La rouille vésiculeuse du pin blanc
Dans cette page :
Maladie
Malgré ses grandes qualités sylvicoles et commerciales, le pin blanc est relativement peu favorisé dans l’aménagement du territoire forestier québécois et la rouille vésiculeuse est largement responsable de cette désaffectation. L’infection débute le plus souvent dans les trois premiers mètres à partir du sol (photo 1). Les semis et les jeunes plants sont très vulnérables à la rouille vésiculeuse du pin blanc, car cette maladie peut se développer très rapidement au niveau de la tige étant donné que le champignon infecte les aiguilles qui croissent sur la tige principale. De plus, au niveau du sol les conditions d’humidité sont favorables à l’infection et la germination des basidiospores.
Agent pathogène
Cette maladie est causée par Cronartium ribicola J. C. Fischer ex Rabenh, un champignon originaire de l’Asie. Cet agent pathogène, qu’on a observé pour la première fois au Québec en 1916, a été introduit par des plants contaminés mais asymptomatiques importés d’Europe. La maladie est aujourd’hui répandue dans toute l’aire de distribution du pin blanc.
Hôtes
En Amérique du Nord, la rouille vésiculeuse affecte tous les pins dont les aiguilles sont regroupées en faisceaux. Au Québec, elle menace le pin blanc, Pinus strobus L, de nos forêts. La maladie alterne sur d’autres hôtes appartenant au genre Ribes : les gadeliers, les groseilliers et les cassis.
Cycle évolutif
Le cycle évolutif de la rouille vésiculeuse du pin blanc est fort complexe (figure 1) et évolue sur une période minimale de quatre ans.
Première année. À partir du mois de juillet, les basidiospores produites sur les télies sous les feuilles de Ribes, sont dispersées par le vent et germent sur les aiguilles du pin blanc. Le champignon passe l’hiver dans les tissus affectés de l’aiguille.
Deuxième année. Au printemps suivant, le champignon progresse dans les tissus vivants des branches et du tronc, tout en causant une nécrose. Une période de latence, d’une à plusieurs années, peut s’installer à ce moment. Puis, au courant de l’été, un renflement, associé à un début de chancre, est perceptible sur les tissus nécrosés. De minuscules pustules, appelées spermagonies, entourent ce chancre et laissent suinter un liquide qui renferme des spermaties.
Troisième année. Le printemps suivant, soit deux ans après l’infection, des vésicules blanches, nommées écidies, se forment sur le chancre. Ces vésicules sont particulièrement faciles à dépister de mai à juin, alors qu’elles se rompent et libèrent des éciospores orangées. L’écorce sous les écidies meurt. Le champignon continue sa progression dans les tissus vivants. Année après année, de nouvelles vésicules se produiront autour du chancre. Le vent disperse ces écidiospores sur de longues distances, de 600 à 1300 kilomètres, pour infecter les plantes du genre Ribes. Les urédies résultant de cette infection libèrent des spores jaune orangé, connues sous le nom d’urédiospores. Si les conditions climatiques sont favorables, plusieurs générations d’urédiospores sont produites, ce qui intensifie la maladie.
À la fin de l’été ou au début de l’automne, des structures filamenteuses, les télies, succèdent sous la surface des feuilles des Ribes. Lorsque les conditions climatiques sont fraîches et humides, de ces structures filamenteuses naissent les téliospores qui en germant produisent chacune quatre basidiospores. Ce sont ces spores qui infectent le pin blanc. Les basidiospores se dispersent massivement sur de courtes distances, généralement inférieures à 300 mètres. Elles ne survivent pas à l’hiver.
Symptômes
Les aiguilles infectées à l’automne se parsèment de points jaunes le printemps suivant. Un an ou deux après, le champignon atteint les branches ou le tronc, et les symptômes sont alors faciles à détecter, car l’écorce déformée par des renflements prend une coloration orangée. L’année suivante, l’écorce se couvre de fructifications appelées « écies », dont les rongeurs se régalent (photo 2).
Le chancre, qui s’agrandit constamment, peut anneler la branche ou le tronc. Il est accompagné d’un écoulement de résine de l’arbre (photos 3 et 4). Lorsque l’annelage est presque complété, le feuillage jaunit au-dessus du chancre, puis il devient brun rouge (photo 4). Certains arbres meurent quatre ans après le début de l’infection.
Dégâts
La rouille vésiculeuse tue des pins blancs de tous les âges. Un fort pourcentage de victimes ont moins de 25 ans. Sur les jeunes semis, la maladie peut entraîner une mortalité importante. Certains arbres meurent quatre ans après le début de l’infection, d’autres peuvent survivre plus de 20 ans. Même si elle ne les tue pas, la maladie affaiblit la tige des gros arbres et retarde leur croissance.
Prévention et lutte
Pour limiter les dégâts causés par la rouille vésiculeuse, on doit mettre en œuvre une stratégie de lutte intégrée qui combine divers moyens en vue de circonscrire l’infection. La prévention est un élément essentiel d’une telle stratégie.
En raison de la raréfaction du pin blanc dans les régions ressources, on pense à reboiser ces endroits ou, encore, à avoir recours à des méthodes de régénération naturelle. En effet, la plupart de nos pinèdes naturelles ont presque atteint leur maturité et les jeunes classes d’âge font défaut. Des semenciers du pin blanc, exempts de la maladie ou montrant des caractères de résistance, doivent être conservés afin d’assurer une meilleure régénération pour l’avenir.
Au Québec, l’ampleur des dégâts dépend non seulement de la zone où est situé le peuplement, mais aussi des conditions qui prévalent dans son environnement immédiat. Le choix du site est donc déterminant. On devrait s’en tenir à la zone de distribution du pin blanc et aux secteurs dont l’altitude n’excède pas 300 mètres, car les risques de rouille vésiculeuse y sont généralement plus faibles. Si l’on veut établir une plantation de pins blancs ou une pépinière où l’on cultivera cette essence, on devrait s’assurer qu’il y a peu ou pas de plantes du genre Ribes dans un rayon de 300 mètres du site considéré. Dans la mesure du possible, on accordera aussi la préférence aux secteurs où l’humidité relative de l’air est faible. On optera donc pour des terrains plats et bien aérés ou, encore, pour les sommets de pentes, et l’on évitera les sites dont la topographie favorise la formation de rosée persistante ou encore l’abondance des plantes de Ribes. De nouvelles connaissances sur l’écologie de ces plantes indiquent que les stations plus sèches, qui conviennent très bien au pin blanc, sont relativement exemptes de Ribes comparativement aux stations humides ou à celles moyennement humides.
Certaines précautions s’imposent si l’on veut prévenir la mortalité dans les jeunes plantations de pins blancs : élagage systématique de la moitié inférieure du houppier, vers l’âge de 8 ans, et inspection à des intervalles plus ou moins rapprochés, selon la zone de vulnérabilité où elles sont établies. Ces inspections, que l’on effectue idéalement en mai et en juin, permettent de détecter la maladie et d’éliminer les parties affectées, le cas échéant. Dans les régions où la maladie n’est pas répandue, on peut même abattre les pins dont le tronc est touché.
Les relevés de rouille vésiculeuse au Québec démontrent que l’on peut réduire le taux d’infection de façon significative en ayant recours à la plantation sous couvert plutôt qu’à un reboisement réalisé en pleine lumière.
Finalement, la production de lignées de pins blancs plus résistantes pourrait éventuellement permettre la restauration du pin blanc dans les territoires qu’il a déjà occupé par le passé.
Références
- Laflamme, G., R. Blais et D. Desgagné. 1998. “Control of Cronartium ribicola in Pinus strobus plantations”, dans Jalkanen, R., Proceeding of the first IUFRO Rusts of Forest Trees Working Party Conference, 2-7 Aug. 1998, Saariselka, Finland, Finnish Forest Research Institute, p. 299-303 (Res. Paper 712).
- Lavallée, A. 1986. « Zones de vulnérabilité du pin blanc à la rouille vésiculeuse au Québec », Forestry Chronicle, vol. 62 no 1, p. 24-28.
- Lavallée, A. 1986. Les risques d’infection pour la rouille vésiculeuse du pin blanc, Sainte-Foy, (Québec) Service canadien des forêts, (Feuillet d’information; CFL 23).
- Plourde, A., A. Lavallée et A. Corriveau, 1991. ” White Pine Blister Rust in Quebec : Past, Present, and Future”, dans Hiratsuka, Y., et autres , Rusts of Pine Proceedings of the IUFRO Rusts of Pine Working Party Conference , Sept. 18-22, 1989, Banff, Alberta, Edmonton, Alberta, Forestry Canada, Northwest Region, Northern Forestry Centre, p. 397-402 (Inf. Report; NOR-X-317).
Photos : Lina Breton, MFFP