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Ours noir. © Neal Herbert, National Parks Gallery.

Pleins feux sur… la recherche et l’ours noir

Ours noir. © Sarah Sherman Quirion.

As-tu déjà vu un ours noir dans la forêt? D’après toi, combien d’ours noirs (Ursus americanus) avons-nous au Québec? Pourquoi est-ce important de connaître ce nombre? Comment fait-on le dénombrement? Contrairement au cerf de Virginie (Odocoileus virginianus) et à l’orignal (Alces alces), on ne peut réaliser d’inventaire aérien pour l’ours noir. Les responsables de la gestion de la faune utilisent une méthode fort ingénieuse, qui tombe pile-poil!

Quelle est donc cette méthode d’inventaire qui tombe pile-poil? Il s’agit de la méthode de capture-marquage-recapture (CMR) avec reconnaissance individuelle par génotypage des poils. Ouf! C’est une expression à faire dresser les poils sur les bras, mais en fait ce n’est pas si compliqué!

Le nom le dit, il faut capturer un certain nombre d’ours, les marquer, les relâcher, les capturer à nouveau. On recueille les données et on évalue la proportion d’individus marqués ce qui nous permettra d’estimer le nombre d’ours dans la population.

Mais, cette fois, plutôt que de les capturer en chair et en os, on prélève leurs poils! Génotypage devrait te faire penser à génétique, à gènes, à ADN…

Ours noir dont les poils s’accrochent dans les fils barbelés. © MELCCFP.

Tout comme chaque être humain, chaque ours est unique et ses poils contiennent de l’ADN! Les poils contiennent suffisamment d’ADN pour distinguer les individus, chaque amas de poils devenant la signature du passage d’un ours. En analysant les poils laissés par les ours, on peut savoir si le même ours est revenu ou s’il s’agit tous d’ours différents qui sont passés par là.

Comment obtient-on ces poils? Les ours sont attirés en un endroit précis, à l’aide de leurres principalement olfactifs et ils doivent passer entre des fils barbelés pour y accéder. Des poils de leur épaisse fourrure restent alors accrochés dans les barbelés! On n’utilise pas de gros panier de pique-nique comme dans le dessin animé de Yogi l’ours! Il ne faut pas habituer l’ours à une trop grande quantité de nourriture pour ne pas le conditionner. Il pourrait prendre l’habitude de revenir sur les lieux et la méthode d’inventaire serait faussée.

Préparation au bureau

Carte des parcelles et des stations d’étude. © MELCCFP.

Tout débute dans les bureaux de l’équipe. Il faut préparer la sortie! On sort les cartes topographiques de l’aire d’étude. Selon la superficie du territoire à étudier, on détermine le nombre de parcelles. Les parcelles, ce sont les espaces qui seront utilisés pour réaliser l’inventaire. Par exemple, pour un territoire de 700 km2, on aura 100 parcelles de 2,25 km2. Dans chacune de ces parcelles, on établit une station pour la collecte des poils. Sur la carte, cette station est placée en fonction des chemins disponibles. Voilà pour la théorie!

Installation sur le terrain

Les équipes ont préparé le matériel nécessaire et la liste est longue! L’expédition peut commencer! On se rend sur les lieux en camion, on cherche les chemins forestiers pour accéder aux parcelles. Une fois sur place, on tente de trouver un terrain relativement plat et de trois à six arbres sur lesquels les fils barbelés peuvent être attachés. Pourquoi un terrain plat? Pour empêcher les ours de passer sous ou par-dessus les fils barbelés.  

Pour installer l’enclos de barbelés, quelques précautions s’imposent. Il faut penser sécurité d’abord, alors pour manipuler les barbelés, on porte des lunettes de protection.

Installation d’une station d’échantillonnage. © MELCCFP.

La station a une circonférence d’environ 25 m. Deux fils barbelés sont tendus et ancrés à des arbres. Le premier fil est installé à 65-70 cm du sol et le deuxième, à 35-40 cm. On dégage les obstacles sous la broche, on coupe la végétation.

Affiche « Attention! ». © MELCCFP.

Sur un arbre au centre de la parcelle, le plus haut possible, on fixe une boîte de sardines légèrement entrouverte qui dégagera de l’odeur. Les arbres sont également vaporisés d’huile de poisson. Les ours en raffolent!

À certaines stations, on installe également une caméra de surveillance afin de croquer sur le vif les visites des ours ou d’autres espèces.

Avant que nous quittions les lieux, la station est marquée avec un ruban forestier. Une pancarte qui signale le projet en cours est installée. Toutes ces opérations seront répétées 100 fois par les équipes sur le terrain!

Visite des stations

Collecte de poils d’ours noir. © MELCCFP.

Chaque station est visitée à intervalle régulier (environ tous les sept jours) pendant cinq semaines consécutives, beau temps mauvais temps. On se rend sur les lieux en faisant du bruit pour signaler notre arrivée, car un ours pourrait bien être encore dans les parages!

Une fois sur les lieux, que fait-on? On examine attentivement chacune des pointes des fils barbelés à la recherche de poils. On prélève les poils avec les mains ou des pinces à sourcils. Pour les récupérer, on porte des gants de latex pour éviter de contaminer l’échantillon.

On compte les poils et, avec une loupe, on vérifie qu’il y a bien une racine dans chaque échantillon de poils. C’est dans cette partie du poil que la concentration d’ADN est la plus élevée. Les poils sont déposés dans une enveloppe de papier, car ils doivent être les plus secs possibles. Il faut aussi éviter de les exposer à une chaleur intense pour éviter la dégradation de l’ADN.

Torche utilisée pour brûler les barbelés et les pinces afin de faire disparaître toute trace de poils avant la récolte d’autres échantillons. © MELCCFP.

Une fois tous les poils récupérés, on sort le chalumeau pour brûler les fils barbelés et la pointe des pinces à sourcils. Cette étape permet de faire disparaître toutes traces de poil restantes et ainsi d’empêcher la contamination de futurs échantillons.

Une fois arrivés au campement le soir, les biologistes doivent poursuivre le séchage des échantillons de poils en laissant les enveloppes dans un endroit où l’air circule librement.

À la dernière visite, en plus du travail habituel pour récupérer les poils, il faut ramasser tout le matériel afin de laisser l’endroit à l’état naturel!

Analyse

De retour au bureau, on range le matériel. On attend les résultats d’analyse pour les échantillons de poils qui ont été envoyés au laboratoire. Puis, on procède aux analyses statistiques qui nous permettront finalement de connaître l’estimation de la population d’ours noir.

Qu’est-ce que la gestion de la faune?

Ours noir. © Frédérick Lelièvre.

La gestion de la faune, ça veut dire quoi? Tout d’abord, le ministère responsable de la faune est le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs. Il a une double mission complémentaire. Il doit s’assurer de conserver les diverses espèces animales et leurs habitats. L’ours noir en fait partie, tout comme les 846 espèces de la faune vertébrée du Québec!

Le Ministère veille également à la mise en valeur de certaines espèces. En d’autres mots, il autorise et réglemente les activités de chasse, de piégeage et de pêche. L’ours noir a un double statut, c’est-à-dire qu’il est à la fois considéré comme un gros gibier (on peut le chasser) et un animal à fourrure (on peut le piéger).

La gestion se déroule grosso modo en quatre temps : connaître, analyser, orienter et intervenir.

Connaître

Afin de déterminer le nombre d’ours qu’il est possible de chasser et de piéger pour assurer un contrôle des populations sans pour autant nuire à l’espèce, on doit se baser sur des données les plus précises possibles. Il faut donc obtenir des informations sur l’espèce. Les chasseurs et piégeurs, en déclarant leurs prises, fournissent des renseignements essentiels à la gestion. Ils peuvent aussi soumettre une dent provenant de leur ours afin que les biologistes l’analysent et connaissent l’âge des animaux. Les biologistes réalisent aussi des inventaires pour estimer les densités et la taille des populations et mènent aussi des projets de recherche pour augmenter les connaissances sur l’espèce.

Analyser

Action en quatre temps.

Les données obtenues (nombre d’ours abattus, nombre d’ours capturés au piégeage, sexe des ours, nombre d’ours par 10 km2, indicateurs liés à l’âge des ours, etc.) sont ensuite analysées pour chacune des zones de chasse. Des logiciels de simulation peuvent aussi être utilisés pour estimer les densités de population dans le temps, des graphiques sont élaborés, etc.

Orienter

C’est l’étape de la rédaction du plan de gestion. On établit des orientations et des objectifs de récolte et de population. On détermine si on doit augmenter, diminuer ou stabiliser le nombre d’ours capturés pour chacune des zones de chasse.

Intervenir

C’est le moment de mettre en application les objectifs du plan de gestion dans chacune des zones. Des modifications de la réglementation peuvent être apportées (durée des saisons de chasse et de piégeage). Les agents et agentes de protection de la faune veillent à l’application des règles.

Il paraît que…

  • On estime la population d’ours à un peu plus de 70 000 bêtes.
  • La densité d’ours noirs peut atteindre près de 4 bêtes/10 km2 dans certains secteurs propices. Les densités moyennes sont plutôt de l’ordre de 1,5 à 2 bêtes/10 km2.
  • Certains ours sont trappophiles ou « trap happy ». Ils aiment revenir se faire prendre dans les pièges à la suite de la première capture. L’utilisation des leurres principalement olfactifs évite ce genre de comportement.

Pour en savoir plus…

Ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP)