Le pourridié-agaric dans les érablières

Maladie

Photo 1 – Ornières profondes causées par de la machinerie lourde dans une érablière Photo : Martin Fiola, MFFP

Les érables sont affectés par une grande variété d’agents abiotiques et biotiques. Ces agents peuvent contribuer à réduire la vigueur et la valeur économique des arbres en causant des dommages aux racines, aux tiges et à la cime. Ils peuvent aussi provoquer leur mort. Les multiples activités humaines effectuées dans les érablières peuvent causer de nombreux dommages aux arbres et contribuer à des taux de mortalité importants. L’approvisionnement en bois de chauffage, l’entaillage, les opérations d’éclaircie ou la vérification des tubulures sont des activités qui nécessitent de circuler régulièrement dans les érablières. Or, la machinerie lourde et les véhicules tout-terrain utilisés par les agriculteurs et les travailleurs forestiers occasionnent très souvent des blessures mécaniques aux troncs et aux racines des arbres (photo 1). Ces blessures constituent un stress intense pour l’arbre et la perte de vigueur qui en résulte le rend alors vulnérable aux pathogènes et aux insectes. De plus, des conditions climatiques, telles que des périodes de sécheresse, peuvent contribuer à augmenter la vulnérabilité des arbres.

Les pourridiés des arbres, qui s’attaquent aux racines et au collet, font partie de ces pathogènes opportunistes qui infectent facilement les arbres moins vigoureux ou qui ont subi divers stress. Le pourridié-agaric, ou armillaire, est le plus important des pourridiés. Il croît dans le sol et engendre une maladie très grave des racines et du pied des arbres au Québec. Cette maladie est causée par un complexe d’armillaires (Armillaria) qui comprend une douzaine d’espèces dont certaines sont trouvées au Québec chez les feuillus : A. solidipes (anciennement A. ostoyae), A. gemina, A. sinapina, A. calvescens, et A. gallica. Cette dernière serait la plus commune des espèces observées dans les forêts de feuillus du Nord-Est américain, notamment au Québec.

Cycle biologique

Photo 2 – Rhizomorphes sur le tronc d’un érable

La présence de l’armillaire chez un arbre se manifeste d’abord par un déclin général de sa vigueur et une décoloration de son feuillage. Des chancres ou des nécroses se formeront par la suite au point d’infection sur la racine ou au bas du tronc et entraîneront la mort de l’arbre. Le champignon cause aussi une carie des racines et peut s’étendre sur le tronc sur une hauteur d’un mètre.

Le champignon Armillaria sp. se propage dans le sol, d’un arbre à un autre, par contact entre les racines d’arbres voisins ou encore à partir de rhizomorphes, cordons mycéliens bruns ou noirs qui parcourent librement de grandes distances dans le sol (photo 2). On reconnaît facilement le pourridié-agaric par son mycélium en forme d’éventail blanchâtre sous l’écorce des racines et du collet ou encore par ses sporophores à lames qui apparaissent au début de l’automne, à la base des arbres malades ou sur des souches, et qui portent un chapeau de couleur jaune ou brune (photos 3 et 4).

Ces infections touchent les arbres de toutes les vigueurs, mais sont observées le plus souvent sur des arbres déjà affaiblis. Le pourridié-agaric peut tuer un arbre à la fois ou un groupe d’arbres dans un peuplement forestier, ce qui a pour effet de constituer des foyers de maladies. Ceux-ci s’étendront à mesure que la maladie se répandra à leur pourtour. Il arrive aussi que le pourridié-agaric provoque la mort des arbres.

Photo 3 – Mycélium du pourridié-agaric

Photo 4 – Sporophores à lames d’Armillaria sp

Mesures sanitaires

Les pourridiés des racines sont invisibles. Ils se développent lentement, et ce n’est qu’après plusieurs années que l’on peut déceler leur présence avec l’apparition de sporophores au pied des arbres. Dans ces cas, le champignon s’est répandu à l’intérieur des racines et du tronc et la seule chose à faire est de couper les arbres.

La meilleure méthode de prévention contre l’armillaire est de maintenir les peuplements aussi vigoureux que possible dans les meilleures conditions de croissance. Certaines méthodes culturales peuvent permettre de contrôler la dispersion de ces maladies. Les entaillages excessifs et inadéquats peuvent nuire à la santé des érables. La prévention des blessures mécaniques, particulièrement aux racines et à la partie inférieure du tronc, devrait être au centre d’un programme de lutte intégrée dans une érablière. La pratique de l’éclaircie commerciale peut accroître l’incidence des pourridiés des racines, car elle a pour effet d’augmenter la présence de blessures sur celles-ci, ce qui facilite les infections. Des éclaircies importantes peuvent également favoriser l’apparition de blessures au tronc causées par l’insolation, autres portes d’entrée à l’introduction d’organismes pathogènes.

Ces méfaits peuvent être réduits grâce à l’utilisation de moyens de transport légers ou de pneus appropriés et par l’aménagement de sentiers dans les endroits qui ont le moins d’impact sur les arbres. Il est aussi recommandé de planifier les travaux en fonction des saisons et des conditions climatiques. La circulation de la machinerie en périodes de fortes pluies devrait être évitée afin de diminuer la formation d’ornières profondes.

Références

  • Brazee, N. J., et R. L. Wick, 2009. Armillaria species distribution on symptomatic hosts in northern hardwood and mixed oak forests in western Massachusetts, Forest Ecology and Management, vol. 258, no 7, p. 1605-1612.
  • Côté, B., et R. Ouimet, 1996. Decline of the maple dominated forest in southern Québec : impact of natural stresses and forest management, Environmental Reviews, vol. 4, no 2, p. 133-148.
  • Gagnon, G., et G. Roy, 1995. L’érable à sucre, Caractéristiques, écologie et aménagement : facteurs anthropiques, Ressources naturelles Canada, Service canadien des forêts, ministère des Ressources naturelles, ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, 50 p.
  • Ministère des Ressources naturelles, 2013. Guide sylvicole du Québec, Tome 1, Les fondements biologiques de la sylviculture, Québec, Les Publications du Québec, p. 662-665.
  • Guillaumin, J. J., 2005. L’armillaire et le pourridié-agaric des végétaux ligneux, Paris, Institut national de la recherche agronomique, 487 p.
  • Houston, D. R, D. C. Allen et D. Lachance, 1990. Aménagement de l’érablière : guide de protection de la santé des arbres, USDA Forest Service et Forêts Canada, 59 p. (Rapport d’information; LAU-X-92F).