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Pygargue à tête blanche. © Murray Foubister.

Pleins feux sur… les animaux en danger : le pygargue à tête blanche

Le nom latin du pygargue à tête blanche est Haliaeetus leucocephalus. Haliaeetus signifie « aigle marin » et leucocephalus désigne ma tête blanche. Pygargue signifie derrière blanc. Tu as donc deviné que mes extrémités sont immaculées! Bien que j’aie déjà porté le nom d’aigle à tête blanche, je n’en suis pas un. Je me distingue de l’aigle par mon régime alimentaire, essentiellement composé de poissons, mais aussi par mon bec massif jaune et par le fait que mes pattes ne sont pas recouvertes de plumes jusqu’aux serres, ce qui est le cas chez les aigles.

Tête de pygargue à tête blanche.

Croyants à tort que j’étais chauve, les Américains m’ont nommé « Bald Eagle ». Mes plumes blanches les ont confondus! Cela ne m’a pas empêché de devenir l’emblème des États-Unis, le 20 juin 1782. Emblème ou pas, j’ai bien failli être exterminé et, encore aujourd’hui, je demeure sous haute surveillance.

À l’arrivée des Européens, on estime que nous étions entre 250 000 et 500 000 en Amérique du Nord. Aujourd’hui nous ne sommes plus que 100 000 et la plupart d’entre nous habitent en Alaska et sur la côte de la Colombie-Britannique. Entre les années 1800 et 1950, on pouvait m’apercevoir de temps en temps dans plusieurs régions du Québec. Toutefois, à partir de la deuxième moitié du 20siècle, on m’observait beaucoup plus rarement.

Heureusement, depuis le début des années 2000, ma situation s’est grandement améliorée à la suite de la mise en place de plusieurs mesures pour me protéger. Maintenant, on peut me voir dans la plupart des régions du Québec. Présentement, au Québec, il y aurait entre 150 et 200 couples.

Une mauvaise réputation

Il y a d’abord eu les coupes forestières des premiers colons qui ont éliminé les grands arbres dont j’ai besoin pour construire mon nid. Comme je suis très sensible au dérangement humain, j’ai donc quitté les lieux.

Pygargue à tête blanche tué à la chasse dans les années 1930. © Gustavus Historical Archives & Antiquities.

L’abattage de pygargues au fusil était une pratique banale au Québec comme partout en Amérique du Nord. Au début des années 1800, plusieurs pygargues nichant au lac Brome périrent sous les coups de feu des colonisateurs. On voyait en moi une menace aux activités d’élevage.

Mon histoire est tristement célèbre en Alaska où j’étais particulièrement détesté par l’industrie des pêcheurs de saumons et aussi des éleveurs de renards. Non pas parce que je m’en prenais aux poissons, mais plutôt par ma seule présence. Perché sur les pôles des filets tendus pour capturer les poissons, je provoquais la panique. Les saumons se frappaient sur les filets et devenaient impropres à la mise en conserve. L’industrie de la fourrure ne nous appréciait pas non plus. Les éleveurs avaient l’habitude de garder leurs bêtes en liberté sur des îles. C’était là nous offrir un garde-manger à ciel ouvert, même si les renards n’étaient pas notre proie de choix, bien peu d’entre nous en ont profité comme en témoignent ces chiffres.

En 1917, le gouvernement de l’Alaska offrait une prime de 50 cents pour une paire de pattes de pygargue. De 1917 à 1922, 15 745 pygargues ont été abattus. En 1923, la prime était de 1 $. De 1923 à 1940, 79 746 paires de pattes ont été rapportées, et c’est sans compter les oiseaux blessés et tués mais jamais retrouvés. De 1941 à 1943, il est toujours permis de nous éliminer, mais il n’y a plus de prime. À partir de 1949, la prime atteint la somme de 2 $ et un peu plus de 7 400 oiseaux périssent. Au total, près de 100 000 d’entre nous ont succombé et plus de 128 000 $ ont été versés entre 1917 et 1952 avant que le système soit abandonné en 1952. Pourtant la solution était fort simple : l’installation d’un piquet métallique pour nous empêcher de nous poser près de filets de pêche.

Pour faire face à cette hécatombe, en 1940, les Américains ont adopté le « Bald Eagle Act ». Cette loi interdisait notre abattage… sauf en Alaska. Ce n’est qu’en 1962 que cette loi entrera en vigueur dans cet État.

Le DDT, un pesticide dangereux

Couple de pygargues à tête blanche à leur nid. © Raptorfandan.

Enfin, un répit! Mais non, une autre menace allait nous toucher : la contamination par les pesticides, en particulier le DDT. Manger du poisson, c’est manger santé, sauf si les proies sont contaminées par des produits chimiques. Je suis au sommet de la chaîne alimentaire alors je suis grandement atteint. L’effet s’est fait sentir sur ma reproduction, les coquilles de mes œufs étant trop minces, je les écrasais et les embryons mouraient. La situation s’est tellement détériorée qu’en 1963, il n’y avait plus que 463 couples nicheurs.

Ma situation aux États-Unis

J’ai été désigné espèce en danger aux États-Unis (Species Endangered Act) de 1967 à 1995. Dès lors, des programmes d’élevage ont été développés pour relâcher des oiseaux, et des mesures pour protéger les habitats ont été adoptées. Aujourd’hui, il y a plus de 10 000 couples nicheurs en sol américain, excepté à Hawaï. Depuis juin 2007, je ne figure plus sur la liste des espèces en danger aux États-Unis.

Comment ça se passe au Québec?

Soins apportés à un pygargue à tête blanche par l’UQROP. © UQROP.

Tout comme l’ensemble des oiseaux de proie au Québec, en vertu de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune, je ne peux être ni chassé ni piégé. De plus, cette loi protège le nid et les œufs de mon espèce. Selon cette loi, si je suis capturé accidentellement, je dois être remis en liberté. Cependant, même si je ne semble pas avoir de blessure apparente, il est préférable de contacter un agent de protection de la faune. Ce dernier assurera mon transport vers un centre de réhabilitation des oiseaux de proie tel que l’UQROP  (Union québécoise de réhabilitation des oiseaux de proie). Si je suis blessé ou mort, vous devez le déclarer à un agent de protection de la faune. Près de la moitié des pygargues ainsi rapportés sont remis en liberté.

L’EROP veille sur moi.L’EROP, c’est l’Équipe de rétablissement des oiseaux de proie, dont l’aigle royal (Aquila chrysaetos), le faucon pèlerin (Falco peregrinus) et moi, le pygargue à tête blanche. Cette équipe est composée de dix personnes de divers organismes : ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP), QuébecOiseaux (QO), UQROP, Service canadien de la faune et Hydro-Québec.

Zones de protection autour des nids de pygargue à tête blanche. © MELCCFP.

Ces gens doivent faire en sorte de nous protéger ainsi que notre habitat. Ils réalisent plusieurs actions, dont des suivis de population, des interventions sur les habitats ainsi que des campagnes de sensibilisation et d’éducation. À titre d’exemple d’action, une trousse d’activités sur la protection des espèces d’oiseaux de proie en péril au Québec a été créée pour la nation crie.

En forêt, des mesures de protection sont exigées lors des travaux. J’ai besoin d’espace et je ne veux pas être dérangé lorsque vient le temps de couver et d’élever les aiglons. Des zones de protection autour du nid ont donc été établies. Dans la zone de protection intensive d’un rayon de 300 m du nid, aucune activité n’est permise en tout temps. La zone tampon comprend une bande additionnelle de 400 m autour de la zone de protection intensive. Toutes les activités y sont permises du 1er septembre au 15 mars. Toutefois, ces activités ne doivent pas créer d’installations permanentes (routes, bâtiments, etc.).

Il paraît que…

  • Pygargue à tête blanche en plein vol. © Andy Morffew.

    Je suis désigné comme « vulnérable » selon la Loi sur les espèces menacées et vulnérables du Québec.
  • Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) me classe comme une espèce « non en péril » et je ne figure pas au registre public de la Loi sur les espèces en péril du gouvernement du Canada.
  • Chez le mâle, mon envergureEnvergure : distance entre les extrémités des ailes étendues chez les oiseaux. est de 175 à 210 cm et,chez la femelle, de 198 à 225 cm, ce qui fait de moi le deuxième plus gros oiseau de proie au Canada, derrière l’aigle royal.
  • Mon nid peut être très volumineux, généralement de 0,7 à 1,2 m d’épaisseur (maximum de 6 m) sur de 1,5 à 2,0 m de diamètre.
  • Un nid s’est effondré après 36 ans d’occupation (par différents couples de pygargues) à Vermilion en Ohio. Il pesait plus d’une tonne métrique! Des nids occupés pendant 50 à 60 ans consécutifs ont atteint une épaisseur de 6 m et un poids de 1 à 2 tonnes.
  • Même si le pygargue à tête blanche est l’emblème aviaire des États-Unis, la population canadienne de pygargues est plus grande que celle de nos voisins du sud.

Pour en savoir plus…

Ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP)

Fédération canadienne de la faune

Caméras au nid