Pleins feux sur… la recherche et la tortue mouchetée
Leonardo, Raphaël, Donatello et Michelangelo, les célèbres tortues ninja amateurs de pizza et redresseurs de torts pourraient-ils me venir en aide? En 2016, le COSEPACCOSEPAC : Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. a attribué le statut d’espèce en voie de disparition à la tortue mouchetée (Emydoidea blandingii). De plus, son nom figure sur la liste des espèces menacées au Québec. Un groupe pour la mise en œuvre du rétablissement de cette espèce est à l’œuvre.
Aimerais-tu participer à mon sauvetage? Mais laisse-moi d’abord me présenter. Cowabunga!
Un peu d’information sur la biologie de l’espèce
Citoyenne presque exclusivement de la région de l’Outaouais, il est très rare de me rencontrer ailleurs au Québec. On me trouve principalement dans la région des Grands-Lacs.
Mes repas favoris se composent d’écrevisses et autres crustacés. Miam! Bien meilleurs que la pizza des tortues ninja! Je me délecte aussi d’insectes, de vers, de grenouilles, d’escargots, de sangsues, de poissons, de plantes aquatiques et de petits fruits. Un menu varié quoi! On me trouve souvent dans les marécages, les étangs et autres étendues d’eau calme où la végétation aquatique, comme la lentille d’eau, est abondante.
Il arrive même que je m’enfonce dans la vase au fond de l’eau, afin d’échapper aux canicules estivales, lorsque la température dépasse 27 °C durant plusieurs journées consécutives. C’est d’ailleurs aussi de cette façon que j’affronte l’hiver, en m’enfouissant partiellement au fond des marais et marécages peu profond. Je vais alors hiberner de novembre à avril.
Au printemps, les femelles peuvent parcourir près d’un kilomètre sur la terre ferme et presque l’équivalent à la nage, afin de se rendre au site de ponte qu’elles visitent habituellement d’année en année. Les œufs sont blancs et ils sont pondus dans un nid de sable. La température d’incubation des œufs détermine le sexe des nouveau-nés. Étonnant! Les œufs incubés entre 22,5 et 26,5 °C feront surtout naître des mâles, alors que de ceux incubés entre 30 et 31 °C feront naître surtout des femelles. La période de ponte s’étend du mois de mai jusqu’au début de juillet et l’éclosion se déroule de la mi-août jusqu’au début d’octobre. Les nouveau-nés auront environ la taille d’une pièce de deux dollars.
Mon long cou, dont le dessous et le menton sont jaune éclatant et mes pattes, dont quelques écailles sont également jaunes, offrent un fort contraste avec le restant de mon corps qui est foncé. Cette caractéristique permet de me distinguer facilement des autres espèces de tortues vivant au Québec. Les écailles de mon plastron, partie inférieure de la carapace, sont jaunes et présentent chacune une tache noire près du bord.
Le dessus de ma carapace bien bombée et parsemée d’une multitude de petites taches pâles ou de fines rayures, d’où mon nom « mouchetée », rappelle la forme d’un casque de soldat. Je suis donc prête pour le combat afin d’affronter les menaces qui pèsent sur ma survie. Cowabunga!
La tortue mouchetée doit faire face à de nombreuses menaces
Nous ne sommes pas nombreuses et lorsque des adultes reproducteurs meurent, c’est difficile d’assurer la descendance. Il faudrait donc avoir un coup de main pour nous aider à rester en vie! Les scientifiques veulent donc connaître les dangers qui nous menacent, évaluer leur impact sur nos populations et prendre les mesures nécessaires pour les prévenir ou les éliminer.
À ton avis, quels sont les plus grands risques auxquels je suis exposée? Est-ce la rigueur de l’hiver, les prédateurs, le manque de nourriture? Je te donne un indice : il s’agit de causes liées aux activités humaines. Non, ce n’est pas la pollution ni le braconnage.
Il y a deux principaux éléments qui menacent mon espèce : la perte d’habitats et la mortalité routière. La mortalité routière affecte surtout les femelles lorsqu’elles se déplacent vers leurs lieux de ponte.
Une des façons de me venir en aide lors de cette période critique est de sensibiliser le public à ma présence. Dans les zones où les risques de collisions sont plus importants, l’installation de panneaux de signalisation destinés aux automobilistes le long des routes permet de les inciter à ralentir.
Il demeure essentiel de mieux connaître les habitats que je fréquente ainsi que ma répartition géographique afin de mieux me protéger.
La présence de la tortue mouchetée fait actuellement l’objet d’un suivi au Québec
Les biologistes aimeraient connaître la taille et la structure de notre population, c’est-à-dire combien nous sommes, notre âge et le nombre de mâles et de femelles. Sais-tu comment on s’y prend pour distinguer un mâle d’une femelle? Un échantillon de tissus (écailles des pattes) sera prélevé en vue d’analyses génétiques. Les écailles en bordure de notre carapace seront limées pour nous distinguer les unes des autres.
Il reste encore à préciser l’aire d’occupation exacte des populations de l’Outaouais et à répertorier adéquatement les autres populations du Québec dans les habitats à hauts potentiels. Ouf! Les scientifiques ont encore du travail pour plusieurs années!
En effet, il n’est pas évident de réaliser des inventaires et des suivis de population de mon espèce. Au Québec, l’abondance des populations de tortues mouchetées n’est pas connue avec précision.
En général, les biologistes et les techniciens de la faune utilisent des méthodes d’inventaire traditionnelles pour nous étudier. La principale méthode consiste à capturer des individus avec des filets, à les marquer et à les relâcher ensuite. Cette méthode se nomme capture-marquage-recapture dans le jargon des spécialistes. C’est une méthode efficace mais coûteuse et parfois difficile à réaliser.
C’est pour cette raison que le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP), avec la collaboration de plusieurs organismes, dont l’Université du Québec en Outaouais, teste maintenant de nouvelles méthodes d’inventaire afin de mieux connaître l’état de nos populations.
Deux nouvelles méthodes d’inventaire à tester
Une de ces nouvelles méthodes consiste à utiliser la technique d’échantillonnage de l’ADN environnemental (ADNe) afin de détecter rapidement notre présence. Cette technique consiste à prendre des échantillons d’eau, à extraire l’ADNe qu’ils contiennent pour ensuite comparer cet ADNe avec une base de données. Il suffit d’analyser les données ainsi recueillies afin de déterminer la présence de tortues dans le plan d’eau échantillonné. On peut ainsi échantillonner dans des endroits où il est difficile de repérer visuellement une tortue. Si de l’ADNe de tortue est détecté dans un plan d’eau, les chercheurs pourront ensuite procéder à des recherches plus approfondies. Tu veux en apprendre plus sur la technique de l’ADNe et ses possibilités? Consulte la capsule Pleins feux sur… l’ADN environnemental et la science citoyenne.
L’utilisation de drones pour localiser des populations de tortues est aussi une méthode que le MELCCFP souhaite tester. En effet, il n’est pas toujours facile de nous apercevoir. Nous adorons lézarder au soleil, mais au moindre bruit (comme le bruit de quelqu’un qui marche sur la berge ou qui tente de nous approcher en canot), nous retournons rapidement sous l’eau. Il devient presque impossible de nous apercevoir à ce moment. Le drone pourrait permettre de nous détecter visuellement sans nous effrayer en volant à une hauteur d’environ 30 mètres.
Pour l’instant, le MELCCFP souhaite tester ces méthodes d’inventaire afin de déterminer leur efficacité, l’objectif étant de les utiliser dans l’avenir, afin d’en apprendre plus sur nous et les habitats que nous utilisons dans le but de nous protéger adéquatement.
Et toi? Que peux-tu faire si tu veux contribuer à augmenter les connaissances des scientifiques à mon sujet? Tu peux signaler ma présence, que je sois vivante, blessée ou morte, au Projet Carapace .
Il paraît que…
- On croit que la tortue mouchetée peut vivre jusqu’à 70 ans!
- La carapace de la tortue mouchetée peut atteindre 25 cm de long.
- Les yeux de la tortue mouchetée sont sur le dessus de la tête. Lorsque l’on voit seulement sa tête qui émerge de l’eau, elle peut facilement être confondue avec une grenouille verte (Lithobates clamitans) ou un ouaouaron (Lithobates catesbeianus).
- On trouve la tortue mouchetée seulement en Amérique du Nord.
Pour en savoir plus…
Ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP)
Atlas des amphibiens et des reptiles du Québec
Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC)