Accueil de la section Jeunesse
Truites arc-en-ciel dans un étang d’élevage. © Sylvia Sky.

Pleins feux sur… la pêche à la truite arc-en-ciel

  Truite arc-en-ciel.

Truite arc-en-ciel. © US Fish and Wildlife Service.

Le mot « truite » serait apparu dans le français moderne au 13e siècle. Il dériverait de l’ancien français troite, qui l’aurait emprunté au latin tructa, qui serait inspiré du grec trôktês. Ce mot grec signifie « vorace », pour faire allusion à mon appétit de prédateur.

 

La truite arc-en-ciel (Oncorhynchus mykiss)

  Truite arc-en-ciel.

Truite arc-en-ciel. © US Fish and Wildlife Service.

Je suis originaire de la côte ouest de l’Amérique du Nord. Je possède une double personnalité. Tout comme mon cousin le saumon atlantique (Salmo salar), je peux me reproduire en eau douce au retour d’un séjour de quelques années en eau salée; on m’appelle alors « truite arc-en-ciel anadrome » ou steelhead en anglais. Si je demeure toute ma vie en eau douce, on dit que je suis une truite arc-en-ciel résidente, et, pour les anglophones, je me nomme rainbow trout.

J’ai été introduite dans tous les continents sauf en Antarctique. Vers la fin des années 1800, je suis apparue dans les Grands Lacs et dans les provinces maritimes. Depuis le début du 20siècle, des ensemencements sont réalisés dans le lac Memphrémagog et dans le fleuve Saint-Laurent dans la région de Montréal.

  Aire de distribution de la truite arc-en-ciel.

Aire de distribution de la truite arc-en-ciel. © Isabel Thibault.

Qui dit ensemencement, dit élevage!

  Station piscicole.

Station piscicole. © MELCCFP.

Au Québec, il existe plus d’une centaine de piscicultures privées et deux stations piscicoles gouvernementales. Les stations gouvernementales produisent des poissons dans le but de repeupler un plan d’eau, de sauvegarder des populations de poissons ou encore de rétablir une espèce aquatique menacée ou vulnérable. De leur côté, les piscicultures privées produisent des poissons pour la pêche. C’est le cas pour mon espèce ainsi que pour l’omble de fontaine (Salvelinus fontinalis).

 

  Poissons destinés à l’ensemencement.

Poissons destinés à l’ensemencement. © MELCCFP.

La production de poissons à des fins de pêche a sa raison d’être. Cette activité récréative est très populaire au Québec! Pour permettre à tous d’avoir une chance de capturer du poisson, il est nécessaire de réaliser des ensemencements dans certains plans d’eau. En général, on tente d’ensemencer les plans d’eau avec des espèces déjà présentes dans le milieu. Lorsque le milieu n’est plus propice à la survie de l’espèce indigène, le plus souvent l’omble de fontaine, j’entre en scène! Il paraît que les truites d’élevage seraient plus faciles à capturer que les poissons « sauvages ». Cela favoriserait l’initiation à la pêche. Quand ça mord, on a envie d’y retourner!

Mais il y a aussi des inconvénients à l’ensemencement. Je peux parfois m’échapper des bassins d’élevage ou des rivières où j’ai été ensemencée. Je vais alors m’implanter dans les cours d’eau avoisinants habités par l’omble de fontaine qui, lui, est une espèce indigène. J’entre en compétition avec lui pour les meilleurs sites d’alimentation.

Une espèce envahissante?

 Truite arc-en-ciel.

Truite arc-en-ciel. © US Fish and Wildlife Service.

Je serais désormais l’espèce d’eau douce froide la plus répandue au monde! Mon élevage a eu des répercussions telles que je suis maintenant considérée comme une espèce envahissante. Je figure parmi les 100 espèces exotiques envahissantes les plus néfastes au monde.

Un autre impact de mon arrivée dans les plans d’eau est l’hybridation. Aux États-Unis, certaines espèces d’Oncorhynchus se sont croisées avec moi. Or, les mélanges, ce n’est pas toujours bien vu pour conserver l’intégrité génétique des espèces!

Là-bas, j’ai aussi contaminé des poissons qui occupent les plans d’eau. J’ai répandu la maladie du tournis. Cette maladie est provoquée par un protozoaire (Myxosoma cerebralis). Ce parasite va se fixer dans le centre nerveux du poisson. Il provoque une déformation de sa colonne vertébrale et le poisson atteint nage… en tournant! Autrefois rencontrée seulement dans les bassins d’élevage, cette maladie se retrouve maintenant en milieu naturel.

Pour réduire mon impact sur les autres espèces, on a le droit de m’élever et de m’ensemencer uniquement dans la portion amont du fleuve Saint-Laurent, c’est-à-dire, grosso modo, de la ville de Québec au sud-ouest de la province. Cette mesure de prévention a pour but d’éviter que je sois en compétition avec le saumon atlantique et l’omble de fontaine dans les rivières de l’est de la province. Mais moi, je suis une grande nageuse! Je suis capable de migrer sur plusieurs kilomètres. Je ne suis donc pas demeurée sur place, dans les rivières où l’on m’avait introduite. J’ai plutôt voyagé vers les rivières de Charlevoix, du Bas-Saint-Laurent et même de la Gaspésie!

La génétique à la rescousse

Je fais l’objet d’une étude menée par Mme Isabel Thibault, une biologiste du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs. L’un des objectifs de cette étude est de déterminer l’origine des truites arc-en-ciel récoltées par des pêcheurs, grâce à des analyses génétiques. On veut aussi connaître l’impact de ma présence sur les espèces indigènes, c’est-à-dire le saumon atlantique et l’omble de fontaine.

 Étude sur la truite arc-en-ciel.

Étude sur la truite arc-en-ciel. © Pierre-Yves Collin.

On a donc découvert l’origine de l’invasion grâce à la génétique. Je me disperse des lacs Ontario et Memphrémagog vers l’est du Québec, en utilisant le fleuve Saint-Laurent comme corridor d’invasion. Je me suis établie dans deux rivières de la région de Charlevoix. Lorsque je me reproduis, des rejetons quittent ces rivières et deviennent des vagabonds à la recherche d’autres rivières pour y habiter.

N’allez pas croire que j’ai la vie si facile! Pour m’établir dans un habitat, je dois surmonter plusieurs difficultés. Par contre, je peux tolérer toutes sortes de conditions de vie et, selon celles-ci, changer mon comportement. Nous ne sommes pas toutes semblables; il existe différentes variétés basées sur nos diverses façons de vivre. Certaines demeurent en eau douce toute leur vie, dans les rivières ou les lacs; d’autres migrent vers la mer pour une période qui peut varier entre un et deux ans. Je peux tolérer des températures allant de 14 à 21 °C, pourvu qu’il y ait des refuges plus frais et bien oxygénés. Je suis opportuniste, mais je mange principalement des invertébrés. Les poissons entrent dans mon alimentation au fur et à mesure que je grandis, mais ma diète demeure néanmoins composée majoritairement d’insectes (larves et adultes) et de crustacés. D’ailleurs, en tant qu’opportuniste, je profite du déclin du saumon pour occuper ses rivières! Les biologistes tentent d’identifier mes préférences en matière d’habitat afin de prévenir mon invasion. L’installation de barrières est l’une des méthodes envisagées. Est-ce que ce sera suffisant pour m’arrêter?

Mes rivières préférées…

Je préfère les rivières qui ont des tributaires et dont la pente n’est pas trop forte. Le climat, en particulier le volume des précipitations et le régime des eaux, a une influence sur mon succès d’implantation. Comme je me reproduis au printemps, les crues dues à la fonte des neiges peuvent détruire mes nids et mes œufs. Des températures élevées au printemps et en été m’avantagent, ce qui n’est pas le cas du saumon et de l’omble de fontaine. Les effets appréhendés des changements climatiques, qui réchaufferaient les températures de l’air et de l’eau, pourraient donc me favoriser aux dépens des autres espèces.

Qu’en est-il du saumon atlantique et de l’omble de fontaine?

Prise de truite arc-en-ciel.

Prise de truite arc-en-ciel. © US Fish and Wildlife Service.

Comment réagissent les saumons atlantiques et les ombles de fontaine? Offrent-ils une résistance? Suis-je en compétition avec eux? La réponse n’est pas simple… Dans l’ensemble, au niveau d’une rivière entière, on me tient tête! Mais à petite échelle, dans des secteurs spécifiques, j’ai le dessus et je grandis plus rapidement. Ma présence perturbe les jeunes saumons et ombles de fontaine, qui doivent se voisiner plus qu’à l’habitude pour se nourrir. En fait, je n’ai pas vraiment d’opposition lorsque je me présente dans une rivière!

Rassure-toi, ce processus d’invasion est long et nous sommes peu nombreux à réussir. Je parviens tout de même à m’installer, lentement mais sûrement! Ce n’est qu’une question de temps. Selon toi, devrions-nous prendre des mesures pour contrôler mon invasion? Si oui, lesquelles?

Les biologistes du Ministère se penchent sur la question. Une des mesures retenues pourrait te concerner. Si tu vas pêcher dans les rivières de l’est du Québec et que tu me captures, on te demandera de déclarer tes prises. Cela aidera les biologistes à mieux documenter ma distribution et mon abondance exactes.

Toi aussi, tu peux t’initier à la pêche!

Chaque année, plusieurs milliers de jeunes Québécois sont initiés à la pêche grâce à des activités et programmes comme la Fête de la pêche, Pêche en herbe ou la pratique de la pêche en étang.

Il paraît que…

  • Le protozoaire responsable de la maladie du tournis a été introduit par une cargaison de bateau qui transportait des truites arc-en-ciel congelées.
  • L’élevage des poissons au Québec a commencé en 1857.
  • La première introduction de la truite arc-en-ciel au Québec remonte à 1893.
  • Entre 1975 et 2009, la truite arc-en-ciel a envahi une cinquantaine de rivières et elle s’est établie dans une dizaine d’entre elles.
  • La truite arc-en-ciel est aujourd’hui considérée comme une espèce naturalisée en Ontario.

Pour en savoir plus…

Ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs

Pêches et Océans Canada