Accueil de la section Jeunesse
Mammouths laineux au Pléistocène. © Mauricio Antón.

Pleins feux sur… l’Halloween et la dé-extinction

Tourte voyageuse.

Tourte voyageuse. © Hayashi et Toda.

La tourte voyageuse (Ectopistes migratorius) est disparue de la planète, tout comme le mammouth laineux (Mammuthus primigenius) et les dinosaures. Il nous reste des spécimens naturalisés de tourtes dans plusieurs musées en Amérique du Nord. En utilisant l’ADN de ces oiseaux, on pourrait ressusciter l’espèce! Quand la technologie dépasse la fiction…

L’Anthropocène et la sixième extinction

L’humain est devenu un facteur de changement dans le milieu; il a accéléré la disparition des espèces. Les modifications qui sont apportées par les humains auraient fait entrer la Terre dans une nouvelle ère géologique : l’Anthropocène! Imaginez, nous sommes devenus la principale force géologique de la planète! 

Au moment même où nos activités menacent la vie animale au point où l’on parle de la sixième grande extinction, la science et la technologie nous permettraient de ressusciter des espèces disparues!

Pour le moment, la disparition d’une espèce est toujours irréversible. Il faut donc appliquer le principe de précaution avec les espèces en danger. Nous avons trois façons d’agir avec les espèces en danger : la protection, la conservation et la restauration (réintroduction). Mais une nouvelle science est née : l’écologie de la résurrection ou la dé-extinction. Mais alors, si l’extinction n’est pas la fin de la vie, tout devient possible!

Quelles sont les techniques utilisées pour ramener une espèce à la vie?

Le clonage

On transfère des cellules somatiques prélevées sur des tissus de l’espèce éteinte dans des ovules ou des œufs d’une espèce apparentée. Le cas de clonage le plus célèbre a été sans contredit celui de la brebis Dolly. Mais on a aussi tenté de sauver des espèces qui allaient disparaître en les clonant. En 2003, une équipe de scientifiques est parvenue à ressusciter un bouquetin des Pyrénées (Capra pyrenaica pyrenaica) ou bucardo, mais le clone n’a vécu que quelques heures.

Clonage.

Clonage. © Image adaptée de Squidonius.

La sélection à rebours

En partant du principe que certaines espèces et certaines races d’aujourd’hui proviennent d’ancêtres communs, il est possible de les croiser entre elles pour retrouver les caractères de ces animaux primitifs. C’est la sélection à rebours et c’est par ce processus que les frères Heck, deux zoologistes allemands, sont parvenus à reconstituer un bovin semblable à son ancêtre préhistorique du nom d’« aurochs » (Bos primeginus), que l’on peut aujourd’hui observer dans plusieurs parcs zoologiques.

L’ingénierie génétique

On réalise le séquençage du génome de l’espèce disparue. Il faut avoir un échantillon de son ADN en assez bon état pour qu’il soit décodé et dupliqué.

On insère des séquences d’ADN faisant la spécificité de l’espèce éteinte dans le génome d’une espèce proche toujours vivante. On répète le processus de génération en génération pour obtenir un spécimen de plus en plus « pur ». Par exemple, la tourte.

Il n’est pas facile de travailler avec un échantillon d’ADN endommagé et incomplet. Plus une espèce est éteinte depuis longtemps, plus ses échantillons d’ADN sont rares et en mauvais état. C’est pourquoi des banques de gènes ont été créées pour le futur. Ces banques prélèvent les codes génétiques des espèces vivantes de plantes et d’animaux d’aujourd’hui et les conservent dans des laboratoires. Ainsi, si l’une d’elles venait à disparaître, nous disposerions de son manuel d’instructions pour la ramener à la vie!

La résurrection de la tourte voyageuse

Pigeon à queue barrée.

Pigeon à queue barrée. © Phil Myers.

Le projet Revive and Restore (en anglais seulement), qui consiste à faire revivre la tourte voyageuse, est une initiative de la Long Now Fondation, un organisme à but non lucratif fondé en 1996 en Californie. Le chercheur, M. Ben Novak, a travaillé avec une quarantaine de spécimens, la majorité provenant de la collection du Musée royal de l’Ontario. Pour le moment, la séquence du génome a été établie. Le plus proche parent génétique de la tourte voyageuse serait le pigeon à queue barrée.

Imaginons que cette technique fonctionne et qu’un oisillon naisse. Qui seront ses parents? M. Novak a l’intention d’utiliser des pigeons adultes recouverts d’une teinture pour ressembler à des tourtes et assurer le rôle des faux parents.

Mais la tourte n’est pas une espèce qui donne naturellement de bons soins à sa progéniture. Les parents abandonnaient les jeunes très tôt au nid. Ceux-ci étaient laissés à eux-mêmes et formaient un groupe qui, plus tard, allait rejoindre les colonies d’adultes. Il faudra apprendre aux tourtes leur comportement grégaire afin qu’elles restent ensemble et n’aillent pas se joindre à d’autres groupes de pigeons.

Il faut également voir si l’habitat est disponible pour réintroduire l’espèce en milieu naturel.

Comme vous le voyez, la dé-extinction soulève beaucoup de questions.

La dé-extinction, un choix difficile…

Si la dé-extinction devient possible et facile à réaliser, comment allons-nous choisir les espèces que nous voulons ressusciter? Comment ferons-nous le tri parmi les espèces candidates? Il y a sans doute des espèces qu’il est impossible de ressusciter ou qui ne devraient pas l’être; elles ne devraient donc pas être « choisies ».

Il y a également des espèces qui pourraient être ressuscitées mais qui pourraient causer des problèmes.

Il y a des espèces qui avaient déjà un pauvre bagage génétique, car leur effectif était très faible. Pourraient-elles s’adapter aux changements climatiques?

Des espèces candidates?

Thylacine.

Thylacine. © Animal Diversity Web.

On pourrait choisir de réanimer des espèces dont les causes de la disparition ne représentent plus une menace. Le pic à bec ivoire (Campephilus principalis) a été victime de la perte de son habitat qui, aujourd’hui, est de nouveau disponible. D’ailleurs, certaines personnes croient avoir vu cet oiseau.

On pourrait choisir le thylacine (Thylacinus cynocephalus) ou la tourte, tous deux éliminés autrefois par la chasse commerciale, une pratique qui n’est plus autorisée aujourd’hui.

On pourrait choisir des espèces disparues qui étaient des espèces clés dans leur milieu ou qui ont coévolué avec une autre espèce. Ainsi, dans le cas du dodo (Raphus cucullatus) et de l’arbre tambalacoque (Sideroxylon grandiflorum), ce dernier avait besoin de cet oiseau pour assurer la germination de ses graines.

Encore beaucoup de questions à se poser…

Le budget consacré à la biodiversité pourrait-il être diminué et transféré vers la recherche sur la dé-extinction?

Est-ce que la dé-extinction devrait être financée par des fonds publics?

Les gouvernements devraient-ils soutenir financièrement la recherche en ce sens?

Les espèces ramenées à la vie pourraient-elles devenir des espèces envahissantes et menacer les espèces et les communautés actuelles?

Les espèces ramenées à la vie auront-elles besoin de protection toute leur vie?

Quel serait le statut légal d’une espèce ressuscitée? Serait-elle considérée comme une espèce en danger? Plusieurs lois seraient à considérer, à divers égards, sur le plan juridique (au civil, au criminel et à l’international).

Pourrait-on breveter une espèce ressuscitée?

La dé-extinction est-elle une contribution à la conservation de la biodiversité ou une « distraction »?

Ramener des espèces à la vie, mais à quel prix?

Recréer des espèces pourrait causer des douleurs à l’animal durant le processus. L’espèce pourrait avoir des séquelles, des déformations et mourir. Le bien-être animal doit être considéré.

Revenue d’entre les morts.

Revenue d’entre les morts. © Image adaptée de Justine DiCesare, Environmental Visual Communication Student, Fleming College / Royal Ontario Museum.

Il y a un risque pour la santé humaine, car les espèces ressuscitées pourraient posséder dans leur génome des rétrovirus potentiellement dangereux.

Il se peut également que, dans l’environnement actuel, ces anciennes espèces se comportent comme des espèces invasives et mettent en péril d’autres espèces fragiles que nous tentons de conserver.

La dé-extinction pourrait nous rendre moins vigilants, car nous aurions la possibilité de faire revivre une espèce plus tard. Ce pourrait être la fin des lois sur la protection des animaux.

Il y a une forme d’objection morale, car ressusciter une espèce éteinte équivaudrait à jouer au Créateur. 

La science de l’ingénierie génétique pourrait mal paraître auprès du public, si on consacre des sommes à faire revivre des espèces disparues plutôt qu’à trouver des remèdes pour des maladies qui touchent les humains.

D’un autre côté, ce ne serait que justice de ramener à la vie des espèces que nous avons anéanties.

Mammouth.

Mammouth. © Sémhur.

Les chercheurs pourraient étudier de nouvelles espèces, voire découvrir, par exemple dans des plantes disparues, des principes actifs utiles en médecine.

On pourrait faire de grandes avancées technologiques en développant l’ingénierie génétique.

On pourrait améliorer des milieux en réintroduisant des espèces anciennes dans des environnements menacés ou appauvris. La dé-extinction, en ramenant une espèce clé dans un milieu, permettrait de le conserver.

Il y aurait tout un engouement! Imaginez si vous pouviez voir des mammouths dans la toundra!

Et vous, qu’en pensez-vous? Devrait-on carrément interdire la dé-extinction?

Devrait-on encadrer légalement la dé-extinction?

Durée : 2 minute 31 secondes
Dé-extinction – Ressusciter les espèces disparues. © David Alvarado & Jason Sussberg, traduite avec leur accord et celui du projet Revive and Restore (version originale : De-Extinction – Bringing Extinct Species Back to Life).

 

Il paraît que…

Dodo.

Dodo. © Michigan Science Art.

  • Les tourtes étaient présentes il y a 250 000 ans (études des pollens et des fossiles).
  • Il y a 1 500 spécimens de tourtes voyageuses dans le monde.
  • Le taxon Lazare est un phénomène de réapparition d’un taxon ou d’une espèce présumée éteinte. Ce terme vaut aussi bien pour les espèces animales que pour tous les organismes. Le nom donné à cette observation provient du personnage de Lazare, ressuscité par Jésus dans le Nouveau Testament.
  • Le 15 mars 2014, National Geographic a tenu une journée de conférences sur le sujet.

Pour en savoir plus…

Futura-Sciences

La « dé-extinction » des espèces serait à la fois possible et impossible

Revive and Restore

Revive & Restore | Genetic Rescue to Enhance Biodiversity (en anglais seulement)