Vivipare chinoise (Cipangopaludina/Bellamya chinensis)
Statut de l’espèce
Espèce exotique potentiellement préoccupante et présente au Québec.
Description

La coquille de la vivipare chinoise adoptera différentes formes selon les conditions environnementales dans lesquelles elle se trouve.
© Amy Benson, U.S. Geological Survey
La vivipare chinoise est un gros escargot vivant en eau douce. Sa coquille est sphérique, c’est-à-dire que la hauteur et la largeur de la coquille sont presque équivalentes. Elle peut atteindre 70 mm de longueur et sa spire est constituée de six ou sept tours convexes séparés par une suture claire (ligne de contact entre les différents tours de la coquille).
Le juvénile, pâle, devient de plus en plus foncé au cours de sa croissance. À l’état adulte, il est vert olive, brun verdâtre, brun ou brun rouge. La couleur à l’intérieur de la coquille varie du blanc au bleu pâle et le péristome (bordure de l’ouverture de la coquille) est noir. Sa coquille est épaisse et son opercule (formation cornée ou calcaire qui, en se rabattant, permet d’obstruer le trou de la coquille) est particulièrement dur, ce qui lui permet de se défendre très efficacement contre les prédateurs et lui assure une meilleure protection contre les conditions environnementales défavorables. Chez le juvénile, le dernier tour de la coquille possède une carène (sculpture proéminente allongée située sur la coquille) cartilagineuse distinctive. Le mâle peut être différencié de la femelle par son tentacule droit modifié qui joue le rôle d’un pénis.
Il existe une grande variabilité entre les différents individus. Selon les conditions environnementales dans lesquelles la vivipare chinoise se trouve, sa coquille adoptera un certain motif de croissance, donnant lieu à plusieurs formes distinctes chez cette espèce. Il s’agit d’une croissance dite « allométrique », c’est-à-dire que la croissance de la coquille est plus rapide en hauteur qu’en largeur.
Espèces similaires
Bellamya japonica ressemble beaucoup à la vivipare chinoise. L’idée de considérer ces espèces comme étant deux phénotypes appartenant à la même espèce fait actuellement l’objet d’un débat. Il existe cependant des différences évidentes dans la morphologie et l’anatomie de la coquille embryonnaire entre les deux escargots. La coquille de Bellamya japonica est plus allongée que celle de la vivipare chinoise.
Habitat
La vivipare chinoise est un escargot d’eau douce qui fréquente les vastes étendues d’eau à circulation nulle ou lente ou les eaux courantes à faible débit, caractérisées par des fonds mous, boueux ou limoneux. Les rivières, les étangs, les lacs, les canaux d’irrigation et même les fossés creusés en bordure des routes constituent des habitats potentiels pour cette espèce.
Les adultes vivent en surface ou sont partiellement enterrés dans la boue ou le limon, tandis que les juvéniles s’observent davantage dans des crevasses ou sous les roches. Ce gastéropode possède une grande tolérance environnementale. Il s’agit d’une espèce tempérée qui peut évoluer à des températures oscillant de 0 °C à 30 °C. De plus, elle peut vivre à des profondeurs variant de 0,2 à 3 m et s’établir dans des eaux stagnantes près des fosses septiques. Elle peut supporter les hivers très froids et est pourvue d’une grande résistance à la dessiccation.
Reproduction
Les femelles sont ovovivipares, c’est-à-dire qu’elles conservent leurs œufs jusqu’à l’éclosion des jeunes et donnent ainsi naissance à des escargots complètement formés. Elles peuvent produire environ 65 juvéniles par année, mesurant 5 mm et possédant déjà une coquille à la naissance. La présence d’un prédateur dans l’environnement de la vivipare chinoise lors de la période de reproduction peut induire chez la femelle une réponse défensive. En effet, lorsque l’écrevisse américaine évolue dans les eaux environnantes, les jeunes naissent deux fois plus nombreux, habituellement plus petits, et leur coquille possède une teneur en matières organiques plus élevée que ceux des jeunes nés dans un milieu exempt de prédateurs. L’espèce a une durée de vie de quatre à cinq ans.
Historique de l’introduction et principaux vecteurs de propagation
L’aire de répartition naturelle de ce gastéropode se situe en Asie, plus précisément dans le Sud-Est asiatique, au Japon, en Chine, en Corée, puis dans l’est de la Russie.
La vivipare chinoise a été introduite au Canada et dans une grande portion des États-Unis probablement par le commerce associé à l’aquariophilie, à l’industrie des jardins d’eau, puis comme ressource alimentaire. En outre, elle a pu être transportée vers de nouveaux sites de colonisation par bateau. En effet, la vivipare chinoise peut se trouver parmi les macrophytes qui infestent souvent la coque des embarcations. Elle peut supporter une exposition prolongée à l’air libre.
L’espèce a d’abord été introduite à San Francisco, où elle était vendue dans les marchés d’alimentation chinois, à la fin des années 1800. Puis, dès 1914, on la trouvait déjà à Boston. Elle a été observée pour la première fois à New York en 1920 et a probablement été introduite dans le Vermont dans les années 1960-1970, dans le but d’aider au contrôle du développement des algues dans les petits étangs privés.
Il y a eu deux vagues d’introduction connues de l’espèce au Canada, soit en 1931 et dans les années 1940. Elle a d’abord été introduite en 1931 par le lâcher intentionnel, dans la rivière Niagara, d’un groupe reproducteur en provenance d’un aquarium privé. Puis, dans les années 1940, on l’a volontairement libérée dans le lac Érié afin qu’elle constitue une ressource alimentaire intéressante pour la barbue de rivière. Le lac Érié est probablement à l’origine de l’introduction de l’espèce dans le lac Champlain où sa présence dans le bassin versant a été notée pour la première fois en 2003.
Distribution connue
La vivipare chinoise évolue en tant qu’espèce exotique dans la grande majorité des États américains. Elle est bien établie dans la baie de San Francisco, en Californie. Elle est toujours vendue dans les marchés chinois aux États-Unis. Elle a été récemment découverte aux Pays-Bas, ce qui constitue la première mention européenne.
Elle est présente au Canada et est considérée comme « bien établie » à certains endroits dans le sud et dans l’est de l’Ontario, y compris le lac Érié. Elle est également rapportée en Colombie-Britannique et en Nouvelle-Écosse. Au Québec, l’espèce a déjà été rapportée dans le sud de Montréal et on la trouve dans le bassin versant du lac Champlain.
Impacts de son introduction
La vivipare chinoise est un escargot de taille relativement importante pouvant atteindre des densités de plus de 40 individus par mètre carré. Elle peut donc rapidement devenir incommodante pour les espèces indigènes. En plus de pouvoir déloger des espèces indigènes de leur habitat d’origine, la vivipare chinoise pourrait contribuer à réduire la quantité de nourriture disponible, menacer la diversité des algues croissant dans son habitat, puis altérer la qualité de l’eau. Expérimentalement, sa présence a été associée au déclin de deux gastéropodes, soit Physella gyrina et Lymnaea stagnalis, probablement en raison de la compétition pour la nourriture.
Ce gastéropode pourrait transmettre des parasites à la population nord-américaine. Dans son aire de répartition naturelle, il peut transmettre des vers parasitaires intestinaux pouvant infecter les personnes qui en consomment. Toutefois, peu d’information est disponible sur le sujet et aucun cas de ce genre n’a encore été rapporté aux États-Unis.
Ce gros escargot peut également obstruer des conduites d’eau et ses coquilles mortes ou desséchées peuvent s’agglomérer le long des rives, constituant une nuisance pour certains résidents.
Prévention et contrôle
La libération volontaire d’individus en provenance des aquariums est un vecteur de propagation qui pourrait être évité. Pour prévenir l’expansion de la vivipare chinoise, il importe de ne jamais relâcher d’individus dans la nature.
La vivipare chinoise est populaire chez les aquariophiles et les propriétaires de jardins d’eau, puisqu’elle ne se nourrit pas de macrophytes. Une mesure préventive pourrait consister à imposer certaines restrictions relatives à la vente, à l’importation ou à la reproduction de l’espèce dans les régions où elle a de fortes chances de s’établir. Les commerces associés à l’aquariophilie seraient particulièrement visés par ces restrictions.
Une autre mesure préventive consisterait à sensibiliser les gens à l’importance d’enlever les macrophytes, c’est-à-dire les plantes aquatiques visibles à l’œil nu, qui s’accrochent à la coque de leurs embarcations. En éliminant les macrophytes, on élimine également les escargots qui auraient pu s’y loger et on évite ainsi leur dissémination vers de nouveaux sites potentiels.
L’utilisation du sulfate de cuivre s’avère efficace pour contrôler certaines espèces envahissantes d’escargots. Ce produit chimique a récemment été utilisé pour la première fois sur la vivipare chinoise en Oregon. Cette forme de contrôle semble également efficace pour maîtriser l’espèce.