Accueil de la section Jeunesse
Sanglier. © Nathalie Hausser.

Pleins feux sur… une espèce exotique potentiellement envahissante, le sanglier

Quand l’appétit va, tout va! Ce sont les paroles d’une célèbre chanson fredonnée par Obélix. Tu connais sans doute son appétit insatiable! La chasse aux sangliers et aux Romains est l’une de ses activités favorites. Au Québec, heureusement il n’y a pas de Gaulois! Ici, je suis un animal d’élevage. Je suis considéré comme une espèce exotique, potentiellement envahissante, si je m’échappe de l’enclos. 

Laissez-moi me présenter…

Sanglier. © Jerzy Strzelecki.

Je suis un mammifère au corps trapu de forme ovale recouvert d’une épaisse fourrure. La peau qui recouvre mes épaules et l’avant de ma cage thoracique est très épaisse. Elle peut atteindre trois centimètres d’épaisseur. Comme une armure, elle me protège lors des combats.

Ma tête est assez grosse et elle est prolongée d’un groin très allongé appelé butoir. Mes canines sont particulièrement développées : celles de la mâchoire supérieure, les grès, se recourbent vers le haut durant la croissance qui est continue. Les canines inférieures se nomment les défenses. Chaque fois que je mastique, mes défenses s’usent sur les grès tout comme une lame sur une pierre à polir. J’ai donc les dents bien affûtées!

Empreinte d’un sanglier. © ACRW.

Je possède quatre doigts aux pattes, je suis donc du groupe des artiodactyles. Tout comme le cerf de Virginie (Odocoileus virginianus), j’ai des sabots. Les deux doigts principaux, centraux, sont appelés des pinces. Ils sont plus ouverts que chez le cerf. Les deux doigts postérieurs, atrophiés, se nomment les gardes. Les gardes laissent une trace sous les pinces et les débordent largement. Des glandes situées entre les doigts et sur les pattes avant laissent des odeurs aux autres sangliers pour communiquer entre eux.

Outre les odeurs, j’émets différents sons pour exprimer mes humeurs. Je grommelle, je grumelle, je nasille et plus encore. Chaque femelle a un timbre particulier auquel sont sensibles les petits. En cas d’alerte, on dit que je « casse des noisettes », une expression utilisée par les chasseurs de la France. Il s’agit du claquement de mes dents, j’hérisse mon poil et je lève la queue en signe d’alarme. Gare à vous!

Une laie (femelle sanglier) et ses marcassins.

Les femelles sont appelées des laies. Elles vivent en groupes appelés des compagnies. Un groupe est formé d’une mère avec les petits des deux dernières portées : les jeunes de l’année, les marcassins, et les roux. Une fois adultes, les mâles seront plutôt solitaires. Les petits naissent dans un chaudron! C’est le nom donné au nid composé de feuilles, d’herbes séchées, de branchages et de terre. Les nouveau-nés de 700 grammes font à peine 25 centimètres de long. Ils sont cependant vite dégourdis.

Le marcassin possède des rayures de brun foncé à noir, parallèles, allant de la tête à la queue sur un fond fauve à gris clair. Vers l’âge de 4 à 6 mois, il perd ses rayures et prend une coloration rousse. Ce sont les roux.

L’automne venu je me couvre d’un sous-poil épais qui me protègera du froid. Ma queue moyennement longue (25 à 30 cm) se termine par une touffe de poils en forme de pinceau.

Un bon bain de boue

Souille de sangliers. © USDA-APHIS.

Si je me vautre dans les bains de boue et d’eau, c’est parce que je n’ai pas de glande sudoripare. Je ne transpire pas. Pour réguler ma température, je dois donc fréquenter régulièrement une souille, c’est le nom de ma baignoire. Je vais ensuite me frotter sur un arbre, un conifère de préférence, qui devient mon frottoir. Les plaques de boue que je laisse sur l’écorce se nomment des houzures. La hauteur des houzures permet de juger de la taille de l’animal. Une fois sorti du bain et terminé la séance de frottage, je vais me reposer dans mon abri, une bauge, qui est pourvue d’une sortie de secours. Bien à l’abri des regards, je m’installe pour dormir.

Abri ou bauge. © Marc Hébert.

Frottage sur un tronc d’arbre par un sanglier. © USDA-APHIS.

 

À table!

Je suis nocturne, je sors donc la nuit pour me nourrir. Omnivore, je mange un peu de tout : maïs, glands, samares d’érables, champignons, petits mammifères tels que souris, taupes, levrauts (bébés lièvres), animaux morts, mais surtout des vers de terre. Je peux parcourir de grandes distances pour me nourrir, de trente à quarante kilomètres en une nuit. J’ai besoin d’espace : le domaine vital d’un mâle varie de 15 à 100 kilomètres carrés.

Je fais partie de la famille des Suidés qui compte seize espèces, dont le porc domestique ou cochon qui est la forme domestique du sanglier. Mon nom scientifique est Sus scrofa. Je suis originaire de l’Europe et de l’Asie. Ma présence ailleurs est le résultat de l’introduction pour l’élevage et la chasse qui se déroule dans des fermes à gibier, en enclos. Comme je suis un petit futé, je réussis parfois à m’échapper et à survivre en milieu naturel. Mon appétit pour le maïs et mon habitude de retourner le sol font de moi un indésirable dans plusieurs milieux. Qu’en est-il vraiment?

Envahissant et perturbateur chez nos voisins du sud

Dommage aux cultures. © USDA-APHIS.

Aux États-Unis, le département de l’agriculture a mis sur pied un programme de gestion du sanglier. Nous sommes plus de 5 millions d’individus dans 39 États américains, principalement au Texas. Je cause des dommages en agriculture évalués à plus de 1,5 milliard de dollars par année. Je détruis les récoltes de maïs et autres céréales, je perturbe les sols de ces terres cultivées. Je permets alors aux plantes envahissantes de venir s’y installer. Je modifie les milieux. Je contamine les plans d’eau et je les transforme en y creusant des souilles.

Je m’attaque aux nouveau-nés des troupeaux de moutons. J’entre aussi en compétition avec les espèces indigènes dans les marais de la Louisiane, par exemple. Je suis un danger supplémentaire pour certaines espèces de tortues. Je peux devenir une menace à la sécurité publique lorsque je m’approche des habitations, et je provoque aussi des accidents de la route. Je suis également porteur de plusieurs parasites et maladies qui peuvent se transmettre au bétail, en particulier au porc domestique, aux animaux sauvages et aux humains.

Dommage aux pelouses. © USDA-APHIS.

Le programme mis en place consiste à éliminer et à réduire les groupes de sangliers. La chasse au sol et par voie aérienne est utilisée, et des pièges de capture sont installés. Des projets de recherche sont en cours pour trouver les méthodes les plus efficaces pour freiner mon expansion.

Toutefois, nous sommes très intelligents et nous apprenons à déjouer les pièges et à échapper aux chasseurs. Comme nous sommes nocturnes, il est très difficile de nous trouver. Au Nouveau-Mexique, on utilise la technique du « sanglier Judas ». Il s’agit d’abattre tous les sangliers d’un groupe qui a été capturé, tous sauf une femelle adulte. On lui installe un émetteur radio. Comme elle cherchera à joindre d’autres congénères, elle conduira les chasseurs vers eux…

Ma situation au Canada

Appâtage de sangliers. © USDA-APHIS.

Au Canada, je suis dans les provinces des prairies. J’ai été introduit là-bas pour diversifier la production agricole et offrir de la chasse en enclos, dans les années 80. Mais tous les éleveurs n’ont pas réussi et des sangliers se sont échappés. Je me suis bien adapté au climat contrairement à ce que l’on aurait pu croire. Les laies peuvent donner deux portées par année, et comme je n’ai pas beaucoup de prédateurs, je me suis multiplié!

Depuis 2000, la Saskatchewan me considère comme une espèce nuisible. Depuis, il y a un programme de prime pour l’abattage. Des hivers très rigoureux ont fait baisser ma population à un peu moins de mille individus. Au Manitoba, la chasse est permise toute l’année: nous sommes environ une centaine dans cette province.

On en pense quoi au Québec?

Au Québec, je n’ai pas cette mauvaise réputation. Je suis un animal d’élevage. Selon les données du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ), on dénombre environ une cinquantaine d’éleveurs de sangliers ayant plus de cinq femelles en production. Plusieurs sont regroupés dans l’Association des producteurs de sangliers du Québec (APSQ).

Capture de sangliers. © USDA-APHIS.

Toutefois, si des sangliers en provenance des États-Unis atteignaient le Québec ou si les plus rusés parvenaient à s’échapper des fermes d’élevage, les choses pourraient changer. Des sangliers ont été observés en milieu naturel, mais ce sont des cas isolés. Les biologistes du Ministère sont aux aguets. Ils déploient beaucoup d’efforts pour que les sangliers observés soient rapidement retirés du milieu naturel. La rapidité des interventions évite que des populations sauvages de sangliers s’implantent au Québec.

Et maintenant, pour terminer, la question qui tue : avec les changements climatiques, est-ce qu’un réchauffement de la température, qui favoriserait un moins grand couvert de neige et un meilleur accès à la nourriture trouvée au sol, permettrait un meilleur taux de survie des sangliers? L’avenir nous le dira.

Pour le moment, avez-vous pensé à un méchoui en famille cet été? Mmmm! Le sanglier, c’est tellement bon! Quand l’appétit va, tout va!

Il paraît que…

  • Le sanglichon est issu du croisement entre un mâle de sanglier et une truie.
  • Le cochonglier est issu du croisement entre un porc mâle et une laie (femelle de sanglier).
  • Les adultes font de 153 à 240 cm de longueur et leur poids varie de 66 à 272 kg.

Pour en savoir plus…

Association des producteurs de sangliers du Québec (APSQ)

Ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP)

Conservation de la nature Canada

USDA – National Invasive Species Information Center