Pleins feux sur…le satyre fauve des Maritimes : portrait d’une espèce « en danger »
Le satyre fauve des Maritimes (Coenonympha nipisiquit) est un papillon unique au monde. Il a été le premier insecte à figurer sur la liste des espèces désignées comme menacées ou vulnérables au Québec. Il y a chez les insectes 28 candidats en attente d’un statut. Ceux-ci sont présentement sur la liste des espèces fauniques susceptibles d’être désignées comme menacées ou vulnérables. Les connais-tu?
En attente d’un statut… Il faut parfois patienter pendant des années avant d’obtenir une quelconque protection. Laissez-moi vous expliquer comment ça fonctionne.
À l’échelle du Canada, il y a la Loi sur les espèces en péril
Tout a débuté en 1976 au Canada, lors de la réunion des ministres responsables de la faune dans les diverses provinces. Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) a été mis sur pied. Le rôle de ce comité consiste à identifier les espèces et les populations en danger au Canada. Le COSEPAC se réunit généralement deux fois par année pour étudier les rapports préparés par des biologistes afin de déterminer le statut des espèces sauvages à l’échelle du Canada, selon la Loi sur les espèces en péril.
Catégorie de statuts des espèces selon la Loi sur les espèces en péril du gouvernement fédéral (Canada)
Statut | Définition |
---|---|
Espèce disparue (D) | Espèce sauvage qui n’existe plus. |
Disparue du pays (DP) | Espèce sauvage qu’on ne trouve plus à l’état sauvage au Canada, mais qu’on trouve ailleurs. |
En voie de disparition (VD) | Espèce sauvage exposée à une disparition de la planète ou à une disparition du pays imminente. |
Menacée (M) | Espèce sauvage susceptible de devenir « en voie de disparition » si rien n’est fait pour contrer les facteurs menaçant de la faire disparaître. |
Préoccupante (P) | Espèce sauvage qui peut devenir « menacée » ou « en voie de disparition » en raison de l’effet cumulatif de ses caractéristiques biologiques et des menaces reconnues qui pèsent sur elle. |
Données insuffisantes (DI) | L’information disponible est insuffisante pour déterminer l’admissibilité d’une espèce sauvage à l’évaluation ou pour permettre une évaluation du risque de disparition de l’espèce sauvage. |
Non en péril (NEP) | Espèce sauvage qui a été évaluée et jugée comme ne risquant pas de disparaître étant donné les circonstances actuelles. |
À l’échelle du Québec, il y a la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables
Au Québec, tout a commencé en juin 1989 par l’adoption de la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables. La désignation des statuts au provincial relève du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) que ce soit pour les espèces fauniques ou floristiques. Des comités étudient des rapports de situation qui ont été préparés par des spécialistes de la faune à partir de la liste des espèces susceptibles d’être désignées comme menacées ou vulnérables. Deux statuts sont reconnus dans la province : menacé et vulnérable.
Le statut vulnérable est défini comme l’état d’une espèce, d’une sous-espèce ou d’une population dont la survie est jugée précaire même si sa disparition n’est pas appréhendée à court ou à moyen terme.
Le statut menacé signifie que la disparition d’une espèce, d’une sous-espèce ou d’une population est appréhendée.
Certaines espèces peuvent avoir deux statuts
Les espèces qui sont désignées sont en quelque sorte protégées. Leur habitat fait aussi l’objet d’une attention particulière lors d’un projet de développement. Comme la situation des espèces peut changer dans le temps, les statuts sont donc réévalués régulièrement. Une espèce obtient donc deux statuts : un au provincial (Québec) et un au fédéral (Canada), selon deux lois différentes. Puisque rien n’est jamais simple, une espèce obtient parfois deux statuts différents. C’est le cas de l’aigle royal (Aquila chrysaetos) qui est considéré comme non en péril au Canada, car il se retrouve assez largement dans les autres provinces. Comme il est toutefois plutôt rare chez nous et que son espèce est sensible au dérangement près du nid, il est considéré comme une espèce vulnérable au Québec.
En ce moment, la liste des espèces désignées comme menacées ou vulnérables au Québec, en vertu de la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables (LEMV), comprend 65 espèces, dont 37 sont classées menacées et 28, vulnérables. En plus, il y a 91 espèces, dont 28 sont des insectes, en attente d’un statut dans la liste des espèces fauniques susceptibles d’être désignées comme menacées ou vulnérables.
Quelles sont les espèces d’insectes en attente d’un statut au Québec?
Des insectes il y en a tellement sur la Terre que certaines espèces risquent de disparaître avant même d’avoir été découvertes! Les insectes constituent plus de 75 % de la diversité dans le monde animal! Malgré leur importance et leur abondance, ils ne comptent que pour 33 % des espèces qui figurent sur la liste rouge de l’Union internationale de conservation de la nature (UICN).
Les 28 espèces d’insectes en attente d’un statut au Québec se trouvent dans 5 ordres : odonates (les libellules et demoiselles), coléoptères (les coccinelles, hannetons, etc.), orthoptères (les criquets, grillons et sauterelles), lépidoptères (les papillons) et hyménoptères (les bourdons, les abeilles et les fourmis).
Chez les odonates, le gomphe ventru (Gomphus ventricosus) est une grande libellule de milieu forestier qui se rencontre aussi près des lacs aux fonds sablonneux. Ce type d’habitat est plutôt commun au Québec, mais peu d’observations de cette espèce ont été faites. Le gomphe est connu dans 4 provinces canadiennes et 19 États américains où il est soit en péril ou disparu.
Chez les orthoptères, le mélanople de Gaspésie (Melanoplus gaspesiensis) est une espèce de criquet. Il se trouve seulement dans le parc de la Gaspésie, plus précisément au mont Albert. Il habite surtout les endroits rocailleux et herbeux près de petits étangs, à plus de 1 000 mètres d’altitude. Il est extrêmement rare et unique; nous manquons d’information à son sujet. Par exemple, on ne connaît pas exactement ce qu’il mange! Le réchauffement climatique pourrait avoir un impact négatif sur l’espèce qui occupe un milieu plutôt nordique.
Chez les coléoptères, la cicindèle blanche (Cicindela lepida) se rencontre dans les dunes ouvertes balayées par le vent. Autrefois, elle était présente en plusieurs endroits, mais depuis 1991 elle se fait plus rare. On ignore pourquoi elle n’est plus aussi abondante.
Chez les hyménoptères, il y a cette espèce de fourmi qui n’a même pas encore un nom en français! Elle porte le nom scientifique suivant : Dolichoderus mariae. Au Québec, elle n’a été observée que dans la tourbière de la Grande plée Bleue à Lévis. Elle est toutefois considérée comme abondante dans l’est des États-Unis. La protection de ce type de milieu humide est importante : pas d’habitat, pas de faune!
Toujours chez les hyménoptères, le bourdon terricole (Bombus terricola) est en sérieux déclin. Autrefois abondante, cette espèce semble avoir souffert de l’introduction d’autres espèces de bourdons destinés à la pollinisation dans les serres. De plus, l’usage des insecticides de la classe des néonicotinoïdes a un impact dévastateur sur les pollinisateurs, abeilles et bourdons.
Le satyre fauve des Maritimes a été le premier insecte à obtenir officiellement le statut d’espèce menacée. Aujourd’hui, le bourdon à tache rousse (Bombus affinis), la coccinelle à neuf points (Coccinella novemnotata) et le cuivré des marais salés (Lycaena dospassosi) sont aussi sur la liste des espèces menacées. La coccinelle à deux points (Adalia bipunctata) est, quant à elle, le seul insecte à figurer sur la liste des espèces vulnérables. Cette coccinelle était autrefois très abondante aux États-Unis; elle est aussi présente dans toutes les régions du Québec. Toutefois, on a observé un déclin majeur de ses populations depuis les années 1980.
Le satyre faune des Maritimes, un papillon unique!
Ce papillon se trouve uniquement dans la baie des Chaleurs en Gaspésie. Il vit dans les marais salés et il dépend totalement d’une plante pour compléter son cycle de vie, soit la spartine étalée (Spartina patens). Cette plante sert de nourriture à la chenille et de support au papillon durant les différentes étapes de sa vie : œuf, chenille, chrysalide et papillon adulte. L’insecte adulte se nourrit principalement du nectar d’une autre plante de ces milieux humides : la lavande de mer (Limonium carolinianum). Une fois de plus, l’habitat est primordial pour la survie de ce papillon unique au monde. On craint que les changements climatiques ne causent des inondations plus fréquentes et menacent la survie du satyre. Le milieu n’est pas non plus à l’abri d’autres perturbations d’origine humaine, telles que des déversements pétroliers.
Les insectes font partie de la grande toile de la biodiversité. Ils nous rendent de précieux services. On n’a qu’à penser à tous les pollinisateurs qui butinent les fleurs des arbres fruitiers et celles du potager qui se transformeront en légumes et en fruits. Les insectes détruisent les parasites des plantes, d’autres nous fournissent la soie et plus encore. Nous avons le devoir de les protéger et nous pouvons les aider de multiples façons.
Il paraît que…
- Au Québec, il y aurait près de 30 000 espèces d’insectes.
- Sur la Terre, il y en aurait de 2 à 100 millions.
- Tu peux transmettre tes observations de satyres fauves des Maritimes au Centre de données sur le patrimoine naturel du Québec ou sur iNaturalist .
- Tu peux participer à un projet de science citoyenne sur les insectes pollinisateurs sauvages : abeilles citoyennes .