Maladie hollandaise de l’orme

On voit de moins en moins d’ormes d’Amérique dans les champs et dans les milieux urbains.

Empreint de noblesse et de majesté, l’orme d’Amérique ajoute au pittoresque de nos paysages champêtres. Il embellit plusieurs villes et villages du Québec. Sa rusticité, sa croissance rapide et sa silhouette typique de parasol en font une essence de choix pour agrémenter les lieux publics d’ombre et de verdure. Malheureusement, une affection appelée « maladie hollandaise » en a tué un très grand nombre, un peu partout au Québec, au cours des dernières décennies.

La maladie hollandaise de l’orme est causée par deux champignons microscopiques apparentés : Ophiostoma ulmi (Buisman) Nannf. et Ophiostoma novo-ulmi Brasier, le plus virulent.

La maladie affecte les trois espèces d’ormes indigènes au Québec : l’orme d’Amérique (Ulmus americana L.), l’orme rouge (Ulmus rubra Mühl.) et l’orme liège (Ulmus thomasii Sarg.). Deux espèces exotiques, l’orme champêtre (Ulmus procera Salisb.) et l’orme de montagne (Ulmus glabra Huds.) sont également sensibles à cette maladie qui est apparue en Amérique au début des années 30. Il semble que du bois d’orme contaminé, importé d’Europe, soit à l’origine de l’épidémie. Au Québec, la maladie hollandaise a été observée pour la première fois à Saint-Ours, près de Sorel, en 1944. Aujourd’hui, elle est répandue dans toute l’aire de distribution de l’orme d’Amérique.

Détection et cycle de la maladie

Le champignon se développe dans les vaisseaux conducteurs de la sève. Les premiers symptômes de la maladie se manifestent habituellement entre la mi-juin et la mi-juillet. Les feuilles d’une ou plusieurs branches flétrissent, s’enroulent, se dessèchent et prennent une coloration jaunâtre ou brunâtre, généralement sans tomber (photo 1a de la figure 1). Lorsqu’on coupe une branche atteinte, on voit que le dernier anneau de croissance est brunâtre (photo 1b de la figure 1) et, si l’on retire l’écorce, on constate que le bois est couvert de stries brunes (photo 1c de la figure 1).

Figure 1 Le cycle de la maladie hollandaise de l’orme

La maladie est transmise par des insectes du groupe des scolytes. Au Québec, elle a deux vecteurs : le scolyte de l’orme, Hylurgopinus rufipes (Eichh.), qui est indigène, et le petit scolyte européen de l’orme, Scolytus multistriatus (Marsh.) qui, comme son nom l’indique, nous vient d’Europe. Ce dernier est beaucoup plus envahissant et, peut tuer un orme en une ou deux années. Les insectes se creusent des galeries sous l’écorce des arbres malades ou morts (photos 2a et 2b de la figure 1). Ils s’y reproduisent et les spores du champignon (photo 2c de la figure 1) adhèrent aux corps des scolytes adultes. Au printemps, ces derniers migrent vers d’autres arbres pour se nourrir, soit de l’écorce des ramilles et des rameaux de la cime, dans le cas de S. multistriatus (photo 4a de la figure 1), soit des branches et des jeunes troncs, dans le cas de H. rufipes (photo 4b de la figure 1); ils contaminent ainsi leurs nouveaux hôtes. Lorsque les ormes sont très rapprochés, la maladie peut se transmettre par leurs racines qui se greffent les unes aux autres. Fort heureusement, ces cas sont très rares au Québec, car ils exigent un traitement complexe.

Dégâts

Privées de sève, les parties affectées de l’arbre flétrissent et meurent plus ou moins rapidement. L’orme peut survivre pendant quelques années, mais certains meurent l’année même de l’infection.

Au Québec, la maladie s’est répandue dans toute la vallée du Saint-Laurent et, dans certains secteurs, presque tous les ormes sont disparus. À Montréal, par exemple, seuls quelques-uns des 35 000 spécimens qui ornaient la ville ont survécu.

Prévention et lutte

Si l’on veut préserver les ormes qui embellissent encore nos paysages urbains et ruraux, il faut mettre en œuvre des programmes de lutte intégrée qui combinent divers moyens de lutte pour maîtriser à la fois le champignon et le scolyte. Les municipalités peuvent jouer un rôle précieux à cet égard, en incitant les citoyens à respecter certaines mesures élémentaires d’hygiène et à participer à leurs programmes de lutte. Par exemple, la Ville de Québec, qui lutte contre cette maladie depuis plus de 20 ans, a instauré un programme de détection, d’abattage et d’élimination rapide des arbres malades.

Soulignons que tout programme de lutte intégrée présuppose un inventaire des ormes qui croissent sur le territoire en cause et une évaluation annuelle de leur état de santé. Cet examen, que l’on effectue au milieu de l’été, permet de repérer tous les arbres à traiter. En cas de doute sur la présence de la maladie, on devrait faire analyser des échantillons de branches suspectes (coloration brunâtre du dernier anneau de croissance (photos 1b et 1c de la figure 1) par un laboratoire de diagnostic. La Direction de la protection des forêts possède un laboratoire de diagnostic spécialisé dans l’analyse des échantillons. Ce service n’est toutefois offert qu’aux intervenants du milieu forestier. Consultez la procédure d’envoi pour connaître la façon dont doivent être acheminés les échantillons.

Photo 5 – L’élagage peut être une opération onéreuse.

L’abattage des arbres malades et l’élimination de leur bois sont les deux principales mesures d’hygiène appliquées dans le cadre des programmes de lutte intégrée contre la maladie hollandaise de l’orme. Les ormes dont plus de 5 % à 10 % des feuilles sont flétries à cause de cette maladie meurent généralement à brève échéance. On doit les couper le plus vite possible et s’en départir rapidement, soit en brûlant le bois ou en l’enfouissant afin d’éviter la propagation des scolytes. Si l’on veut conserver les billes pour en faire du bois de chauffage, on doit absolument les écorcer au moment de l’abattage, toujours pour éviter la prolifération de l’insecte. Les souches qu’on laisse au sol devraient subir le même traitement. Les citoyens peuvent vérifier s’il existe, dans la ville où ils demeurent, un programme de soutien à l’abattage des ormes atteints de façon incurable.

Si par contre, la maladie est à ses débuts et que seules quelques branches sont atteintes, il faut les couper (photo 5). Cette opération est plus ou moins coûteuse, selon la taille de l’arbre malade et l’endroit où il pousse. Rappelons qu’il est indispensable d’éliminer les branches coupées en les brûlant ou en les enfouissant dans le sol.

Soulignons que les recherches en cours sont fort encourageantes. En effet, les chercheurs ont réussi à créer des variétés d’ormes plus résistants à la maladie hollandaise, dont l’orme Accolade qui a un port s’apparentant à celui de l’orme d’Amérique.

Photos : Lina Breton, MFFP