles, territoire qu’il défendra vigoureusement contre les autres mâles qui voudraient y pénétrer. Le faisan de Colchide est une espèce polygine (qui se reproduit avec plusieurs femelles durant une même saison). Le harem du mâle est généralement composé de trois ou quatre femelles. Le mâle choisit habituellement un milieu ouvert comme territoire de nidification, entouré de quelques boisés et broussailles pouvant lui servir d’abri s’il se sent menacé.
La femelle s’occupe seule de la construction du nid, de l’incubation et des soins donnés aux jeunes. Le nid consiste en une dépression peu profonde dans le sol, garnie de feuilles et d’herbes. On le trouve à couvert dans les champs, le long des clôtures, dans un fossé ou dans une haie d’arbustes. La température qui prévaut au cours des trois semaines précédant la période de ponte aura un effet déterminant sur la productivité et l’abondance de la population de faisans de Colchide. Du temps frais peut retarder la ponte et inciter les femelles à pondre au hasard ou dans un nid de dépôt, qui consiste en un nid commun partagé avec d’autres femelles, mais qui est rarement incubé. Les femelles ne produisent qu’une seule couvée par année, sauf si elles subissent un échec de nidification. Le cas échéant, elles peuvent tenter de nicher jusqu’à deux fois au cours de la saison.
Historique de l’introduction et principaux vecteurs de propagation
Le faisan de Colchide est originaire d’Asie, plus précisément de Chine, de Corée et du Japon. Les premières introductions de l’espèce en Amérique du Nord ont débuté en 1773, à New York. Il faut attendre en 1881 avant de connaître le premier succès d’introduction de l’espèce sur le continent, réalisé à la suite du lâcher de 28 oiseaux en Oregon. Le faisan de Colchide, que l’on trouve aujourd’hui en Amérique du Nord, est un hybride issu de plusieurs sous-espèces introduites.
Au Québec, c’est au début des années 1900 que les premiers individus ont été relâchés. Il s’agissait d’oiseaux élevés pour la chasse dans des fermes à gibier. C’est de cette façon que des individus ont été libérés dans la province, à intervalle régulier dans les années 1950 à 1960 aux environs de Kamouraska, de Québec et de l’île d’Orléans. Il est probable aussi que des individus en provenance des États-Unis soient venus s’installer dans la province. De 1940 à 1982, une population de faisans de Colchide s’était établie dans les cimetières du mont Royal. L’effectif de cette population a culminé en 1949 alors qu’elle comptait 143 individus. Cette population qui a fluctué au cours des années se serait maintenue grâce à la nourriture fournie par les humains en hiver, aux petits fruits trouvés dans les arbustes à proximité du cimetière ainsi qu’à l’absence presque totale de prédateurs et de compétition pour les meilleurs sites de nidification. Des faisans de Colchide ont également survécu sur les terrains du Jardin zoologique de Charlesbourg de 1943 à 1954, également grâce au nourrissage artificiel pendant l’hiver.
L’espèce est relativement sédentaire, mais peut se déplacer entre deux habitats durant la saison en réponse aux changements relatifs au climat ou à la disponibilité de nourriture. En Amérique du Nord, les déplacements saisonniers s’effectuent généralement dans un rayon de 0,8 à 3,2 km des sites d’hivernage et de repos. Les mouvements migratoires d’individus issus des provinces ou des États situés à proximité du Québec, comme l’Ontario et New York, peuvent ainsi contribuer à la propagation de l’espèce dans la province.
Distribution connue
L’aire naturelle de répartition du faisan de Colchide se situe en Asie. L’espèce a été introduite dans près de 50 pays répartis sur tous les continents, à l’exception de l’Antarctique. Elle représente une des espèces les plus introduites et les mieux connues en Amérique du Nord. Des populations se sont établies partout sur le continent, particulièrement sur les terres agricoles des régions situées à une latitude moyenne. Au Canada, on trouve l’espèce surtout dans la portion sud du pays, dans les provinces de l’Atlantique et les prairies. Les forêts de feuillus du sud de l’Ontario sont reconnues pour supporter une population sauvage de faisans de Colchide.
Aire de répartition du faisan de Colchide en fonction de la température annuelle moyenne. Le sud du Québec affiche des températures annuelles moyennes analogues à celles de certaines parties de l’aire de répartition du faisan de Colchide. Adaptée de l’UICN (2017).
Puisque l’espèce est communément élevée en captivité et largement introduite en Amérique du Nord, on trouve plusieurs petites populations dispersées qui se situent en dehors de leur aire de répartition normale, ce qui serait le cas au Québec. Le faisan de Colchide est un nicheur sédentaire dans les basses-terres du Saint-Laurent. Bien que nos longs hivers limitent la répartition de l’espèce dans le sud de la province, les changements climatiques augmentent les probabilités d’établissement d’une population permanente. Les mentions de faisans de Colchide proviennent surtout de terres agricoles situées dans le sud de la province, comme en Estrie et en Outaouais. On peut également observer l’espèce dans les villes de Québec et de Montréal et ses environs, où ils sont probablement nourris par les humains tout l’hiver. Il existe également des mentions pour la région du Saguenay.
On estime que peu d’oiseaux libérés au Québec par l’entremise de la chasse sportive réussissent à survivre à l’hiver et ont la chance de se reproduire le printemps suivant. De plus, le succès de reproduction des individus qui parviennent à passer l’hiver serait moindre que celui des individus relâchés, dont les mâles auraient une plus grande facilité à établir leur territoire et les femelles auraient une plus grande résistance à la prédation.
Il y a encore des lâchers sporadiques de faisans de Colchide chaque année au Québec.
Impacts de son introduction
Son introduction pourrait entraîner la modification de la structure et de la composition des communautés en compétition avec les espèces indigènes. Aux États-Unis, le faisan de Colchide entre en compétition pour la possession de territoires avec le tétras des prairies, une espèce vulnérable inscrite sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). En Angleterre, le faisan de Colchide parasite les nids de perdrix grise en pondant des œufs dans les nids des perdrix. La perdrix grise est une autre espèce introduite au Québec depuis les années 1940.
Prévention et contrôle
La chasse est le meilleur moyen de contrôler les populations. Le faisan de Colchide est une espèce très prisée des chasseurs. Un autre moyen facile et efficace de restreindre la dispersion de l’espèce est de ne pas nourrir les oiseaux au cours de la saison hivernale afin de limiter leur survie.