Production de résineux issus de boutures
Le bouturage est un système de reproduction végétative. Depuis 1989, le programme de bouturage au Ministère permet d’obtenir plus de plants avec le même nombre de semences génétiquement améliorées ou d’embryons somatiques. Ce mode de reproduction permet la production massive d’arbres génétiquement supérieurs en croissance et en qualité. Toutefois, le coût de production de ces plants est plus élevé que celui des plants résineux de fortes dimensions en récipient (PFD) issus de semences. C’est pour cette raison qu’il est réservé uniquement aux semences hautement améliorées afin d’obtenir un retour sur l’investissement optimal.
Les pépinières forestières de Saint-Modeste, Berthier et Grandes-Piles sont en mesure de produire plus de 4 millions de plants issus de boutures par année. En 2017, près de 4 millions de plants issus de boutures ont été livrés (épinette blanche = 3 156 460, épinette noire = 322 090, épinette de Norvège = 57 000 et mélèzes hybrides = 623 720).
Selon les essences, différents scénarios de production sont utilisés. Quel que soit le scénario, la première étape consiste à cultiver des pieds mère à partir de semences génétiquement améliorées, issues de croisements dirigés entre des arbres supérieurs ou à partir de plants produits par embryogénèse somatique. Dans le cas du mélèze hybride (MEH), de l’épinette de Norvège (EPO) et de l’épinette noire (EPN), des tigelles seront prélevées une première fois sur ces pieds mère dès la fin de leur première saison de croissance, puis une deuxième fois à la fin de leur seconde saison de croissance. Dans le cas de l’épinette blanche (EPB), les tigelles seront prélevées seulement sur des plants de deux ans. Les tigelles sont toujours prélevées sur les branches latérales des plants de manière à garder la tige principale intacte et pouvoir utiliser les pieds mère comme plants de reboisement normaux. Une fois prélevées, les tigelles sont mises en terre pour qu’elles développent des racines. Après une ou deux saisons de croissance, les boutures racinées sont repiquées en récipients ou à racines nues pour produire des plants de fortes dimensions (PFD).
Dans le cas du MEH, les tigelles sont prélevées sur des plants 1+0 ou 2+0 en dormance, au mois de février. Sur deux ans, un même pied mère peut fournir jusqu’à 40 tigelles. La mise en terre suit immédiatement le prélèvement et est réalisée dans des récipients 113-25 (113 cavités de 25 cm3) ou 67-50 (67 cavités de 50 cm3). L’enracinement des boutures se fait ensuite en serres chauffées et éclairées, où le pourcentage d’humidité dans l’air est maintenu élevé. Les boutures racinées sont ensuite repiquées au printemps de l’année suivante pour produire des plants à racines nues ou en récipients.
Pour l’EPO, les boutures sont prélevées à l’automne précédent leur mise en terre sur des plants 1+0 ou 2+0 en dormance. Sur deux ans, un même pied mère d’EPO peut fournir jusqu’à 30 tigelles. Une fois prélevées, les boutures sont conservées en chambre froide pendant l’hiver, puis mises en terre en avril dans des récipients 67-50. L’enracinement des boutures se fait ensuite en serres. Les boutures racinées sont finalement repiquées au printemps de l’année suivante pour produire des plants à racines nues.
Pour l’EPN, le scénario de production de plants issus de boutures est semblable à celui de l’EPO, à la différence que les boutures sont mises en terre au début du mois de mai et que l’enracinement se fait dans des tunnels aménagés en double-enceinte, spécifiquement pour cette opération. Sur deux ans, un même pied mère d’EPN peut fournir jusqu’à 50 tigelles. Au printemps de l’année suivante, les boutures racinées sont repiquées pour produire des plants à racines nues ou des plants en récipients.
Pour l’EPB, les tigelles sont prélevées sur des pieds mère de deux ans cultivés sur la base de production de plants de type PFD en récipients. Le rendement en boutures de ces pieds mère est en moyenne de 12 tigelles chacun. Il existe deux catégories de tigelles selon qu’elles sont prélevées sur des plants encore en dormance, i.e. dont les bourgeons n’ont pas débourré (boutures dormantes), ou sur des plants qui ont commencé leur croissance (boutures turgescentes). Dans le cas d’un bouturage en dormance, les tigelles sont prélevées sur les pieds mère vers la fin du mois d’octobre. Elles passent l’hiver en chambre froide et sont mises en terre dans des récipients 67-50 à partir de la mi-mai. Dans le cas d’un bouturage en turgescence, les tigelles sont prélevées à partir de la mi-juin sur des pieds mère dont le débourrement a été forcé dans des tunnels à toile claire depuis la dernière semaine du mois d’avril. Elles sont mises en terre immédiatement après, dans des récipients 67-50. L’enracinement se fait ensuite dans des tunnels aménagés en double-enceinte. Les boutures racinées sont finalement extraites des cavités, mises en chambre froide et repiquées au printemps de l’année suivante pour produire des plants à racines nues ou des plants en récipients.
Pour toutes les essences, les pieds mère sont conservés un maximum de deux ans.
Les étapes du bouturage
Les boutures d’une longueur optimale de 5 à 6 cm sont prélevées manuellement à l’aide de ciseaux (photos a et b). Les pousses trop courtes sont laissées sur les pieds mère pour continuer leur croissance.
Les boutures sont placées dans un récipient de type 113-25 (113 cavités de 25 cm3) ou 67-50 (67 cavités de 50 cm3) contenant un substrat de tourbe et perlite (photos e et f). Au préalable, chaque récipient est humidifié (photo c), et des trous sont préformés dans les cavités (photo d).
Les boutures sont ensuite placées dans des serres ou dans des tunnels aménagés en double-enceinte, fermés hermétiquement (photos g et h). Les apports d’eau, faits par un robot pulvérisateur et une ligne de brumisation, sont contrôlés selon la température et l’humidité relative mesurées dans chaque enceinte, de manière à maintenir le déficit de pression de vapeur en deçà de 0,5 kPa les trois premières semaines suivant la mise en terre des boutures, puis en deçà de 0,7 kPa les 11 semaines suivantes.
Après 14 semaines, 80 à 90 % des boutures d’EPO et d’EPB auront développé des racines. Le taux d’enracinement des boutures de MEH sera de l’ordre de 70 %. Après une période d’acclimatation, les récipients sont déposés au sol et passent l’hiver sous la neige. Le repiquage à racines nues ou en récipients (PFD) a lieu le printemps suivant. Les plants issus de boutures sont livrés au reboisement deux ans plus tard.
Des essais de bouturage avec des boutures mises en terre dans des mottes préformées de faible volume (20cc) sont en cours. Ils pourraient mener à des modifications des scénarios actuels, notamment en ouvrant la voie à un repiquage mécanisé.
Les étapes du bouturage de l’épinette blanche dans les doubles enceintes de la pépinière de Saint-Modeste :