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Colibri dans son nid. © Gilles Potvin, Le monde en images.

Pleins feux sur… les œufs et la taille de la ponte chez les oiseaux

Les oiseaux ont-ils la bosse des maths? Peuvent-ils compter le nombre d’œufs dans leur nid? Comment savent-ils qu’il est temps de cesser de pondre, car ils ont atteint le nombre requis? Il doit bien y avoir une limite au nombre d’œufs qu’un oiseau peut pondre et couver avec succès. L’oiseau peut-il ajuster la taille de sa ponte selon les conditions météorologiques? Du genre, s’il fait beau la femelle pondra plus d’œufs cette année? Voici quelques réponses… 

Un chiffre magique d’œufs pondus!

Œufs de plongeon huard.

Œufs de plongeon huard. © Louis-M. Landry.

En 1968, un ornithologue britannique, David Lambert Lack, disait que les oiseaux pondent autant d’œufs qu’il leur est possible d’élever et que si la quantité de nourriture disponible dans le milieu vient à manquer, des oisillons seront éliminés. Il y aurait une taille idéale, un chiffre magique d’œufs pondus qui donnerait le plus grand nombre de jeunes à l’envol. Car pondre, c’est une chose, mais ce n’est pas tout. Il faut que les oisillons survivent et puissent pondre un jour à leur tour. Ce n’est pas si simple et la quantité d’œufs pondus par une espèce dépend d’une combinaison de plusieurs facteurs.

La règle de l’œuf : une affaire de répartition géographique!

Pluvier kildir et œufs au nid.

Pluvier kildir et œufs au nid. © Johanne Ruel,
Le monde en images.

On dit que, pour une espèce donnée, la taille de la ponte augmente à mesure que l’on se dirige vers les pôles. C’est la règle de l’œuf. Par exemple, chez le rougegorge familier (Erithacus rubecula), le nombre moyen d’œufs passe de 3,5 aux Îles Canaries à 5,8 en Hollande et à 6,3 en Finlande. Comment expliquer ce phénomène?

Un oiseau qui vit dans le nord du Québec et qui doit affronter les rigueurs de l’hiver a plus de risques de mortalité que celui qui vit sous les tropiques. Si l’oiseau doit migrer, cela augmente encore ses risques de mourir. Pour « compenser », la taille de la ponte augmente. Si vivre dans le nord n’est pas facile l’hiver, la situation est différente en été. En effet, la période d’ensoleillement est plus longue et la nourriture est abondante pour nourrir les jeunes. Mais ce n’est pas si simple, car le temps est compté. L’été est court et il faut réussir à se reproduire, élever les jeunes et être prêt à repartir. Si ça tourne mal, les parents n’ont pas le temps d’avoir une autre couvée pour remplacer celle qu’ils auraient perdue sous les dents d’un prédateur. Alors les oiseaux n’ont qu’une seule couvée, mais elle contient plus d’œufs. C’est ce qui s’appelle mettre tous ses œufs dans le même panier!

Un oiseau qui vit sous les tropiques n’a pas à affronter le climat hivernal, il ne migre pas non plus. Cependant, il y a généralement plus de prédateurs et le nid doit être petit et bien camouflé. Qui dit petit nid, dit aussi nombre d’œufs réduit. Par contre, si le nid et les œufs sont détruits, les oiseaux ont encore le temps et l’énergie pour avoir une autre couvée.

La disponibilité de la nourriture : un facteur déterminant

Le mauvais temps peut compromettre la ponte. Par exemple, les hirondelles auront plus d’œufs par beau temps, car il y aura plus d’insectes disponibles. Si le temps est froid et humide, la taille de la ponte sera diminuée. Le martinet noir (Apus apus), pond trois œufs au début de l’été. Si la température est pluvieuse et froide et qu’il y a moins d’insectes, les parents vont retirer les œufs du nid, d’abord un, puis deux puis un troisième et les laisser tomber au sol.

Œufs et oisillon de harfang des neiges.

Œufs et oisillon de harfang des neiges.
© Gilles Gauthier.

La taille de la ponte dépend aussi, chez les oiseaux de proie, de la quantité de nourriture disponible. Par exemple, le harfang des neiges (Bubo scandiacus) aura une plus grande couvée les années où le lemming est le plus abondant. Certaines espèces ne produiront pas d’œufs si les proies se font rares. Un sixième sens?

Tout peut dépendre aussi de la facilité avec laquelle les parents ont accès à la nourriture pour alimenter les jeunes. Chez l’engoulevent bois-pourri (Antrostomus vociferus), la période de chasse aux insectes ne dure que quelques heures au crépuscule. L’oiseau ne pond que deux œufs. D’après toi, combien d’œufs pondent les oiseaux marins qui doivent parcourir de grandes distances pour aller en mer chercher du poisson et ensuite revenir au nid nourrir leur progéniture?

L’influence de la prédation

Nids de mouettes tridactyles sur une falaise.

Nids de mouettes tridactyles sur une falaise.
© Denis Chabot, Le monde en image.

La prédation est sans aucun doute un facteur important. Les œufs d’un oiseau qui niche en cavité sont moins exposés aux prédateurs que les œufs des oiseaux dont le nid est à l’air libre. Pour réduire la prédation, les espèces qui nichent à l’air libre ont une période de couvaison plus courte que les espèces qui nichent en cavité et de plus, en général, ces espèces pondent moins d’œufs.

Les oiseaux qui nichent au sol pondent plus d’œufs que les espèces qui construisent des nids dans les arbres ou en des endroits inaccessibles comme les falaises. Les oiseaux qui nichent au sol sont plus susceptibles de subir de la prédation; c’est ce qui pourrait expliquer cette particularité. 

Pondeuses déterminées ou indéterminées?

La plupart des espèces d’oiseaux sont des pondeuses déterminées. Elles ne sont pas affectées par la règle de l’œuf. Les femelles pondent un nombre fixe d’œufs, peu importe la latitude où elles se trouvent. Même si on retire des œufs du nid, elles s’en tiennent à leur nombre, elles sont programmées génétiquement. Ces pondeuses ne remplaceront pas les œufs perdus. Les oiseaux de rivage, les pigeons, les goélands, les sternes et plusieurs espèces de passereaux en sont.

Il y a les pondeuses indéterminées. Ces oiseaux vont continuer à pondre des œufs aussi longtemps que l’on va en retirer de leur nid. Le nombre d’œufs qui peut être déposé au cours de la couvée est indéterminé. De même, l’ajout d’un œuf pendant la ponte provoque l’arrêt de celle-ci. Un biologiste a ainsi fait une expérience avec un pic flamboyant (Colaptes auratus). En général, la couvée est de six œufs. Il a retiré un œuf quotidiennement pendant 73 jours. La femelle a pondu 71 œufs pour les remplacer! Il ne faut pas oublier que, malgré tout, la taille de la couvée est fixe.

Œufs de goéland.

Œufs de goéland. © Normand Martin, Le monde en image.

La poule domestique (Gallus gallus domesticus) est le plus bel exemple de ce type d’oiseau. Normalement, la couvée est de 11 à 14 œufs. Mais comme nous ramassons les œufs chaque jour, la poule persiste à pondre. Si on laissait les œufs, elle commencerait à les couver. Certaines espèces pondent 300 œufs par année.

Plusieurs espèces d’oiseaux n’ont qu’une seule couvée durant la saison. D’autres en ont deux ou trois. Le nombre d’œufs peut varier durant la saison de reproduction. Chez le merlebleu de l’Est (Sialia sialis), la première ponte de la saison contient plus d’œufs que les pontes suivantes. Par contre, chez le bruant chanteur (Melospiza melodia), c’est la seconde ponte qui est la plus importante.

Les plaques incubatricesPlaque incubatrice : zone dénudée de plumes sur la poitrine des oiseaux qui permet une meilleure transmission de la chaleur vers l’œuf. sous l’abdomen de la femelle correspondent au nombre d’œufs. Ainsi le goéland argenté (Larus argentatus) en a trois et il pond trois œufs. Si on change le nombre d’œufs, ajout ou retrait, rien ne va plus. Chez les bécasseaux, l’ajout d’un cinquième œuf ne permet pas à l’oiseau de les couvrir tous suffisamment. 

Importance de la taille et de l’âge de l’oiseau

Dans plusieurs cas, un oiseau de grande taille pond moins d’œufs que son équivalent de plus petite taille. Ainsi chez les oiseaux de proie, l’autour des palombes (Accipiter gentilis) pond trois ou quatre œufs tandis que son cousin, la crécerelle d’Amérique (Falco sparverius), en pond de cinq à sept. L’autour a peu d’ennemis tandis que la crécelle peut être la victime d’un plus grand nombre de prédateurs. Est-ce là une façon de compenser pour les pertes des jeunes à venir?

La taille de la ponte peut varier avec l’âge de l’oiseau. Une première ponte contiendra moins d’œufs. Les oiseaux sont moins expérimentés mais, avec le temps, ils deviennent plus habiles pour trouver de la nourriture.

Les œufs sont-ils pondus tous en même temps ou y a-t-il un intervalle entre chaque œuf pondu?

La plupart des oiseaux chanteurs, les passereaux, pondent un œuf par jour jusqu’à ce qu’ils atteignent leur nombre. Certaines espèces, tels les hérons, les butors et les rapaces, pondent un œuf par 38-48 heures.

Si l’oiseau pond plus d’un œuf et commence à couver dès la ponte du premier œuf, il y aura dans le nid des oisillons d’âges différents et de tailles différentes. Si la nourriture est abondante, tout le monde aura sa part. Dans le cas contraire, les plus forts, les plus gros, ceux nés les premiers, vont éliminer les autres. Il y aura du cannibalisme. C’est le cas chez le grand-duc d’Amérique (Bubo virginianus). Mieux vaut ne pas être le benjamin de la famille…

Il paraît que…

  • Fou de Bassan et oisillon au nid.

    Fou de Bassan et oisillon au nid.
    © Denis Chabot, Le monde en image.

    Il y a ceux qui pondent :
    • 1 œuf : fou de Bassan (Morus bassanus), petit pingouin (Alca torda), macareux moine (Fratercula arctica), marmettes.
    • 2 œufs : plongeons, pigeons, tourterelles, colibris, engoulevents, pygargue à tête blanche (Haliaeetus leucocephalus), aigle royal (Aquila chrysaetos), urubu à tête rouge (Cathartes aura).
    • 3 œufs : goélands, sternes, avocettes, phalaropes, balbuzard pêcheur (Pandion haliaetus).
    • 4 œufs : bécasseaux, pluviers, carouge à épaulettes (Agelaius phoeniceus).
    • 4 à 6 œufs : parulines, bruants, moineau domestique (Passer domesticus), bernache du Canada (Branta canadensis), corneille d’Amérique (Corvus brachyrhynchos), geai bleu (Cyanocitta cristata), crécerelle d’Amérique (Falco sparverius), faucon émerillon (Falco columbarius), nyctales.
    • 6 à 14 œufs : mésanges, gélinotte huppée (Bonasa umbellus), lagopède des saules (Lagopus lagopus), sarcelle d’hiver (Anas crecca).
  • Il arrive parfois que plusieurs femelles pondent dans le même nid! Trois femelles de colin de Virginie (Colinus virginianus), ont laissé 28 œufs dans le même nid!
  • À quel âge un oiseau cesse-t-il de pondre? Trois bernaches du Canada (Branta canadensis) gardées en captivité ont pondu jusqu’à leur mort à 29, 29 et 33 ans.

Pour en savoir plus…

Faune et flore du pays

Oiseaux.net