L’anthracnose des frênes, des chênes et des érables
Le terme « anthracnose » désigne une maladie causée par un champignon qui provoque des lésions nécrotiques caractéristiques, aux contours très nets, sur les feuilles, les tiges, les fleurs et les fruits. Plusieurs espèces de feuillus peuvent être touchées par l’anthracnose. Toutefois, ce texte ne porte que sur les cas attribuables aux champignons Discula fraxinea (Peck) Redlin et Stack, qui affecte les frênes (Fraxinus spp.), et Discula umbrinella (Berk. & Broome) Sutton qui s’attaque aux chênes (Quercus spp.) et aux érables (Acer spp.). Les champignons responsables de la maladie agissent au stade asexué.
Détection
Les taches foliaires, qui sont irrégulières et brunâtres, apparaissent sur le pourtour des feuilles et des nervures (photos 1, 2 et 3) au début de la saison de croissance. Les parties affectées se recroquevillent et la feuille se déforme avant de tomber (photo 5). Généralement, chez les arbres adultes, les symptômes se manifestent d’abord sur les branches inférieures. L’anthracnose est souvent détectée parce qu’un propriétaire s’inquiète de la défoliation de ses arbres au début de l’été (photo 4).
Le champignon infecte l’arbre à partir d’un bourgeon ou d’une feuille, puis il progresse jusqu’à l’intersection d’une branche plus importante, où il forme un chancre (photo 10) qu’on peut généralement détecter dès la fin de l’hiver ou au début du printemps suivant. On observe d’abord une coloration anormale (photo 6), puis une déformation de la tige (photo 8). Si l’on veut confirmer le diagnostic, on peut expédier un échantillon des tissus infectés dans un laboratoire de diagnostic en pathologie forestière.
Hôtes
Toutes les espèces de frênes (Fraxinus spp.) sont vulnérables, quoique certaines variétés ornementales semblent plus résistantes. On remarque même que, chez une espèce donnée, certains individus sont beaucoup moins sensibles à la maladie que d’autres (photo 7). Les jeunes plantations de chênes rouges (Quercus rubra L.) et de chênes à gros fruits (Quercus macrocarpa Michx.) sont souvent endommagées par l’anthracnose qui provoque aussi de graves défoliations chez les chênes blancs (Quercus alba L.). L’érable à sucre (Acer saccharum Marsh.), l’érable rouge (Acer rubrum L.) et l’érable argenté (Acer saccharinum L.) sont également exposés, mais il est rare que des chancres s’y forment.
Cycle évolutif
Le cycle de l’anthracnose sur les frênes causée par Discula fraxinea
Le champignon de l’anthracnose hiverne dans les bourgeons infectés, dans les fructifications qui se forment à l’intérieur des chancres (photo 8) de même que sur les feuilles et les branches malades. Les fructifications renferment des spores asexuées, ou conidies (photo 9), dont la dissémination et la germination sont favorisées par les printemps humides. Lorsque les conidies se répandent, elles infectent les bourgeons et les jeunes pousses tendres des arbres avoisinants. Si l’humidité est élevée, d’autres fructifications se forment, quelques jours plus tard, et leurs conidies propagent la maladie à leur tour. Les champignons qui hivernent dans les bourgeons commencent à se développer très tôt au début de la saison. Ils tuent d’abord les bourgeons, puis ils provoquent la formation de chancres (photos 6 et 10). Ils peuvent également progresser de l’extrémité de la branche vers le tronc, entraînant ainsi la nécrose de tous les tissus sur leur passage (photo 11).
Dégâts
Le temps frais et humide favorise la maladie et les arbres peuvent alors être gravement défoliés. De plus, on remarque que les arbres qui poussent en plein soleil sont moins affectés que ceux situés à l’ombre, dont le feuillage reste mouillé plus longtemps. Même si l’anthracnose se répète plusieurs années de suite, la chute hâtive des feuilles n’est généralement pas fatale. Cependant, les arbres affaiblis sont plus sensibles aux autres stress. L’anthracnose est particulièrement dommageable dans les jeunes plantations, car les chancres annellent souvent la tige principale (photo 12) , ce qui fait mourir les bourgeons et les pousses au-delà de la lésion.
À la fin de l’été, on constate toutefois que la plupart des jeunes arbres ont recommencé à croître, en deçà du chancre, à partir des rejets de souche ou des bourgeons adventifs. Soulignons que la monoculture des espèces peu résistantes peut accentuer l’impact de la maladie.
Prévention et lutte
On peut avoir recours à plusieurs mesures pour prévenir l’anthracnose, mais cette maladie est difficile à circonscrire. L’aménagiste doit évaluer le coût et l’efficacité des traitements en fonction du type de culture pratiqué ainsi que de la valeur, de l’âge et de l’état de santé des arbres. Il peut aussi consulter les spécialistes de la Direction de l’environnement et de la protection des forêts du ministère des Ressources naturelles, qui sont en mesure de lui recommander une stratégie de lutte adaptée à son contexte particulier.
Mesures préventives
La propagation de la maladie est réduite quand :
- on ramasse les feuilles au printemps et on se débarrasse des jeunes feuilles tombées au sol;
- on détruit les feuilles et les rameaux qui jonchent le sol, à l’automne;
- on coupe et on élimine les chancres sur les arbres pendant l’hiver ou les périodes de sécheresse estivales. On doit stériliser les outils après chaque intervention, avec de l’alcool (70 % à 100 %) ou une solution 1:10 d’hypochlorite de sodium 5,25 % (eau de javel) et d’eau;
- on aère les cultures dans les pépinières, particulièrement si elles sont très denses.
On recommande également :
- de bien entretenir les arbres, notamment en les arrosant pendant les périodes de sécheresse, en les fertilisant, pour accroître leur résistance et les aider à se rétablir, et en enlevant les branches moribondes. On doit toutefois éviter d’appliquer des fertilisants à forte teneur en azote très tôt le printemps, pour ne pas provoquer une prolifération de jeunes pousses qui constituent un milieu favorable à l’implantation du champignon.
Photos : Lina Breton, MFFP