La tanche (Tinca tinca)
Statut
Espèce envahissante préoccupante, présente au Québec.
Description
La tanche (ou tanche verte, tanche dorée) est une espèce appartenant à la famille des cyprinidés, relativement facile à reconnaître par sa forme trapue et comprimée latéralement, ainsi que sa peau visqueuse recouverte de nombreuses petites écailles. Sa coloration varie du vert olive au noir, avec des reflets dorés sur les flancs et le ventre blanc-jaune. À l’âge adulte, elle pèse environ de 3 à 4 kilos et mesure généralement entre 30 et 40 cm de longueur, mais un individu de 70 cm a déjà été rapporté. Elle arbore une paire de barbillons aux coins des lèvres, des filaments sensoriels qui lui permettent de détecter ses proies et des yeux avec un iris jaune vif à rouge orangé.

© Steffen Zienert
Une tanche dans son habitat naturel.
Espèces similaires
Au Québec, la tanche peut être confondue avec différentes espèces. Malgré une apparence semblable, elle diffère cependant de la carpe (Cyprinus carpio) par la présence d’une seule paire de barbillons plutôt que deux, par le revêtement d’une peau visqueuse couverte d’un mucus épais et par la forme et la couleur de ses nageoires très arrondies et sombres. Malgré une coloration identique, la tanche se distingue des achigans, car elle n’a qu’une seule nageoire dorsale molle et sans épine. Finalement, ses apparences trompeuses avec l’umbre de vase (Umbra limi), lorsqu’elle est encore jeune et petite, peuvent être discriminées par la teinte dorée particulière des petits yeux de la tanche, la forme de son corps plus aplati et la présence chez l’umbre d’une nageoire dorsale dans la région centrale plutôt que postérieure.
Habitat
La tanche peut vivre dans une variété d’habitats, mais elle préfère les milieux envahis de végétation où l’eau est stagnante comme les lacs, les étangs ou les marais à fonds vaseux. On l’observe également dans les rivières où le courant est calme. Par contre, on ne risque pas de l’apercevoir dans des milieux sans végétation. La tanche tolère extrêmement bien de faibles concentrations d’oxygène; elle peut même survivre une journée hors de l’eau. Ce caractère extrême de tolérance lui permet de coloniser des endroits trop hostiles pour y retrouver la plupart des autres espèces.
Reproduction
La maturité sexuelle de la tanche est atteinte vers 3-4 ans, alors qu’elle peut vivre pendant 20 à 30 ans. La tanche hiberne en hiver, immobile et confinée dans le limon ou un dépôt de terre au fond des plans d’eau, pour ne refaire surface qu’au printemps pour se reproduire. En Europe, la fraie a ainsi lieu de mai à juillet en eau profonde où la végétation est luxuriante et lorsque la température atteint 19 à 20°C. Les femelles sont très fécondes, produisant environ 600 000 œufs par kilo de poids corporel par année; elles déposent leurs œufs verdâtres et adhésifs sur la végétation ou sur les fonds. Les larves éclosent 3 à 6 jours plus tard et se fixent à la végétation pendant une dizaine de jours, le temps d’épuiser les réserves de leur sac vitellin. L’alevin entreprend alors sa vie pélagique et quitte ensuite son substrat pour commencer à s’alimenter de zooplancton et d’algues.
Distribution connue
L’abondance relative de cette espèce semble augmenter d’année en année au Québec. bien qu’il soit difficile d’estimer rigoureusement ses effectifs en raison de ses habitudes de vie : la tanche est un poisson nocturne, camouflé dans les herbiers et la vase. L’abondance de l’espèce est donc en croissance puisqu’elle est bien adaptée aux milieux aquatiques du Haut-Richelieu, composés de vastes herbiers et de marais qui sont fortement productifs. En 2010, un spécimen a été trouvé dans la passe migratoire du canal Saint-Ours, situé en bordure est de la rivière Richelieu. Néanmoins la dispersion naturelle de la tanche semble pour le moment limitée. Ce poisson a cependant la capacité d’envahir efficacement d’autres plans d’eau susceptibles de lui fournir des habitats appropriés, comme les lacs Saint-Pierre et Saint-François. De plus, son abondance dans le Haut-Richelieu et sa grande résistance font que l’espèce dispose de la possibilité de se disperser facilement par voie de terre, et ce, même si légalement, son utilisation comme poisson appât est maintenant interdite au Québec.
Historique de son introduction et principaux vecteurs de propagation
La tanche est un poisson d’eau douce originaire de l’Europe et de l’Asie. Aux États-Unis, elle a été importée légalement d’Allemagne en 1877 pour être vendue sur le marché et utilisée pour la pêche sportive. Entre 1886 et 1896, 138 000 tanches sont ainsi disséminées à travers les États-Unis et en 1947, le poisson était documenté dans au moins 38 des 50 États. Son introduction au Québec résulte vraisemblablement d’une souche importée illégalement d’Allemagne en 1986 et élevée dans des étangs en bordure de la rivière Richelieu, d’où les poissons se seraient échappés en 1991 à la suite d’une crue importante. En octobre 1999, la présence au Québec de la tanche a été confirmée par l’identification d’un premier spécimen rapporté par un pêcheur commercial du Haut-Richelieu. Depuis sa découverte, les captures par les pêcheurs commerciaux de cette région sont de plus en plus nombreuses d’année en année. Il est maintenant reconnu que la tanche se reproduit abondamment dans la rivière Richelieu. Elle a atteint le lac Champlain en 2001, où quelques spécimens ont été trouvés, et le fleuve Saint-Laurent en 2005. La rivière Richelieu étant un important site de pêche et d’activités de plaisance, il est à craindre que la tanche envahisse d’autres régions par son transfert imprudent dans d’autres lacs et cours d’eau, ce qui peut accélérer sa progression.

© Patrick Gagnon
Spécimen de tanche récolté à l’été 2010 dans le lac Saint-Pierre en Mauricie.
Impacts de son introduction
La tanche a un potentiel nuisible pour de nombreuses espèces indigènes en raison de sa grande fécondité ainsi que de sa capacité d’adaptation, et ce, même dans des conditions adverses. La tanche s’alimente des mêmes proies (les mollusques) et côtoie le même type d’habitat que le chevalier cuivré, une espèce menacée dont la localisation est restreinte à quelques cours d’eau du sud-ouest du Québec, dont la rivière Richelieu. La tanche est aussi porteuse de parasites dont certains constituent une menace pour cette même espèce menacée. Elle entre également en compétition avec d’autres poissons commerciaux, tels que la perchaude et la barbotte. Mise à part la compétition avec les espèces indigènes et les risques de transmission de parasites, les impacts de son introduction dans le Saint-Laurent sont encore méconnus aujourd’hui.
Prévention et contrôle
Le Ministère sollicite l’aide des citoyens, car il est crucial de suivre l’évolution de cette espèce envahissante menaçante pour la faune locale. Le contrôle des espèces exotiques envahissantes s’avérant très complexe, il convient également d’adopter un comportement préventif. Vous pouvez contribuer à prévenir l’envahissement de cette espèce nuisible en appliquant les méthodes de prévention et de contrôle qui s’imposent pendant les activités de pêche et de loisir.