Le chancre scléroderrien

Photo 1 – Le chancre scléroderrien Gremmeniella abietina (Lagerb.) Morelet.

Le chancre scléroderrien des pins est causé par un champignon appelé Gremmeniella abietina (Lagerb.) Morelet var. abietina, dont on trouve deux races au Québec : l’une indigène (race nord-américaine), l’autre européenne. Cette affection cause de sérieux problèmes dans les plantations (photo 1) et les pépinières.

Les pins rouges, pins gris et pins sylvestres ainsi que plusieurs variétés de pins exotiques sont particulièrement vulnérables à la race américaine du champignon. Le pin rouge est très sensible à la race européenne, tandis que le pin gris semble y résister (Laflamme et Blais, 1999). Au Québec et ailleurs en Amérique du Nord, on a réglementé l’importation de spécimens du genre Pinus. Ainsi le transport de spécimens et du matériel végétal qu’on peut en tirer est réglementé afin d’éviter la propagation du champignon d’origine européenne.

Détection

Les symptômes de la maladie se manifestent dès la fin du printemps. Les plus caractéristiques sont la mort des bourgeons et le rougissement des aiguilles, depuis la base jusqu’à l’extrémité (photo 2). Celui-ci est moins visible dans le cas des espèces à aiguilles courtes, comme le pin gris. Les aiguilles rougies se détachent facilement (photo 3) et, sauf en de rares exceptions (Laflamme, 1986), les bourgeons des branches affectées ne débourrent pas au printemps. On ne voit donc apparaître aucune nouvelle pousse.

Photo 2 – Les aiguilles rougissent de la base vers l’extrémité.

Photo 3 – Les aiguilles atteintes se détachent facilement de la branche.

Photo 4 – Le chancre scléroderrien peut détruire toutes les pousses des jeunes semis.

Photo 5 – Sous l’écorce, le bois prend une coloration jaune verdâtre, typique.

Toutes les pousses des jeunes semis peuvent être infectées en même temps (photo 4) alors que, sur les plants plus âgés, les branches basses sont les premières atteintes (photo 1). Quand on dépouille les parties affectées, à l’aide d’un couteau, on constate que le bois a pris une coloration jaune verdâtre, typique de la maladie (photo 5).

Le champignon produit trois types de fructifications que l’on peut voir à la loupe. Très tôt au printemps, de minuscules cavités gélatineuses appelées cryptopycnides (photo 6) sont visibles dans l’écorce. Les pycnides, petites fructifications sphériques brun foncé (photo 7), apparaissent en même temps que les symptômes de la maladie. Enfin, des apothèces, également brun foncé (photo 8), se forment l’année suivante.

Photo 6 – Cryptopycnides dans l’écorce d’une branche (Photo : Solange Simard).

Photo 7 – Pycnides (petites fructifications sphériques) à la base des aiguilles.

Photo 8 – Apothèces (petites fructifications brun foncé) en forme de coupe.

Les infections attribuables au champignon d’origine nord-américaine sont généralement localisées sur les deux premiers mètres de la tige, alors que celles provoquées par son cousin européen peuvent se répandre dans toute la cime (photo 9). La maladie peut progresser des branches vers la tige. Le chancre provoque l’annélation des jeunes plants; il ralentit la croissance des arbres plus âgés, dont il déforme le tronc et diminue la qualité (photo 10).

Photo 9 – Plantation de pins rouges affectée par le champignon de race européenne.

Photo 10 – Le tronc de ce jeune pin rouge est déformé par un chancre.

Prévention et lutte

Certaines précautions s’imposent si l’on veut prévenir l’apparition du chancre scléroderrien. Ainsi, lorsqu’on choisit le site où l’on établira une plantation ou une pépinière, on devrait s’en tenir à l’aire de distribution des essences de pins cultivées et éviter les zones où le chancre scléroderrien fait des ravages. On devrait aussi éviter les microsites où les accumulations de neige sont très fortes, car ils sont généralement propices à l’apparition de la maladie.

Photo 11 – Plants malades et plants sains : les premiers ne forment pas de nouvelles pousses.

Il faut évidemment s’assurer que les plants utilisés pour le reboisement sont sains. Dans les pépinières, les productions doivent être minutieusement inspectées tous les ans, et les semis qui présentent des symptômes de la maladie doivent être éliminés.

Comme la maladie est plus facile à détecter au printemps, après la période de débourrement (photo 11), on recommande d’attendre la formation des nouvelles pousses avant d’expédier les lots de pins cultivés en récipients sur les sites à reboiser.

Les jeunes plantations devraient être inspectées tous les deux ans. En cas d’infection, on devrait mettre en œuvre un programme d’élagage et d’hygiène (photo 12) qui varie selon l’espèce cultivée, le champignon en cause, l’âge et la hauteur des plants ainsi que la gravité de l’infection (Laflamme, 1991). Par la suite, la plantation doit être inspectée aussi soigneusement que régulièrement.

Photo 12 – Plantation de pins rouges après un élagage.

Lorsqu’on soupçonne une infection de chancre scléroderrien dans une pépinière ou une plantation, on devrait prélever quelques branches qui présentent des symptômes de la maladie et les expédier au Laboratoire de diagnostic en pathologie forestière de la Direction de la protection des forêts du Ministère, qui confirmera le diagnostic, le cas échéant.

En cas d’infection, on devrait intervenir dans les plus brefs délais afin de freiner la propagation de la maladie. On recommande toutefois de consulter un spécialiste du Ministère avant de se lancer dans une opération d’envergure.

Références

  • Laflamme, G. 1986. Symptôme inusité du chancre scléroderrien en plantation de pin rouge au Québec, Can. J. Plant Pathol., vol. 8, p. 1-5.
  • Laflamme, G. 1991. Le chancre scléroderrien des pins, Sainte-Foy (Québec), Centre forestier des Laurentides, feuillet d’information CFL3.
  • Laflamme, G. et R. Blais 1999. Resistance of Pinus banksiana to the European race of Gremmeniella abietina, Phytoprotection, vol. 81, p. 49-55.

Photos : Lina Breton, MFFP