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Œufs de salmonidés.

Pleins feux sur… les œufs de poissons

Pâques, c’est le temps de faire la course aux œufs! Les poules sont les vedettes en cette occasion, mais elles ne sont pas les seules espèces animales qui pondent. As-tu déjà mangé des sushis? Les œufs de poissons entrent dans la confection de ce mets japonais. Pourquoi ne pas faire une course aux œufs de poissons? Allez, à vos masques, palmes et tubas! Mais avant, nous allons tenter d’en savoir un peu plus sur le sujet. Plongeons dans les eaux pour découvrir les secrets de ces œufs sans coquille!

Certains poissons vivent en eau douce toute leur vie, comme le crapet-soleil (Lepomis gibbosus), alors que d’autres se retrouvent seulement en eau salée, comme la plie. Certaines espèces circulent d’un milieu à l’autre, comme le saumon atlantique  (Salmo salar). Il existe aussi des espèces qui profitent des deux mondes et qui nagent dans les eaux saumâtres. Mais peu importe leur habitat, tous ces poissons pondent des œufs dans l’eau.

Une variété de tailles et de quantités

Esturgeon. © Duane Raven.

La quantité et la grosseur des œufs varient d’une espèce à l’autre. Le nombre d’œufs produits par une espèce, c’est la fécondité. On peut dire de l’esturgeon jaune (Acipenser fulvescens) qu’il est une espèce féconde. Une femelle pond entre 500 000 et 800 000 œufs. De son côté, le grand brochet (Esox lucius) en dépose 32 000 en moyenne. Chez une même espèce, plus les femelles sont grosses, plus elles pondent d’œufs, et plus elles sont fécondes. Une grosse femelle esturgeon contient plus d’œufs qu’une petite femelle.

Pourquoi pondre de si grandes quantités d’œufs minuscules? Pour ne pas les mettre tous dans le même panier? Mais non! C’est pour augmenter les chances de voir certains d’entre eux parvenir au stade adulte. Cette stratégie est souvent utilisée par les espèces qui libèrent les œufs dans l’eau en les abandonnant dans le courant. D’autres espèces pondent moins d’œufs, mais ceux qu’elles produisent sont plus gros. De gros œufs contiennent de plus grandes réserves d’énergie dont pourront bénéficier l’embryon et, ultimement, l’alevin vésiculé.

Le recrutement et la fécondité chez les poissons

Chez la morue, moins d’un œuf sur deux millions deviendra un adulte! Ça ne fait pas beaucoup de recrues pour assurer la survie de l’espèce! Le recrutement, c’est le nombre de nouveaux sujets d’une espèce qui peuvent s’ajouter à la population d’une année à l’autre. Cette information importante permet d’estimer l’état des stocks de poissons et de prévoir le nombre de poissons qui pourront être pêchés.

Bien des facteurs influencent la fécondité. Chez les oiseaux de proie, la couvée peut varier selon la disponibilité de la nourriture. Le harfang des neiges (Bubo scandiacus) produira moins de jeunes durant les années où l’abondance des proies diminue. Cette espèce peut en quelque sorte ajuster le nombre d’œufs qu’elle pond. Chez les poissons, on peut observer un phénomène de compensation. Ainsi, lorsqu’une population diminue, les femelles produisent plus d’œufs! Comme ce phénomène n’est pas généralisé, il est cependant difficile de faire des prévisions. La fécondité varie, mais les scientifiques n’ont pas encore trouvé les facteurs qui en sont responsables.

Un indice de l’abondance des maquereaux bleus (Scomber scombrus) est tout de même calculé à partir d’un relevé des œufs. Puisque les œufs sont minuscules et qu’ils dérivent dans les eaux en compagnie du plancton, on utilise un filet à plancton pour les récolter. Ils sont par la suite analysés en laboratoire où des calculs sont effectués pour obtenir un état de situation. On ajuste la pêche de cette espèce en conséquence.

Un œuf de poisson, ça ressemble à quoi?  

Œuf de poisson.

Les œufs des poissons sont dépourvus de coquille. L’oxygène présent dans l’eau peut ainsi atteindre l’embryon qui se développe à l’intérieur. Quelques jours ou quelques mois plus tard, une larve émerge de l’œuf. Elle possède une poche sous le ventre, le sac vitellin, qui est une véritable boîte à lunch dans laquelle elle puisera sa nourriture. Cette larve grandira pour devenir un juvénile et ensuite un poisson adulte.

En général, les œufs des poissons sont ronds et de couleurs variées. La plupart coulent au fond, mais d’autres sont abandonnés au gré des courants et flottent dans les eaux. Ils peuvent être en grappes, isolés, en cordons, en tas collés aux plantes, sous des pierres ou dans un nid gardé par un parent.

Plusieurs espèces dévorent leurs propres œufs. On appelle ce phénomène « homophagie ». Les œufs sont une source de nourriture importante pour plusieurs autres espèces de poissons! Ainsi, lorsque des millions de capelans (Mallotus villosus) viennent frayer, c’est-à-dire déposer leurs œufs, c’est le festin!

Les humains consomment également des œufs. Les plus recherchés sont les œufs d’esturgeons, qui entrent dans la préparation du caviar.

Histoires de ponte et d’espèces!

L’esturgeon noir (Acipenser oxyrinchus) est le roi des poissons de nos eaux douces. Une femelle pond de 500 000 à plus de 3 700 000 œufs! Quant à l’esturgeon jaune, sa ponte est un peu plus modeste, variant de 500 000 à 800 000 œufs. Les œufs sont pondus et fécondés puis coulent au fond où ils se collent. La ponte dure plusieurs semaines.

Lépisosté osseux. © USFWS.

Le lépisosté osseux (Lepisosteus osseus), dont le nom est aussi étrange que l’allure, est le Cyrano de la faune aquatique! La femelle pond environ 27 000 œufs. Ceux-ci sont gros, visqueux, recouverts d’une membrane et collent aux herbes. Selon la légende, les œufs du lépisosté seraient toxiques. Gare aux gourmands!

Chez le poisson-castor (Amia calva), le mâle construit un nid dans lequel des femelles viennent pondre. Il garde les œufs et, quand les petits naissent, il les protège.

Chez l’anguille d’Amérique (Anguilla rostrata), la reproduction est toute une aventure! Elle effectue un voyage de 2 000 à 4 500 kilomètres qui la mène jusqu’à la mer des Sargasses. Durant cette migration, elle dépose de 5 à 20 millions d’œufs ovales à 300 mètres de profondeur. Les adultes meurent à la suite de la fraie. Leur reproduction n’a jamais été filmée.

Œufs de saumon atlantique. © Uwe Kils.

Le saumon atlantique vit en mer de trois à cinq ans et revient pondre dans sa rivière natale. Il s’agit d’une espèce anadrome. La femelle creuse un nid avec sa queue dans un lit de gravier. Elle y dépose ses œufs que le mâle fertilise avec sa laitance. Les œufs pondus à l’automne vont éclore le printemps suivant.

Chez le saumon, il existe deux types de mâles : les gros saumons anadromes et ceux qui restent en rivière. On appelle ces derniers des « mâles furtifs ». Ce sont de petits rusés… Ils laissent les gros mâles faire tout le travail de séduction, et hop! ils viennent féconder les œufs des femelles en douce… sans que les gros mâles dominants les voient!

Tout comme le saumon, l’éperlan arc-en-ciel (Osmerus mordax) est un poisson anadrome. Il quitte la mer, les estuaires ou les grands lacs au printemps, peu après la débâcle, et remonte les cours d’eau pour frayer dès l’âge de deux ans. Généralement, la fraie a lieu la nuit et le pic de fraie dure environ une semaine. Aucun nid n’est construit. Deux ou plusieurs mâles se placent contre une femelle dans le courant et celle-ci libère, en fonction de sa taille, entre 8 000 et 69 000 œufs adhésifs qui se fixent sur le fond de gravier. Les œufs, dont le diamètre varie de 0,9 à 1,0 millimètre, éclosent après deux ou trois semaines. Après l’éclosion, les jeunes dérivent avec le courant vers le lac ou l’estuaire. La population du sud de l’estuaire est désignée vulnérable.

Œufs de saumon (orangés) et œufs d’esturgeon (noirs). © Thor.

Chez les brochets, la reproduction se déroule dans les herbiers aquatiques. Ces milieux sont très importants. La femelle pond ses œufs, qui sont fertilisés par plus d’un mâle. Les œufs, très adhésifs, se fixent à la végétation et sont laissés sans surveillance.

Chez les barbottes, il y a des combats entre mâles. La femelle creuse un nid et transporte de petites pierres dans sa bouche avec l’aide du mâle vainqueur. Ce dernier garde les œufs, agitant ses nageoires et soufflant dessus pour les aérer. Il peut aussi les prendre dans sa bouche en cas de danger et se servir de ses barbillons pour les remuer. Une fois les œufs éclos, le mâle surveille les alevins.

Chez le poulamon atlantique (Microgadus tomcod), ou « petit poisson des chenaux », la fraie se déroule en hiver. Le poulamon vit en eau salée et revient en eau douce pour se reproduire. C’est d’ailleurs à ce moment que nous installons les cabanes de pêche. La femelle pond, en fonction de sa taille, de 6 000 à plus de 65 000 œufs minuscules (1,5 millimètre de diamètre) qui se fixent sur le gravier ou sur le sable du fond. Aucun nid n’est construit.

Œufs en incubation artificielle. © MFELCCFP.

Chez les épinoches, le mâle construit le nid. Il exécute une danse pour séduire plusieurs femelles. Celles-ci déposent leurs œufs tour à tour dans le nid. Le mâle garde le nid et les œufs et il les ventile. Si les petits s’égarent, il les prend dans sa gueule pour les rapporter au nid. Pendant toute cette période, qui dure une quinzaine de jours, il ne se nourrit pas. Dès que les petits deviennent indépendants, il retrouve son appétit et peut même manger sa progéniture!

Crapets et achigans sont également des espèces de poissons qui gardent leur ponte. On voit souvent plusieurs nids les uns près des autres, chacun gardé par un mâle. Plusieurs femelles peuvent pondre dans le même nid.

Perchaudes et dorés. © USFWS-ADW.

Chez la perchaude (Perca flavescens), les œufs s’agglutinent en un long cordon accroché aux plantes. La ponte se déroule au printemps dans les eaux calmes. Aucun soin parental ne leur est accordé.

Chez les dorés, la fraie se déroule la nuit. Une femelle entourée de plusieurs mâles nage vers la surface à la verticale. Elle libère les œufs, qui sont fertilisés par les mâles qui la suivent. Cette opération se répète jusqu’à la libération des 60 000 œufs.

Chez le raseux-de-terre, la ponte a lieu au printemps. Le mâle nettoie un site rocheux et la femelle y pond sur le dos pour que les œufs adhèrent à la roche. Le mâle entre ensuite dans le nid pour les fertiliser. Plusieurs femelles peuvent pondre dans le même nid.

Il paraît que…

  • Au Québec, on compte 118 espèces de poissons d’eau douce.
  • Un atlas électronique des œufs et des larves de poissons est en préparation. Il s’agit d’un projet de recherche du ministère des Pêches et des Océans du Canada.
  • Lorsque le capelan vient pondre, on dit que le capelan roule!
  • Le site de ponte des poissons se nomme une « frayère ».
  • Le frai désigne l’ensemble des œufs de la femelle et de la laitance des poissons mâles.

Pour en savoir plus…

Ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP)

Pêches et Océans Canada