Pleins feux sur… la pêche à l’omble moulac
Connais-tu l’omble moulac? Il s’agit d’un poisson créé de toutes pièces par l’humain. En effet, les biologistes ont eu recours à l’hybridationHybridation : croisement naturel ou artificiel de deux individus (plantes ou animaux) d’espèces, de races ou de variétés différentes. afin de créer cette nouvelle espèce. Ils ont croisé un mâle et une femelle d’espèces différentes. Devine quelles sont les deux espèces à l’origine de cet hybrideHybride : individu résultant du croisement entre parents génétiquement différents; appartenant soit à la même espèce, soit à des espèces ou même des genres différents.. Voici un indice : les deux parents sont de la famille des salmonidés. Les informations qui suivent vont sûrement te donner le goût d’aller taquiner ce poisson cet été.
L’omble moulac, un nom de poisson qui s’explique
Moulac… « mou » fait référence à la truite MOUchetée (omble de fontaine, Salvelinus fontinalis) et « lac » renvoie à truite de LAC (Salvelinus namaycush), un autre nom du touladi. La femelle est donc une truite mouchetée et le mâle un touladi. Ce nom a été proposé vers 1950 par Vianney Legendre, un éminent biologiste spécialiste des poissons. À cette époque, la pisciculturePisciculture : un établissement dans lequel les techniques de production et d’élevage des poissons sont utilisées. de Baldwin, dans la région de l’Estrie, produisait déjà cet hybride.
Depuis ce jour, son utilisation est très répandue en Amérique du Nord. Plus de 2 millions d’individus sont ensemencés dans les lacs chaque année, dont plus de 800 000 uniquement en Ontario. Dans les Grands Lacs, le touladi, si recherché par les pêcheurs, est l’une des victimes d’un parasite externe, la lamproie marine (Petromyzon marinus). Ce vampire des eaux qui vient de l’Atlantique s’accroche avec sa bouche en forme de ventouse, racle la peau et suce le sang des poissons. L’introduction d’un nouveau poisson, l’omble lacmou, a permis de poursuivre la pêche dans les Grands Lacs malgré tout.
Oui, oui, tu as bien lu. En Ontario, on produit de l’omble lacmou et au Québec de l’omble moulac. Quelle est la différence? Pour obtenir un omble lacmou les biologistes utilisent des œufs provenant d’une femelle touladi et les fécondent avec la semence d’un mâle de truite mouchetée.
Lacmou et moulac se ressemblent comme deux gouttes d’eau, il est très difficile de les distinguer l’un de l’autre. Au Québec, on a choisi de produire de l’omble moulac car il est plus facile d’avoir des œufs de truite mouchetée. Peu importe, ces hybrides sont des « super poissons » dans bien des cas! Allons découvrir l’omble moulac.
L’omble moulac est un « super poisson »
C’est un « super poisson » car il a une courbe de croissance phénoménale. Il grandit plus vite que ses deux parents ne le font. Il s’agit de la vigueur hydrideVigueur hybride : augmentation de la vigueur d’un hybride comparativement à celle des deux parents. La vigueur peut se manifester par des caractères mesurables tels la longueur, la survie, la résistance, la fructification, etc. Par exemple : taille du parent A=60 cm, taille du parent B=50 cm; taille du descendant de A et de B=65 cm.. À 2 ans, il est aussi grand et gros qu’une truite mouchetée de 5 ans!
C’est un « super prédateur ». L’omble moulac est piscivore. Il tient cela de son père, le touladi. Jeune, il se nourrit d’insectes aquatiques et terrestres, puis vers l’âge de 2 ans sa diète change. Il s’attaque alors aux poissons, tels la perchaude (Perca flavescens), les « ménés » ou l’éperlan arc-en-ciel (Osmerus mordax). Il mange aussi des sangsues, des écrevisses, des grenouilles et des salamandres.
C’est aussi un « super reproducteur ». Il a hérité des habitudes amoureuses de ses deux parents. Son père touladi est actif la nuit alors que sa mère truite mouchetée préfère le jour. Qu’à cela ne tienne, l’omble lacmou fait la cour de jour comme de nuit, de la mi-octobre à la mi-novembre.
Généralement, les hybrides sont stériles, ils ne peuvent pas se reproduire. Dans le cas des ombles moulac/lacmou, rien de tel. Ces hybrides sont fertiles et sont donc en mesure de se reproduire entre eux. L‘omble moulac pourrait aussi choisir des poissons de la même espèce que ses parents (truite mouchetée et touladi). Pour en avoir le cœur net, les biologistes du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs ont installé des émetteurs sur des ombles moulac dans certains lacs de la Réserve faunique de Portneuf. Ils ont suivi les déplacements des poissons vers les sites de reproduction. Qui était au rendez-vous? Les ombles moulac et les truites mouchetées (ombles de fontaine) se sont reproduits.
Comment pêcher l’omble moulac, ce « super poisson »?
Rappelle-toi que cet hybride est issu de parents qui n’aiment pas l’eau chaude. Ensuite, tout dépend du moment de l’année où tu iras pêcher. Au printemps et à l’automne, la température de l’eau est plus fraîche, il pourrait être un peu partout… Opportuniste, l’omble moulac sait profiter des arrivées soudaines d’insectes aquatiques. En début de saison, la pêche à la mouche peut être une excellente idée.
À partir du mois de juin, l’omble moulac se déplacera dans le métalimnion. En été, dans un lac d’une bonne profondeur, on trouve trois zones distinctes de température. La couche supérieure du lac se nomme épilimnion. La température de l’eau y est la plus chaude (20 ºC). À mesure que la profondeur augmente, entre 5 et 8 mètres, la température baisse et passe de 18 à 6 ºC; c’est le métalimnion ou thermocline. Finalement, on atteint l’hypolimnion, la troisième couche la plus profonde et la plus froide. La température de l’eau s’y maintient généralement à 4 ºC jusqu’au fond. Tu sais maintenant pourquoi il occupe le métalimnion en été. Cette fois, tu augmenteras tes chances en pêchant plus en profondeur et en employant des leurres qui imitent des poissons nageurs.
Peu importe où tu iras pêcher, tu dois connaître les principales règles de pêche sportive et respecter la règlementation en vigueur. Il est primordial de faire la différence entre l’omble moulac et la truite mouchetée, car la limite de prise de ces deux espèces n’est pas la même. De plus, on ne fait pas de distinction au Québec entre les deux types d’hybrides (omble moulac et omble lacmou) et ils font partie du même groupe d’espèces que le touladi.
Mais, surtout, assure-toi de profiter à plein de ces moments de plaisir dans la nature. Bonne pêche!
Il paraît que…
- En Ontario, le terme anglais SPLAKE TROUT, dérivé de « speckle trout » et « lake trout », sert à désigner les deux types d’hybrides (Moulac et Lacmou). Certains le nomment aussi wendigo.
- Un wendigo est un esprit qui, selon les Algonquiens, s’empare des personnes et les pousse à adopter divers comportements antisociaux, dont le plus frappant est le cannibalisme. Le plus grand risque survient lorsqu’on est isolé dans les bois.
- Un omble lacmou âgé de 20 ans et pesant 8,6 kg a déjà été retrouvé dans la rivière Caniapiscau au Québec.