Le nourrissage des cerfs de Virginie

Le nouveau Règlement sur les cas et conditions pour attirer ou nourrir un animal ou une catégorie d’animaux en vigueur depuis le 30 mars 2023 vient interdire le nourrissage du cerf de Virginie en dehors des périodes de chasse, soit du 1er décembre au 31 août, à l’exception de l’île d’Anticosti.

Les cerfs de Virginie sont des animaux familiers du paysage rural et périurbain. Même si cela part d’une bonne intention, le fait de nourrir le cerf de Virginie, surtout en période hivernale, a de nombreuses conséquences négatives documentées sur le cerf et les humains qui le côtoient.

Adaptation des cerfs au fil des saisons

Pour bien comprendre ces conséquences, il faut savoir que les cerfs sont capables de vivre sous notre climat grâce à des adaptations physiologique et comportementale. Sur le plan physiologique, le système digestif des cerfs a la capacité de se transformer pour bien assimiler la nourriture disponible selon les saisons. Durant l’été, le cerf se nourrit de plantes herbacées, de ramilles d’arbustes (extrémités des branches) et de fruits. Son alimentation change progressivement à l’arrivée de l’hiver alors que les ramilles d’arbres et d’arbustes deviennent la principale source de nourriture disponible. Le système digestif du cerf optimise alors la digestion de cette nourriture riche en fibres mais pauvre en protéines et en énergie. Enfin, lorsque c’est nécessaire, le cerf puise dans les réserves corporelles qu’il a accumulées en prévision de l’hiver.

Sur le plan comportemental, les cerfs quittent les habitats d’été lors des premières chutes de neige importantes pour se regrouper dans des aires d’hivernage, appelées aussi ravages, qui offrent abri et nourriture. La quantité de neige au sol constituant le plus gros obstacle pour les cerfs, ils recherchent des habitats où l’accumulation de neige est limitée. Ils réduisent alors leur niveau d’activité, dont l’alimentation, et entretiennent un réseau de sentiers qui facilitent leurs déplacements pour accéder aux sources de nourriture et fuir les prédateurs.

Le nourrissage à des fins de loisir et ses conséquences

Le nourrissage peut causer de sérieux problèmes de santé chez les cerfs : déséquilibre énergétique lorsque le cerf dépense plus d’énergie à digérer sa nourriture que ce qu’il en retire, diarrhées, ballonnements et ruménites, soit une inflammation du rumen (panse) qui peut provoquer une mort rapide. Une alimentation riche en énergie mais pauvre en fibres favorise cette dernière condition. C’est pourquoi des cerfs en santé sont parfois trouvés morts en hiver, l’estomac plein d’aliments inadéquats.

Outre les problèmes de santé et la mortalité associés à une nourriture inappropriée, le nourrissage artificiel peut engendrer de nombreuses autres conséquences négatives, notamment :

  • la rétention des cerfs dans des milieux moins favorables à leur survie, en dehors des ravages;
  • la dégradation de l’habitat du cerf autour des sites de nourrissage par une trop grande concentration d’animaux à ces endroits;
  • les dommages causés à la propriété privée près des sites de nourrissage (plantes ornementales, cultures, plantations, etc.) par les cerfs et les autres animaux attirés par la nourriture;
  • l’attirance des prédateurs vers les milieux habités (ex. : coyotes);
  • l’augmentation du nombre d’accidents routiers lorsque les sites de nourrissage sont à proximité d’une route;
  • la transmission de maladies et de parasites au site de nourrissage par l’ingestion de nourriture contaminée par la salive, l’urine, les excréments et les contacts physiques accrus entre les animaux;
  • l’augmentation locale potentielle de la tique à pattes noires associée à la transmission de la maladie de Lyme chez l’humain;
  • la facilitation des activités de braconnage comme l’abattage des cerfs hors saison à courte distance avec des armes de petits calibres.

 

Si vous désirez accroître la disponibilité des sources d’alimentation naturelle pour le cerf sur votre terre privée en aménageant la forêt à l’aide de travaux sylvicoles, diverses ressources sont disponibles à cet effet, telles que le Programme d’aide financière Faune Forêt sur terre privée  de la Fondation de la faune du Québec et le Guide d’aménagement des ravages de cerfs de Virginie  publié par le MFFP.