Pleins feux sur… la pêche à la barbotte
« Les poissons gigotent, les poissons barbotent, les poissons vivent dans l’eau… ». Est-ce que tu connais cette chanson rendue célèbre par Passe-Partout ? Moi, je suis une barbotte brune (Ameiurus nebulosus) avec deux « t » et je barbote aussi. Bienvenue dans le monde des poissons-chats.
Au Québec, je suis le poisson le plus commun de ma famille, les ictaluridés, ou poissons-chats. Qu’avons-nous en commun avec les chats? Est-ce parce que nous portons des barbiches qui pourraient être comparées aux vibrisses des chats? C’est quand même une drôle d’idée de nous appeler ainsi. « Miaou… miaou », se disent les poissons!
Les ictaluridés, une famille de poissons diversifiée!
Dans la famille, la barbotte jaune (Ameiurus natalis) a des barbiches blanches, la barbotte noire (Ameiurus melas) a des barbiches grises ou noires, et moi, la barbotte brune, (Ameiurus nebulosus), j’ai des barbiches brunes ou noires. La barbue de rivière (Ictalurus punctatus) est nettement plus grosse et sa queue est fourchue alors que la mienne est carrée. Il y a aussi tous les poissons de la bande des « chats-fous » les Noturus, qui eux, sont plus petits que moi. Deux espèces de chats-fous sont en situation précaire au Québec, le Chat-fou des rapides (Noturus flavus) est désignée vulnérable et le Chat-fou liséré (Noturus insignis) est sur la liste des espèces susceptibles d’être désignées menacées ou vulnérables.
Je vis en eau peu profonde et je supporte bien l’eau chaude. Dans les étangs, les petits lacs, les baies des grands lacs, les rivières à faible courant à fond de sable ou de vase, vous me trouverez généralement près du fond. J’occupe aussi le fleuve Saint-Laurent et les rivières affluentesAffluent : Cours d’eau qui se jette dans un autre cours d’eau généralement plus grand., en amont de Québec (vers les Grands Lacs).
La barbotte brune est omnivore
Mon alimentation est variée et se compose de débris, de mollusques, d’insectes, d’écrevisses et autres crustacés, de vers, de sangsues, de poissons et de leurs œufs, mais aussi d’algues et de plantes aquatiques. Je mange donc de tout. Non, non, je ne suis pas un goéland, quoique la comparaison soit intéressante. Ma principale parure n’est pas la plume, mais le barbillon! J’en ai quatre paires autour de la bouche et je m’en sers pour trouver ma nourriture et détecter les odeurs dans l’eau.
Des épines acérées pour décourager les prédateurs
Plusieurs prédateurs me guettent : brochets (Esox sp.), dorés (Sander sp.), tortues serpentines (Chelydra serpentina), grands hérons (Ardea herodias) et balbuzards pêcheurs (Pandion haliaetus) pour n’en nommer que quelques-uns. Contrairement à la grande majorité des autres espèces de poissons, mon corps est dépourvu d’écailles. Mais attention à mes épines! Je réserve une douloureuse surprise aux prédateurs insouciants! Si jamais vous me prenez entre vos mains, faites bien attention aux épines de mes nageoires dorsales et pectorales! Je peux dresser ces épines contre vous ou tout autre prédateur qui aurait envie de m’avaler! Ouch!
Je ne suis peut-être pas une star des magazines de pêche, comme les ombles, les dorés ou le saumon atlantique (Salmo salar) qui font les premières pages, mais moi, je suis une espèce qui peut tolérer des conditions extrêmes de pollution et de température. Je peux supporter les eaux chaudes, jusqu’à 36 °C! Je suis même capable de survivre hors de l’eau pour de longues périodes, à condition d’avoir un peu d’humidité!
Des parents bienveillants
Je me reproduis au printemps, sur les fonds vaseux ou sablonneux de rivages de lacs ou d’embouchure des ruisseaux. Je fraye le jour, dans un nid peu profond creusé par moi, le mâle! Ma compagne et moi prenons un grand soin de nos œufs en les « ventilant », c’est-à-dire en agitant l’eau vers eux pour leur apporter le plus d’oxygène possible. Nous veillons aussi sur les petits juvéniles pendant près d’un an!
La pêche à la barbotte, de jour comme de nuit!
Les pêcheurs semblent me dédaigner, mais quiconque sait m’apprécier (et m’apprêter!) trouve que j’ai un goût raffiné, surtout si je suis pêchée en eau un peu plus froide. On me pêche souvent la nuit, au printemps, car ma chair est plus savoureuse. Les gens se rassemblent sur les berges du fleuve, allument un feu de camp ou s’éclairent au fanal et la fête commence! Évidemment, comme je me complais souvent en eaux troubles, le pêcheur averti délaissera les leurres visuels et préférera les leurres odorants, artificiels ou naturels (vers, sangsues, etc.). En fait, ce que je préfère, ce sont les vers de terre! Peu importe votre choix, assurez-vous de respecter la réglementation en vigueur dans votre secteur de pêche.
La gibelotte : une recette fameuse dans la région de Sorel-Tracy
Dans la région de Sorel-Tracy, je suis l’objet d’un festival, et plusieurs restaurants, dont le Marc Beauchemin par exemple, servent alors ce mets célèbre bien connu sous le nom de gibelotte des îles! Mmmm! À l’origine, la fameuse gibelotte de Sorel comprenait de la sauvagine, qu’on faisait bouillir au-dessus d’un lit de légumes. Elle a été remplacée par la suite par… la barbotte! Ce serait une certaine Mme Berthe Beauchemin qui aurait développé et commercialisé la fameuse recette, toujours utilisée aujourd’hui.
Il paraît que…
- On prétend qu’on a déjà pêché une barbotte de 200 kilogrammes près de Montréal! Ouais, vous savez les histoires de pêche, surtout celles du 1er avril… Mon vrai poids ne dépasse guère de 1 à 2 kilogrammes!
- Dans les années 1890, dans un chic hôtel d’Ottawa, le maître d’hôtel servit de la barbotte à sa riche clientèle américaine, avec plus ou moins de succès. Quelques jours plus tard il la servit sous le nom de mountain trout (truite de montagne). Tous ses distingués convives s’en régalèrent!