Pleins feux sur… l’Halloween et les « vivants morts »
Je te rassure, tu n’as pas la berlue. Loin de moi l’intention de te parler de zombies ou de morts-vivants. Je veux plutôt te parler des « vivants morts » ou plutôt des êtres vivants qui font semblant d’être morts. Faire le mort peut être une stratégie très utile pour rester vivant. Dit comme ça, cela peut paraître étrange, mais laisse-moi t’expliquer comment cela est possible.
Un marsupial en Amérique!
Tout d’abord, il importe de faire les présentations. Je suis un opossum d’Amérique (Didelphis virginiana), parfois aussi appelé opossum de Virginie. Certains diront de moi que je ressemble à un gros rat poilu, mais je n’ai absolument rien à voir avec les rongeurs. En fait, je suis un marsupial, comme les kangourous et les koalas. À la naissance, mon fœtus n’est pas complètement formé. L’embryon ainsi né doit terminer son développement dans la poche ventrale de la femelle, caractéristique de ce groupe. Je suis le seul marsupial vivant en Amérique du Nord.
Je suis bien établi dans le sud du Québec depuis le début des années 2000. Ma répartition géographique est grandement dépendante de la rigueur des hivers québécois. En résumé, je n’aime pas me geler les pattes ni les oreilles. Celles-ci sont dépourvues de poils et donc peu adaptées au climat nordique. Les hivers moins rigoureux me permettent malgré tout d’élargir ma répartition un peu plus au nord.
Grâce à mes pattes postérieures qui sont munies d’un pouce opposable, je suis un excellent grimpeur. Mais cela fait de moi un marcheur malhabile et un mauvais coureur. Mes principaux prédateurs sont les chiens, le coyote (Canis latrans), le renard roux (Vulpes vulpes), le grand-duc d’Amérique (Bubo virginianus) et le lynx roux (Lynx rufus). Lorsqu’un de ceux-ci repère ma présence et entreprend sa chasse, la fuite est rarement une bonne stratégie pour moi. J’opte pour une technique de défense plutôt inattendue : je fais le mort. Étrange, n’est-ce pas?
Comment faire le mort
Faire le mort peut décourager un prédateur d’attaquer une proie. En effet, beaucoup d’animaux ne mangent pas de cadavre, évitant ainsi d’ingérer des toxines produites par la décomposition de la chair. La plupart des prédateurs vont préférer s’en prendre à une proie vivante pour s’assurer qu’il s’agit bien de viande fraîche. Simuler la mort, c’est donc se rendre peu appétissant et inintéressant pour les prédateurs. Mais il ne s’agit pas seulement de rester immobile pendant un certain temps, la fausse mort doit être réaliste.
Dans mon cas, la supercherie est complète. Je suis un spécialiste dans ce domaine. Couché sur le côté avec la bouche ouverte et la langue sortie, je reste totalement immobile. Afin de tromper même les plus attentifs, j’abaisse mon rythme cardiaque et je diminue ma respiration (diminution jusqu’à 30 % moins de respirations par minute). Les membres raides et les yeux ouverts, il m’arrive aussi de sécréter un liquide malodorant. Mon assaillant est d’abord surpris. Par la suite, il est complètement trompé et me croit mort, ce qui diminue grandement la possibilité d’une nouvelle attaque de sa part. L’odeur de pourriture que je dégage, semblable à celle d’un cadavre en décomposition, a de quoi désintéresser le plus affamé des carnivores.
Cette stratégie n’est pas infaillible, mais elle est quand même efficace. Une fois le prédateur éloigné, mieux vaut ne pas traîner longtemps sur place. Le temps de reprendre mes esprits et je cours me mettre à l’abri.
Simuler la mort est une stratégie de défense qui n’est pas beaucoup connue des scientifiques et qui fait toujours l’objet de plusieurs recherches. C’est que je ne suis pas le seul à utiliser cette technique. Il y a beaucoup d’autres exemples dans le monde animal partout sur la planète. On trouve ce comportement chez certaines espèces d’oiseaux, de reptiles, d’amphibiens, de poissons, d’insectes et autres invertébrés.
Alors, pourquoi ne pas profiter de l’Halloween pour te déguiser en opossum et prendre ton rôle de « vivant mort » au sérieux? Ça serait original et complètement différent des morts-vivants (un être mort qui continue de s’animer). Tu serais donc un être bien vivant qui fait le mort, un « vivant mort » quoi!
Et si tu croises un opossum d’Amérique lors d’une balade nocturne, ne sois pas dupe. J’ai peut-être l’air mort, mais je suis en fait bien vivant.
Il paraît que…
- Cet état de mort apparente est appelé immobilité tonique ou thanatose. Cette simulation de la mort peut être volontaire ou non chez l’animal.
- Thanatose vient du grec thanatos qui signifie mort. Peut-être que le mot thanatologue ou thanatologie te dit quelque chose?
- L’opossum d’Amérique est un animal à déclaration obligatoire au Québec. Si tu trouves un opossum mort ou blessé, tu dois le déclarer à SOS Braconnage – Urgence faune sauvage.