Petite crevette d’eau douce (Echinogammarus ischnus) 

Statut

Espèce préoccupante, présente au Québec.

Description

Le corps de ce petit amphipode, long de 1 cm en moyenne, est latéralement compressé, courbé et semi-transparent. La petite crevette d’eau douce (ou gammare, amphipode Ponto-caspien) a des teintes orangées et des antennes rougeâtres. Elle possède des yeux noirs relativement gros et en forme de graine de haricot. Il est possible de distinguer les mâles des femelles car les premiers ont, sur la tête, leur deuxième paire d’antennes parsemées abondamment de soies, alors que ces soies sont plus éparses chez les femelles. La queue de cet amphipode a une forme en V très bien définie.

©Ron Dermott, Pêches et Océans Canada

Différences morphologiques qui permettent de distinguer la petite crevette d’eau douce de G. fasciatus, une autre espèce de gammare indigène. On distingue aussi très bien la queue en forme de V.

Espèces similaires

La distinction entre la petite crevette d’eau douce et un autre amphipode indigène, Gammarus fasciatus, se révèle techniquement complexe, puisqu’il faut s’attarder au microscope sur la taille relative des branches (un appendice d’un crustacé est formé de deux branches, l’une externe et l’autre interne) présentes sur les troisièmes pattes nageoires de l’abdomen de ces espèces

Habitat

La petite crevette d’eau douce fréquente les eaux fraîches et saumâtres des rivières et des lacs où le courant varie de faible à modéré. Elle est désignée comme un organisme euryhalin, c’est-à-dire qu’elle est capable de supporter d’importantes variations des conditions de salinité dans le milieu. Cette espèce préfère les fonds rocheux et graveleux qui lui procurent des interstices pour se réfugier, et elle est souvent associée aux colonies de moules zébrées qui lui offrent cet habitat favorable. Il est possible cependant de la retrouver sur des fonds de sédiments instables, tels que des substrats de sable, d’argile ou du limon.

Reproduction

La reproduction de la petite crevette d’eau douce débute au printemps et à l’été et se poursuit jusqu’au début de l’automne. Elle produit en moyenne 20 œufs, parfois jusqu’à 50, conservés sous son thorax. Le nombre d’œufs pondus dépend de la taille de la mère. Elle atteint sa maturité sexuelle lorsqu’elle mesure environ 4,8 mm et la population est majoritairement composée de femelles

Historique d’introduction et vecteur d’introduction et de propagation

Comme de nombreuses autres espèces aquatiques envahissantes, la petite crevette d’eau douce est native du bassin Ponto-Caspien (couvrant les mers d’Aral, d’Azov, Caspienne et Noire). Ecchinogammarus ischnus comme on la nomme aussi, a été selon toute vraisemblance introduite par les eaux de lest des navires commerciaux et observée pour la première fois en 1994 dans la rivière Détroit, partagée entre le Canada et les États-Unis et qui relie le lac Sainte-Claire au lac Érié dans les Grands Lacs. Son transfert entre les lacs a pu ensuite être favorisé par des organismes transportés dans les seaux à appâts ou les eaux contaminées avec le gammare dans les fonds de cale des bateaux. Ainsi, en trois ans à peine, l’espèce s’est répandue dans le réseau hydrographique des Grands Lacs et a atteint l’amont du fleuve Saint-Laurent en 1996.

©Åsa Kestrup

Femelle gravide de petite crevette d’eau douce : les œufs sont les cercles noirs bien visibles sous la partie antérieure du thorax. Malgré sa petite taille, 1 cm en moyenne, la petite crevette d’eau douce est capable de causer des changements se répercutant sur toute la chaîne alimentaire.

Distribution connue

Cette espèce d’à peine un centimètre est difficile à repérer, mais elle est établie depuis plus de dix ans déjà dans les eaux du haut fleuve Saint-Laurent. Elle a été trouvée près de Gentilly pendant l’été 2010, mais n’a pas encore été rapportée ailleurs dans la province. Il semble cependant que sa biologie ne puisse lui permettre de s’établir dans des eaux avec une faible conductivité (c’est-à-dire avec peu de calcium), impliquant qu’elle coloniserait difficilement un tributaire comme la rivière Richelieu. Toutefois, elle pourrait survivre dans le lac Champlain par exemple.

©Amy J. Benson (U.S. Geological survey)

Carte présentant les régions où la petite crevette d’eau douce a été documentée dans la région des Grands Lacs et au Québec.

Impacts de son introduction

L’amphipode Ponto-Caspien est très agressif et attaque les femelles d’un autre petit crustacé similaire, mais indigène, Gammarus fasciatus. Dans certaines régions des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent par exemple, la dominance de la petite crevette d’eau douce est telle qu’elle remplace progressivement l’espèce indigène. Des chercheurs ont démontré que l’importance relative de ces deux espèces dépendait fortement des caractéristiques chimiques du milieu, les eaux chargées en calcium étant particulièrement favorables au développement de la petite crevette d’eau douce. Echinogammarus ischnus peut aussi s’attaquer à la faune de macroinvertébrés, soit des petits animaux aquatiques qui sont essentiels à la survie de jeunes poissons. Bien que la compétition suscitée par la petite crevette d’eau douce puisse perturber les communautés benthiques, les chercheurs ne peuvent actuellement pas évaluer avec précision l’effet de cette crevette sur la faune aquatique.

Prévention et contrôle

Comme il n’existe pas de méthodes efficaces de contrôle de ce tout petit organisme, la prévention représente le meilleur moyen d’empêcher sa propagation.

Vous pouvez contribuer à prévenir l’envahissement de cette espèce nuisible en appliquant les méthodes de prévention et de contrôle  qui s’imposent pendant les activités de pêche et de loisir.