Crapet vert (Lepomis cyanellus)

Statut de l’espèce

Espèce exotique potentiellement préoccupante et présente au Québec

Description

© Duane Raver US Fish And Wildlife Service

Le crapet vert est un poisson d’eau douce de la famille des Centrarchidés. Son corps vert olive foncé est marqué de petites mouchetures bleu iridescent qui se disposent en rangées. Des lignes teintées du même bleu colorent également ses joues. Comme les autres membres de sa famille, son corps est comprimé latéralement, sa nageoire dorsale comporte une partie épineuse et une partie à rayons mous étroitement unis, et sa nageoire anale est précédée d’au moins trois épines. Sa bouche est particulièrement large et sa mâchoire supérieure peut se rétracter jusqu’au milieu de l’œil. Ses nageoires pectorales sont courtes et arrondies. Ce sont les seules nageoires qui ne sont pas définies par un contour orangé, jaune ou blanc. Il porte souvent une tache noire derrière ses nageoires dorsale et anale, au niveau de leur jonction avec le corps. L’opercule noir comporte parfois une bordure oscillant entre le blanc et le jaune orangé. Les adultes mesurent une moyenne de 20 cm de long.

Espèces similaires

De façon générale, le crapet vert n’a pas un profil aussi arrondi que celui des autres carpes. L’espèce peut être confondue avec le crapet arlequin avec lequel elle s’hybride parfois. Le crapet arlequin a un corps plus arrondi et une bouche plus petite que le crapet vert. De plus, il est dépourvu de lignes ondulées bleues comme on en trouve sur les joues du crapet vert.

Le crapet vert ressemble aussi au crapet sac-à-lait, une espèce vivant en Ontario, dans le lac Érié. Cette dernière a des dents sur la langue et des lignes foncées qui partent de ses yeux, deux caractéristiques dont le crapet vert n’est pas doté. Il est à noter que les probabilités de capturer le crapet sac-à-lait au Canada sont réduites, puisqu’il s’agit d’une espèce préoccupante figurant sur la liste des espèces en péril.

Habitat

Ce poisson est une espèce d’eau douce benthopélagique, c’est-à-dire qu’elle vit et se nourrit aussi bien près du fond des cours d’eau que dans la colonne d’eau ou près de la surface. Il fréquente les bassins calmes et les eaux stagnantes des cours d’eau à débit lent, comme les lacs peu profonds et les étangs. Ce crapet est reconnu pour sa capacité à tolérer une forte turbidité (eaux troubles), bien qu’il fréquente tout autant les eaux claires. C’est souvent la seule espèce de crapet que l’on peut capturer dans des eaux boueuses, de faible qualité et de très faible superficie.

Le crapet vert se nourrit de façon opportuniste de gros invertébrés qui partagent son environnement immédiat, d’autres poissons ainsi que de gros insectes aquatiques et terrestres. Les juvéniles se nourrissent surtout de crustacés (zooplancton) et de larves d’insectes.

Reproduction et croissance

Ce poisson fraie seul ou en colonie de la mi-mai au mois d’août. Le mâle construit un nid pour que la femelle y dépose ses œufs, tâche qu’il réalise seul ou en collaboration avec d’autres mâles. Le nid est construit sur une base de gravier fin ou de limon sablonneux en eau peu profonde. Lorsque le nid est prêt, la femelle y dépose de 2 000 à 26 000 œufs. Les mâles défendent le nid pendant les trois à cinq jours qui sont requis pour l’éclosion des œufs, après quoi ils tentent de persuader une autre femelle d’y déposer ses œufs.

Les mâles construisent leurs nids très près du rivage, si bien qu’il arrive parfois qu’ils se retrouvent prisonniers dans leur nid à la suite d’une baisse abrupte du niveau des eaux.

L’espèce peut se reproduire avec d’autres espèces de crapets, particulièrement avec le crapet arlequin.

Historique de l’introduction et principaux vecteurs de propagation

Le crapet vert s’est répandu largement à l’est et à l’ouest de son aire de répartition naturelle qui est située principalement dans le centre et le nord-est des États-Unis. Il s’est également propagé en Allemagne et au Québec. Il a également été introduit dans plusieurs pays d’Afrique, d’Asie et d’Europe et s’est établi dans certains pays. Le crapet vert s’est établi notamment en Chine, en Corée du Sud, en Mauritanie, en Afrique du Sud et en Zambie. Le stockage accidentel de crapets verts dans les cargaisons de bateaux, l’aquaculture, les appâts vivants et l’aquariophilie expliqueraient en majeure partie son introduction dans de nouveaux milieux. De plus, son hybridation avec d’autres espèces de crapets est un facteur qui facilite certainement sa propagation.

C’est à l’automne 2007, dans le cadre d’une pêche d’inventaire dans la rivière Yamaska à la hauteur de la municipalité de Saint-Césaire, en Montérégie, que des biologistes du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) ont fait cette découverte. Neuf crapets verts, dont deux femelles adultes et sept juvéniles, ont été rapportés dans les six stations situées dans le cours principal de la rivière et trois, dans un petit marais situé sur un bras secondaire de la rivière. La présence de l’espèce a été confirmée en 2009 et en 2010 alors que deux individus ont été capturés dans la rivière Yamaska chaque année.

Distribution connue

Ce crapet occupe naturellement la majeure portion du centre et du nord-est des États-Unis, à partir de la région des Grands Lacs jusqu’aux États qui bordent la côte du golfe du Mexique, ainsi que le nord-est du Mexique. L’espèce est largement introduite dans les autres régions des États-Unis et vit dans les États limitrophes du Québec comme l’État de New York où elle est indigène et le Maine où l’espèce a été introduite. Elle s’est établie dans la plupart des stations où elle a été introduite et est généralement une espèce commune, voire abondante dans les cours d’eau qu’elle fréquente.

Au Canada, l’espèce est présente naturellement en Ontario (Grands Lacs et baie d’Hudson). Au Québec, elle a été repérée dans la rivière Yamaska en 2007 et elle semble s’y maintenir depuis.

Impacts de son introduction

Le crapet vert entre en compétition avec certaines espèces de poissons indigènes qui partagent son habitat, en plus de jouer un rôle de prédateur. Sa bouche large lui permet de rivaliser avec de plus gros poissons pour capturer des proies, et pour se nourrir d’œufs ainsi que de jeunes d’autres poissons.

En Californie, il serait en partie responsable de l’extinction locale d’Hesperoleucus symmetricus (un cyprinidé). De plus, il rivalise férocement avec Archoplites interruptus (un crapet indigène), le chassant carrément des meilleurs habitats. Par conséquent, ce dernier doit se rabattre sur des habitats moins favorables où la pression de prédation est plus forte et où la nourriture se fait plus rare.

En outre, une étude réalisée dans la région du Piedmont, en Caroline du Nord, a permis de conclure que le crapet vert avait réduit les populations d’espèces indigènes et modifié la structure et les schémas de distribution des populations fréquentant les rivières de la région. Il aurait également réussi à y extirper deux espèces de cyprinidés.

Le crapet vert peut également nuire aux espèces indigènes en s’hybridant avec d’autres espèces de crapets, comme le crapet arlequin. Il fait également partie des espèces responsables du déclin de certaines populations d’amphibiens vivant en Californie et en Arizona.

Prévention et contrôle

Le Ministère sollicite l’aide des citoyens, car il est important de suivre l’évolution de cette espèce introduite. La sensibilisation du public est importante afin d’éviter l’introduction du crapet vert, puisqu’il altérera la qualité de la pêche aux espèces indigènes. Les méthodes de contrôle et d’éradication sont onéreuses, puisqu’il faut généralement éliminer tous les individus en utilisant des produits chimiques létaux pour les poissons tels que l’antimycine A.