Pleins feux sur… l’hiver et l’ours noir
L’ours noir (Ursus americanus), un hibernant?
Contrairement à la croyance populaire, je ne suis pas un véritable hibernant. J’entre plutôt dans un état de torpeur. Je repose dans une sorte de léthargie, mais je peux me réveiller à tout moment, si je suis dérangé. Durant près de six mois, je ne mange pas, je ne bois pas, je n’urine pas et je ne défèque pas non plus. La température de mon corps s’abaisse légèrement pour se maintenir entre 31 et 35 ºC alors que le reste de l’année, elle varie de 37 à 38 ºC. Phénomène extraordinaire, je donne naissance à mes petits dans la tanière, durant l’hiver. Ils sont minuscules et pèsent à peine 300 grammes, un peu moins qu’une livre de beurre! Quel est mon secret pour réussir à passer l’hiver dans cet état?
Manger, manger et encore manger!
Ma stratégie est bien simple, j’engraisse. Je m’empiffre, je me gave, une véritable goinfre! Je suis omnivore. Au menu, il y a des herbes, des fraises, des framboises, des bleuets, des glands, des faînes, ah je raffole des noix! Tu as peut-être déjà vu les traces de mes griffes sur l’écorce du hêtre.
Je mange aussi des insectes, j’aime bien les fourmis que je trouve dans les souches et les troncs. Je ne suis pas une fine gueule, je rôde parfois dans les dépotoirs. Si je peux avoir accès à des champs de maïs, je serai plus grasse que mes semblables qui se seront contentées de nourriture sauvage. De plus, j’aurai la chance de donner naissance à plus d’oursons. Chez les ours, le poids santé, c’est le poids maximum! Durant cette période intensive, je prends environ 10 kg par semaine!
De mai à septembre, j’ai besoin de 5 000 à 8 000 kilocalories/jour. De l’automne jusqu’à l’entrée en hivernation en novembre, mes besoins grimpent de 8 000 à 20 000 kilocalories/jour. Pour maintenir mon métabolisme de base et me reproduire, j’utilise les graisses comme carburant. Ces réserves adipeuses me fournissent la majeure partie de mon énergie durant l’hiver. Le reste de mon énergie provient de la dégradation des protéines. Mon corps possède une excellente capacité à transformer les sucres en graisses. Au cours de l’hiver, je puise donc mon énergie dans mes réserves de graisse. J’aurai perdu environ 25 % de mon poids à la sortie de la tanière. Plus j’ai de jeunes avec moi, plus je maigris.
La tanière, ma chaumière!
Être grasse c’est une chose, il faut ensuite que je m’assure de maintenir la température de mon corps. D’après toi, qu’est-ce qui peut bien faire varier la température d’un ours au cours de son repos hivernal? Deux facteurs : la température à l’intérieur de la tanière et le dérangement. La qualité de la tanière est donc très importante.
La tanière me permet de conserver ma chaleur et mon énergie. Elle doit être juste assez grande pour que je puisse lever la tête et me retourner sur moi-même. La grandeur de la chambre d’une tanière varie selon le poids de l’ours. Comme nous sommes généralement plus petites que les mâles, nos tanières sont de dimensions réduites par rapport à celles des mâles. En plus de m’isoler du froid, la tanière me protège des inondations au printemps, des prédateurs comme le loup (Canis lupus) et les ours mâles ainsi que du dérangement causé par les humains.
Certains chercheurs pensent que les tanières ne sont pas toutes égales sur le plan de l’isolation thermique. Les tanières creusées ou celles se trouvant dans des cavités (arbres creux, cavernes, cabanes de castor) possèdent les meilleures qualités isolantes. Les tanières aménagées sous des amas de matière végétale ou encore les nids posés directement au sol sont moins performantes. Par contre, s’il y a une épaisseur de neige importante leur degré d’isolation augmente.
Qui sont les as de la construction, les femelles ou les mâles? De façon générale, les tanières construites par des femelles, surtout celles qui sont gestantes, sont plus élaborées (ex. : tanières creusées, troncs d’arbre) et offrent une meilleure protection que celles construites par les mâles. Ceux-ci utilisent plutôt les amas de branches, les troncs d’arbre renversés et les nids.
Une étude scientifique sur les tanières
Une étude de trois ans a été menée dans l’Outaouais. Des femelles adultes ont été capturées, pesées et munies de colliers émetteurs. Les biologistes ont ensuite localisé ces femelles dans leurs tanières et leur ont rendu visite en février et mars! Après avoir immobilisé les bêtes à l’aide de tranquillisants, ils ont pris diverses mesures : le poids des oursons, le poids de la mère, la température du corps, la longueur totale, la taille des pattes, etc. Ils en ont profité aussi pour recueillir de l’information sur les tanières. Ils ont appris que…
Une tanière typique possède une ouverture moyenne de 51 cm par 40 cm qui donne sur un tunnel d’une longueur moyenne de 78 cm. Ce tunnel mène à une chambre ayant une forme quasi sphérique de 75 cm de hauteur, sur 78 cm de largeur et sur 77 cm de profondeur. Le sol de la tanière est recouvert d’une couche de matière végétale d’environ 8 cm d’épaisseur. Cette litière est composée de deux à trois éléments différents, principalement des brindilles de toutes sortes et des feuilles.
L’ouverture des tanières est généralement orientée vers l’est ou le sud. Le volume de la chambre varie en fonction du poids de la femelle et de son état. Une femelle qui a déjà des petits avec elle creusera une chambre plus spacieuse qu’une femelle gestante. Dans cette étude, presque tous les types de tanières ont été trouvés, sauf les cavernes et les nids.
L’entrée en tanière varie selon plusieurs facteurs : la disponibilité de nourriture, la condition physique des ours et l’arrivée des premières chutes de neige. Là où il y a du hêtre, tant que des faînes sont disponibles, les ours en profitent pour manger ces fruits. Plus on va vers le nord et plus l’entrée dans la tanière se fait tôt. Normalement, les femelles gestantes entrent en dormance hivernale avant les femelles non gestantes et les mâles.
Il paraît que…
- Dans le cas de l’étude menée en Outaouais, au moment de la visite des tanières en février et mars, les oursons pesaient en moyenne 1 kg et les mères avaient perdu environ le quart de leur poids.
- « Teddy Bear », le célèbre ours en peluche, doit son nom au président Théodore Roosevelt qui aurait épargné un ours blessé lors d’une partie de chasse.
- L’ours noir marche sur la plante des pieds, comme toi. Il est plantigrade.
- Il peut atteindre 55 km/h à la course, sur de courtes distances.
- Ces ours sont célèbres pour leur gourmandise : Yogi l’ours et Winnie l’ourson.