La moule quagga (Dreissena bugensis)

Statut

Espèce exotique envahissante, présente au Québec et préoccupante.

Description

La moule quagga est un bivalve exotique d’eau douce qui ressemble à la moule zébrée, tant au point de vue morphologique qu’écologique. Sa parenté avec la moule zébrée lui a d’ailleurs valu son nom, qui provient du zèbre Couagga (quagga est le terme anglais), une espèce de la famille des équidés maintenant disparue et très similaire à son cousin le zèbre. La couleur de cette moule varie entre le noiermettent de distinguer la petite crevette d’eau douce de G. fasciatus, une autre espèce de gammare indigène. On distingue aussi très bien la queue en forme de V.

©Steve Wells

Moule quagga sur laquelle on peut voir les filaments du byssus sur la face ventrale.

Espèces similaires

Malgré leurs similitudes, certaines caractéristiques permettent néanmoins de distinguer les moules quagga et zébrée. La meilleure façon est d’observer la face ventrale qui est plane chez la zébrée et arrondie chez la quagga. Au stade juvénile, entre 0,5 et 10 mm de longueur, on peut distinguer la moule quagga, car sa valve de droite est significativement plus grande que sa valve de gauche, contrairement à la coquille de la moule zébrée qui a deux valves de grandeur à peu près identique.

©US Geological survey

Différences entre la moule zébrée à gauche et la moule quagga à droite.

Habitat

La moule quagga fréquente un habitat semblable à celui de la moule zébrée, mais elle peut toutefois vivre dans des eaux plus froides et plus profondes. Comme la moule zébrée, elle se fixe sur les surfaces solides, mais aussi sur des substrats meubles comme le sable et la vase. Contrairement à la moule zébrée, la moule quagga est capable de coloniser les grandes profondeurs, tels que le fond des Grands Lacs et les secteurs profonds du Saint-Laurent. À ces grandes profondeurs les moules quaggas s’attachent l’une contre l’autre, s’étendant ainsi horizontalement sur le fond vaseux et couvrant parfois une bonne partie du fond du lac.

Depuis quelques années, on observe que la moule quagga tend à supplanter la moule zébrée dans certains habitats, comme le lac Érié. La moule quagga a tendance à dominer la moule zébrée dans les lacs, mais non pas dans les ruisseaux et les rivières à courant rapide. Une étude récente réalisée par une université américaine suggère que cette différence s’explique entre autres par la capacité de ces deux espèces à se fixer sur un substrat. La moule zébrée aurait la faculté de produire plus rapidement et davantage de filaments du byssus lui permettant de rester solidement ancrée, contrairement à la moule quagga chez qui cette faculté n’est pas aussi développée. Par contre, la moule quagga est reconnue pour son habileté à tolérer une baisse dans l’abondance des ressources alimentaires (tel qu’observé dans les zones profondes) lui conférant un avantage sur sa cousine zébrée.

Reproduction

Tout comme la moule zébrée, la moule quagga est une espèce très productive pouvant produire jusqu’à 1 million d’œufs par année. Les individus ne peuvent produire qu’un seul type de gamètes (mâles ou femelles) et la fertilisation est externe. Des larves véligères se développent quelques jours après la fertilisation et, rapidement, on observe une coquille microscopique. Ces larves nagent librement dans le courant durant une période pouvant aller jusqu’à plusieurs semaines, avant de trouver un substrat propice à leur établissement. De telles caractéristiques dans la reproduction et la dispersion ont certainement contribués au succès de l’espèce comme envahisseur.

Historique de son introduction et principaux vecteurs de dispersion

Tout comme le moule zébrée, la moule quagga provient également de la région ponto-caspienne. Cette espèce s’est dispersée à travers l’Europe, mais moins rapidement que sa cousine et elle est limitée principalement à l’Europe de l’Est, bien qu’elle ait été récemment observée en Europe de l’Ouest, notamment en Allemagne. En Amérique du Nord, la première mention de la moule quagga remonte à 1989 au lac Érié, bien que la distinction de cette espèce avec la moule zébrée n’ait été reconnue qu’en 1991. Depuis, la moule quagga a complètement envahi les Grands Lacs et le fleuve Saint-Laurent jusqu’en aval nord de la ville de Québec. Plusieurs cours d’eau intérieurs américains ont également été touchés par l’espèce, soit en Iowa, Kentucky, Michigan, Minnesota, New York et Ohio. À partir de 1995, l’espèce se trouve également à l’extérieur des bassins des Grands Lacs au Missouri et en Illinois. Les populations les plus à l’ouest ont été découvertes en 2007 au Nevada, en Californie, Arizona et Colorado.

Distribution connue

En Europe, la moule quagga se trouve en Russie, Roumanie, Ukraine et, depuis 2006-2007, en Hongrie, dans les Pays-Bas et en Allemagne. En Amérique, on la trouve maintenant dans plusieurs États, soit en Iowa, Kentucky, Michigan, Minnesota, New York et Ohio, mais également au Missouri et dans l’Illinois à l’extérieur des basins des Grands Lacs. Depuis 2007, on trouve également des populations plus à l’ouest, soit au Nevada, en Californie, en Arizona et au Colorado. Au Québec, son aire de distribution dans le Saint-Laurent est à peu près la même que celle de la moule zébrée, mais elle est absente de la rivière Richelieu et de la rivière des Outaouais.

Impacts de son introduction

Moules quagga accrochées à une paroie, ©David Britton, US Fish and Wildlife Service

Les impacts environnementaux et économiques associés à la moule quagga sont similaires à ceux de la moule zébrée, ces deux espèces ayant une prodigieuse capacité à filtrer l’eau et à aspirer une grande quantité de phytoplancton et de particules en suspension. Une diminution dans l’abondance de phytoplancton est susceptible d’avoir des répercussions sur les ressources alimentaires et d’amener une augmentation de la transparence de l’eau, contribuant ainsi à la prolifération des plantes aquatiques. Des études suggèrent que la capacité filtrante de la moule quagga est encore plus grande que celle de la moule zébrée et amènerait une plus grande transparence de l’eau. Par leur activité de filtration, les moules vont concentrer certains polluants qui seront éventuellement acheminés vers les niveaux trophiques supérieurs lorsque les moules sont consommées. À forte densité, la production d’excréments peut contribuer à augmenter le pH de l’eau.

Comment peut-on prévenir sa dispersion ?

Une fois qu’elle est implantée dans un milieu, la moule quagga, tout comme sa cousine la moule zébrée, est pratiquement indélogeable. Des municipalités investissent des sommes importantes pour parvenir à contrôler le colmatage des prises d’eau potable. Pour cette raison, il est important d’empêcher la colonisation d’autres plans d’eau.

La prévention est cruciale car une fois que l’espèce est établie dans un plan d’eau, son éradication est pratiquement impossible et des interventions de contrôle périodique seront sans doute nécessaires à perpétuité pour en minimiser les impacts. Plusieurs produits chimiques tels que le chlore sont disponibles, mais la moule est tellement tolérante que ces moyens ne sont pas toujours efficaces. Des filtres et le raclage peuvent aussi être utilisés pour limiter les dommages causés par la moule dans les tuyaux ou sur différentes infrastructures. Les coûts des mesures de contrôle sont très élevés, particulièrement pour les industries utilisant l’eau des cours d’eau, comme les centrales de production d’énergie et les usines d’eau potable.

Vous pouvez contribuer à prévenir l’envahissement de cette espèce nuisible en appliquant les méthodes de prévention et de contrôle  qui s’imposent pendant les activités de pêche et de loisir.